Contrats colossaux dans le Golfe, levée des sanctions en Syrie, contrôle de Gaza... Quel est le bilan de la tournée de Donald Trump au Moyen-Orient ?

Il n'aura pas fait le voyage pour rien. Donald Trump achève, vendredi 16 mai, sa tournée de quatre jours dans le Golfe, une visite marquée par une série d'accords économiques record et des annonces diplomatiques majeures. Arrivé mardi en Arabie saoudite, le président des Etats-Unis s'est ensuite rendu au Qatar, avant de poser ses valises aux Emirats arabes unis, troisième et dernière étape de ce voyage destiné à "rapporter, au total, 3 500 à 4 000 milliards de dollars en seulement quatre ou cinq jours", a-t-il affirmé lors d'un premier meeting à Doha. Entre des contrats pharaoniques, la levée des sanctions contre la Syrie, des discussions sur le nucléaire iranien et des propositions pour la bande de Gaza, franceinfo dresse le bilan de ce déplacement stratégique au Moyen-Orient.

Des contrats commerciaux gigantesques

A Riyad, l'Arabie saoudite s'est engagée à investir 600 milliards de dollars, dont 142 pour des équipements militaires fournis par plus d'une dizaine d'entreprises américaines, a annoncé la Maison Blanche mardi. Quelque 80 milliards seront injectés dans les technologies via des géants comme Google, Oracle, Uber ou AMD. En échange, le fabricant américain de microprocesseurs a annoncé la signature d'un contrat de 10 milliards avec le royaume pour fournir des puces IA. Elon Musk, également du voyage, a quant à lui vanté lors d'une conférence l'utilisation de Starlink, filiale de SpaceX, pour l'aviation et la navigation maritime saoudiennes. 

L'émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, s'entretient avec le président américain, Donald Trump, à la fin de l'étape qatarienne de sa tournée régionale, sur la base aérienne d'Al-Udeid, au sud-ouest de Doha, le 15 mai 2025. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)
L'émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, s'entretient avec le président américain, Donald Trump, à la fin de l'étape qatarienne de sa tournée régionale, sur la base aérienne d'Al-Udeid, au sud-ouest de Doha, le 15 mai 2025. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Mercredi, à Doha, Donald Trump a ensuite scellé avec l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, un partenariat économique chiffré à 1 200 milliards de dollars, selon le communiqué de la Maison Blanche. L'accord inclut notamment la commande de 210 avions Boeing par Qatar Airways pour un montant de 96 milliards de dollars, la plus grande de l'histoire pour le constructeur américain, note Al Jazeera.

Un autre volet de l'accord prévoit 10 milliards d'investissements sur la base aérienne d'Al-Udeid, qui représente un point stratégique majeur pour les opérations américaines au Moyen-Orient. Le Qatar a par ailleurs prévu de verser 42 milliards pour des achats d'armements américains, a annoncé Donald Trump jeudi lors d'un discours sur la base.

Le président américain, Donald Trump, participe à un conseil d'affaires entre les Etats-Unis et les Emirats arabes unis, à Abou Dhabi, le 16 mai 2025. (WALEED ZEIN / ANADOLU / AFP)
Le président américain, Donald Trump, participe à un conseil d'affaires entre les Etats-Unis et les Emirats arabes unis, à Abou Dhabi, le 16 mai 2025. (WALEED ZEIN / ANADOLU / AFP)

Pour conclure cette série de partenariats, Donald Trump a annoncé jeudi, aux Emirats arabes unis, plus de 200 milliards de dollars de contrats, rapporte Reuters. Etihad Airways a confirmé la commande de 28 avions Boeing pour 14,5 milliards de dollars, relate l'agence de presse.

Enfin, un accord a été signé pour la construction du plus grand centre de données en intelligence artificielle hors des Etats-Unis, a dévoilé le département du Commerce américain. "Vous êtes un pays extraordinaire. Vous êtes un pays riche. Vous pouvez choisir, mais je sais que vous serez toujours à mes côtés", a résumé le président américain jeudi en s'adressant à son homologue émirati, Mohammed ben Zayed, assurant que les Etats-Unis les traiterait "de façon magnifique". 

Un Boeing 747 promis en cadeau qui fait polémique

Parallèlement à ces multiples annonces, la famille royale qatarienne a promis en cadeau à Donald Trump un avion d'une valeur estimée à 400 millions de dollars. Cet énorme présent a immédiatement suscité la controverse aux Etats-Unis, les opposants du président américain y voyant un possible trafic d'influenceChuck Schumer, l'un des ténors du Parti démocrate, l'a ainsi qualifié de "plus gros pot-de-vin présidentiel de l'histoire moderne""Ce n'est pas seulement de la pure corruption, c'est également une menace grave pour la sécurité nationale", a affirmé mardi le chef des démocrates au Sénat.

Donald Trump a pour sa part estimé lundi qu'il aurait été "stupide" de refuser, alors qu'il a envie de remplacer l'actuel Air Force One. "Le Boeing 747 est donné à l'armée de l'air des Etats-Unis/au ministère de la Défense, pas à moi ! C'est un cadeau d'un pays, le Qatar, que nous avons défendu avec succès pendant de nombreuses années", s'est justifié le président sur son réseau Truth Social. La Maison Blanche a, elle, promis "la plus grande transparence" sur ce don. Reste que la Constitution américaine interdit aux dépositaires de l'autorité publique d'accepter des cadeaux "de la part d'un roi, d'un prince ou d'un Etat étranger".

Une levée des sanctions américaines contre la Syrie

En parallèle des accords avec l'Arabie saoudite, Donald Trump a également annoncé mardi à Riyad la levée des sanctions américaines contre la Syrie. "Je vais ordonner l'arrêt des sanctions (...) pour leur donner une chance de grandeur", a-t-il déclaré, après des demandes en ce sens du prince héritier Mohammed ben Salmane. La décision est intervenue quelques jours après la première visite en Europe du nouveau président syrien, Ahmed al-Charaa, accueilli à l'Elysée par Emmanuel Macron. "Les sanctions étaient brutales et paralysantes, et elles ont joué un rôle important – vraiment important, néanmoins – à l'époque", a justifié le président américain mercredi, lors d'un discours au forum d'investissement américano-saoudien. "Mais aujourd'hui, c'est à leur tour de briller", a-t-il ajouté, évoquant une bouée de sauvetage économique pour un pays exsangue après treize années de guerre civile.

Le lendemain de son annonce, Donald Trump a rencontré le nouveau dirigeant syrien, toujours dans la capitale saoudienne. Cette entrevue d'une trentaine de minutes était la première rencontre officielle entre des chefs d'Etat syrien et américain depuis vingt-cinq ans, relève le New York Times. Donald Trump a vu dans l'ancien chef jihadiste, considéré auparavant comme terroriste, "un jeune homme séduisant. Un dur à cuire. Un passé solide. Un passé très solide. Un combattant", rapporte le journal américain.

Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, salue le président intérimaire de la Syrie, Ahmed al-Charaa, sous le regard du président américain, Donald Trump, à Riyad, le 14 mai 2025. (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE / AFP)
Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, salue le président intérimaire de la Syrie, Ahmed al-Charaa, sous le regard du président américain, Donald Trump, à Riyad, le 14 mai 2025. (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE / AFP)

Lors de cette rencontre, Donald Trump a notamment demandé à la Syrie de "rejoindre les accords d'Abraham", de normaliser ses relations avec Israël, d'expulser les "terroristes" palestiniens présents sur son sol et de reprendre le contrôle des centres de détention où sont incarcérés des combattants de l'organisation Etat islamique. Le président syrien a quant à lui sollicité des investissements américains dans le secteur pétrolier syrien, rapporte Al JazeeraLe secrétaire d'Etat américain, Marco Rubio, a rencontré jeudi son homologue syrien, Assaad al-Chibani, à Antalya, en Turquie, pour entamer la mise en œuvre du processus de levée des sanctions, a annoncé le gouvernement américain dans un communiqué

Des "progrès" dans les négociations avec l'Iran sur le nucléaire

Au cours de son voyage, Donald Trump a également évoqué le dossier iranien. "Nous progressons. Je pense que nous sommes proches d'un accord", a-t-il affirmé depuis Doha avant son retour aux Etats-Unis, ajoutant : "Ils ont une proposition, mais surtout, ils savent qu'ils doivent bouger rapidement ou que quelque chose de mauvais arrivera". Cette déclaration survient à l'issue de quatre rounds de discussions entre Washington et Téhéran ces dernières semaines.

"Je suis prêt à mettre fin aux conflits passés et à forger de nouveaux partenariats pour un monde meilleur et plus stable, même si nos différences peuvent être très profondes, ce qui est évidemment le cas avec l'Iran", avait aussi déclaré quelques jours plus tôt le président américain à Riyad. Dans une interview accordée à NBC News, un conseiller du guide suprême iranien, Ali Shamkhani, a assuré de son côté que l'Iran était prête à renoncer à l'enrichissement d'uranium à des niveaux élevés et à permettre des inspections internationales, en échange de la levée des sanctions économiques.

Cette main tendue à Téhéran marque un revirement dans la politique américaine, après de longues années de tensions. L'Iran est notamment suspecté d'avoir téléguidé une tentative d'assassinat contre Donald Trump juste avant sa victoire à la présidentielle fin 2024.

Une nouvelle proposition de prise de contrôle de Gaza

A la fin de sa tournée diplomatique, Donald Trump a évoqué la situation dans la bande de Gaza. Il a affirmé jeudi depuis le Qatar vouloir en faire "une zone de liberté", évoquant la possibilité pour les Etats-Unis de prendre le contrôle du territoire. Une proposition immédiatement rejetée par le Hamas, qui a répondu que l'enclave n'était "pas à vendre". Vendredi, depuis Abou Dhabi, le président américain a brièvement abordé de nouveau la situation : "Nous nous intéressons à Gaza. Et nous allons faire en sorte que cela soit réglé. Beaucoup de gens sont affamés", a-t-il déclaré alors que le blocus imposé par l'armée israélienne depuis début mars interdit l'acheminement de nourriture et d'aide humanitaire

En parallèle, les relations entre Washington et Israël semblent se refroidir. Aucun dirigeant israélien n'a été convié à la tournée du président américain, Israël est exclu des pourparlers sur le nucléaire iranien, et Donald Trump n'a pas mentionné l'Etat hébreu dans ses allocutions, se concentrant sur ses liens avec les monarchies du Golfe.