Guerre au Moyen-Orient : après les frappes américaines et israéliennes, que reste-t-il des alliés de l'Iran ?
Quelques heures après l'annonce d'un cessez-le-feu fragile entre l'Iran et Israël, la République islamique se retrouve fortement isolée, mardi 24 juin, affaiblie par les frappes américaines. Depuis l'attaque du Hamas contre l'Etat hébreu le 7 octobre 2023, l'influence régionale de l'Iran et de son "axe de la résistance" s'est également fortement érodée.
Ce réseau, auparavant solidement ancré dans plusieurs pays du Moyen-Orient, s'appuyait ainsi sur des alliés clés, tels que le Hezbollah au Liban, les rebelles houthis au Yémen, les milices chiites en Irak et le le régime de Bachar al-Assad en Syrie. Ces revers conjoints laissent désormais l'Iran dans une position délicate alors qu'Israël est soutenu par les Etats-Unis. Franceinfo fait le point sur l'état des forces alliées du régime iranien, après plus d'un an et demi de conflit.
A Gaza, le Hamas est au bord de la rupture
Soutenu depuis plusieurs années par Téhéran, le Hamas a longtemps constitué un pilier clé de l'influence régionale de Téhéran dans la bande de Gaza. Mais en février 2025, le groupe islamiste palestinien avait perdu près de 17 000 combattants, soit environ la moitié de ses effectifs militaires avant le 7-Octobre.
Les bombardements israéliens ont également détruit une grande partie de ses infrastructures, tandis que ses tunnels, essentiels à sa logistique, ont été partiellement neutralisés. Le commandement du Hamas, contraint à la clandestinité, ne contrôle plus pleinement la bande de Gaza, où l'armée israélienne s'est imposée dans plusieurs zones stratégiques.
La dégradation de ses capacités militaires et organisationnelles fragilise donc directement la stratégie iranienne visant à s'appuyer sur des groupes alliés pour défier Israël, rapporte The New York Times.
Au Liban, le Hezbollah se retrouve affaibli
Considéré comme le principal relais iranien, le Hezbollah libanais a aussi subi des pertes sévères depuis le 23 septembre 2024, date du lancement d'une offensive israélienne dans le sud du pays. Ses stocks d'armes ont été détruits et la perte de ses infrastructures et de ses cadres dirigeants, dont Hassan Nasrallah, chef emblématique du mouvement, a profondément fragilisé le groupe, note The Conversation. Après le cessez-le-feu en novembre, Israël a d'ailleurs maintenu ses troupes dans cinq positions dans le sud du pays considérées par l'Etat hébreu comme stratégiques. L'armée libanaise s'est également déployée pour y démanteler les infrastructures de la milice.
Auparavant incontournable dans la vie politique du Liban, le Hezbollah est aujourd'hui fortement affaibli. Sur le plan stratégique, le groupe adopte désormais une posture prudente, limitant ses ripostes pour éviter un conflit ouvert, selon The New York Times. "Ce à quoi nous assistons aujourd'hui dans la région n'est rien d'autre que l'effondrement de la stratégie et de la capacité de l'Iran à projeter son influence depuis des décennies", explique Firas Maksad, chercheur au Middle East Institute, interrogé par le quotidien américain.
En Syrie, le nouveau pouvoir rompt avec Téhéran
La Syrie a connu un retournement majeur en décembre 2024. Les rebelles emmenés par Hayat Tahrir al-Cham ont pris Damas, provoquant la chute du régime de Bachar al-Assad. Le pays, autrefois pilier logistique fondamental pour l'Iran, facilitait notamment le transfert d'armes vers le Hezbollah et offrait des bases stratégiques en Méditerranée.
Le nouveau gouvernement syrien, dirigé par Ahmed al-Charaa, a rompu avec Téhéran. Il a même ouvert son espace aérien à l'Etat hébreu, facilitant ainsi les frappes israéliennes contre l'Iran, rapporte L'Orient-Le Jour. Selon The Conversation, les milices pro-iraniennes ont aussi été largement expulsées de Syrie, privant l'Iran d'un point d'ancrage. Le pouvoir s'est aussi rapproché des Etats-Unis, lors de la visite de Donald Trump au Moyen-Orient en mai, où le président américain avait levé les sanctions américaines contre la Syrie.
Au Yémen, les houthis se mettent en retrait
Au Yémen, les houthis sont aujourd'hui le groupe le plus actif dans la sphère d'influence iranienne. Ces derniers mois, ils ont notamment multiplié les attaques en mer Rouge et contre Israël, allant jusqu'à tirer un missile sur l'aéroport de Tel-Aviv. Ils ont toutefois provoqué Washington, qui a mené une campagne de bombardements touchant les capacités de riposte du groupe. En mai, les rebelles avaient alors conclu un accord de cessez-le-feu avec les Etats-Unis.
Mais deux jours après la première frappe israélienne contre l'Iran, le porte-parole houthi Yahya Saree a annoncé une nouvelle attaque de missiles contre Tel-Aviv, affirmant désormais synchroniser ses actions avec celles de Téhéran, rapporte Al Jazeera. Une réponse qui pourrait s'avérer limitée, selon un spécialiste du Yémen interrogé par la chaîne, car les rebelles "essaient de se remettre des frappes américaines de mars à mai".
En Irak, les milices chiites ne s'impliquent pas
En Irak, malgré les liens entre l'Iran et plusieurs groupes armés chiites, ces derniers restent en retrait face à l'embrasement régional. Avant même les frappes sur des sites nucléaires, la milice Kataeb Hezbollah avait averti qu'elle viserait directement les bases américaines si Washington s'impliquait davantage, rapporte l'agence Associated Press. Pourtant, depuis l'opération américaine lancée samedi, l'organisation est restée silencieuse.
Selon The New York Times, ces groupes armés sont ainsi confrontés à des pressions internes, à la fois de leurs partisans et des élites de leurs pays, qui les dissuadent de s'engager dans le conflit en soutien à l'Iran ou au Hamas. "Ils ont vu ce qui est arrivé à l'Iran et au Hezbollah, et ils craignent qu'Israël ne se retourne contre eux", estime le chercheur Renad Mansour cité par l'agence de presse américaine. "Si l'Iran subit des pertes insurmontables ou si [l'ayatollah Ali Khamenei] est assassiné, cela pourrait servir de déclencheur", ajoute toutefois l'universitaire Tamer Badawi.
En Russie, le Kremlin se concentre sur l'Ukraine
Moscou condamne certes les frappes contre l'Iran, mais évite toute implication militaire directe contre Israël ou les Etats-Unis. D'après The New York Times, le Kremlin ne souhaite pas se mettre à dos des partenaires stratégiques, comme les Emirats arabes unis ou l'Arabie saoudite, hostiles à une montée en puissance de l'Iran dans la région. Le journal américain note également que les forces russes sont déjà largement mobilisées par la guerre en Ukraine, limitant le champ d'action de Moscou au Moyen-Orient.
"Tout au long de l'histoire entre l'Iran et la Russie, la Russie n'a jamais été un allié fiable", affirme Mahnaz Shirali, chercheuse spécialiste de l'Iran, à la chaîne australienne ABC. Selon elle, Téhéran a "énormément aidé la Russie, en lui fournissant des missiles et des drones", mais Moscou refuse même de lui construire un système de défense aérienne.