Budget 2026 : "Les Allemands vont mettre 82 milliards d'investissements dans leur industrie, et nous, on fait un budget d'austérité", déplore Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis

Après les annonces de François Bayrou sur le budget 2026, La France insoumise prône fermement la censure du projet et du gouvernement, dénonçant les conséquences sur les Français et les plus précaires de cette cure d'austérité pour redresser les finances du pays. Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis et président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, explique sa position face à Jean-Baptiste Marteau dans les "4 Vérités" du 17 juillet.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Jean-Baptiste Marteau : Entre tenter d'améliorer le budget, ou censurer le gouvernement de François Bayrou au plus vite, vous avez clairement fait le choix de la seconde option chez La France insoumise. Pourquoi ne pas tenter de faire bouger certains points ici et là ?

Éric Coquerel : Parce que rien n'est bon dans ce budget. Tout le budget est à jeter, toute la cohérence de ce budget est mauvaise. Qu'est-ce qui se passe dans ce pays, pour bien comprendre ? Depuis maintenant 2017, les déficits qui augmentent sont principalement dus aux cadeaux qu'on a faits au capital. C'est-à-dire que ce pays est devenu accro aux cadeaux fiscaux aux plus riches. Cela nous coûte à peu près 60 milliards de recettes en moins par an. Et puis, ce pays est aussi devenu accro aux aides aux entreprises en contrepartie. Rendez-vous compte, il y a 211 milliards, chaque année, qui partent en aide aux entreprises. Ça fait 6 700 euros par seconde que nous donnons aux entreprises sans contrepartie.

Mais ça rapporte aussi certaines choses à l'économie française.

En tout cas, tout ça part de manière importante, et on n'a pas vu les effets économiques. Ça s'appelle la politique de l'offre. Vous savez, où on dit : "On va donner beaucoup au capital, ça va rejaillir sur l'économie". Le chômage remonte, l'industrie est en dessous de 10 % du PIB, la productivité baisse, je ne vous fais pas le topo. Tout est au rouge. Et donc, qu'est-ce qu'on dit, qu'est-ce qu'on va faire ? On va seulement continuer à faire ces cadeaux aux entreprises, ces cadeaux fiscaux, qui ne vont rapporter que 10 % des 44 milliards que propose le gouvernement. Tout le reste, ce sont les Français qui le paient. Par l'augmentation des impôts, par la baisse des prestations sociales, par la baisse des pensions des retraités. Tout le monde ne fait pas d'efforts. Ceux qui nous coûtent trop cher, c'est-à-dire ceux qui, depuis 2017, font augmenter le déficit dans ce pays, eux, ne cotisent qu'à 10 %, je vous rappelle, ces quatre fameux milliards d'équité fiscale, le reste des Français vont être appelés à serrer la ceinture. Et le problème de tout ça, c'est que non seulement ce n'est pas égal, mais ça baisse la consommation populaire, qui pèse pour moitié dans le PIB, et ça baisse les dépenses publiques. Les dépenses publiques, c'est ce qui explique le fait que la France croît en 2023-2024. Donc tout ça est mauvais économiquement, c'est pour ça qu'il n'y a rien à prendre dans ce budget.

"Ils nous imposent toujours une politique qui échoue pour le pays"

Donc contrairement à ce qu'a dit Emmanuel Macron hier, il vous incite à venir faire des propositions, là vous lui dites 'Non, on n'a pas de propositions à faire sur cette base-là'...

On est dans un contexte qui pose un problème démocratique, parce que ces gens-là ont été battus en juillet 2024, il y a maintenant un an, et ils nous imposent toujours une politique qui échoue pour le pays, dont ils font mine de penser que c'est la seule politique possible. Donc non, il y a une autre politique, et notamment qui résoudrait le grand problème que nous avons dans ce pays. Non seulement on va toucher ce qui reste de vecteurs de croissance dans ce pays, la consommation populaire, les dépenses publiques, - parce que ça produit des recettes -, mais en plus de ça, on va être incapables d'investir comme on le devrait au niveau industriel, et notamment pour la bifurcation écologique, par rapport au dérèglement climatique, mais aussi pour relancer l'activité. Les Allemands vont mettre 82 milliards d'investissements dans leur industrie. Et nous, pendant ce temps-là, on fait un budget d'austérité qui va serrer la ceinture de tous les Français et qui va être incapable de résoudre le problème central que nous avons : comment on garde une industrie dans ce pays et comment on fait la bifurcation écologique.

C'est très bien d'essayer de censurer le gouvernement François Bayrou, mais s'il est censuré à l'automne, que se passe-t-il ? Il y aura un nouveau gouvernement. Peut-être Sébastien Lecornu, Premier ministre, et puis, il y aura un nouveau budget...

Déjà, on aura fait échouer le budget. À partir du moment où je trouve qu'il est mauvais pour le pays, je ne vais pas le laisser passer sous prétexte qu'il faudrait absolument que ce gouvernement fasse passer son budget. Ce budget est mauvais. Il faut les arrêter. Cette politique, elle est en vigueur depuis 2017. On a l'impression que ces gens-là ne gouvernent pas le pays depuis 2017, ils nous présentent un bilan catastrophique, comme s'ils n'avaient aucune responsabilité. Il faut les arrêter au plus vite, et je ne connais pas d'autres moyens qu'une motion de censure pour les arrêter. Voilà pourquoi nous nous proposerons au plus vite une motion de censure.

Pour ça, vous avez besoin des socialistes. Vous avez dit que vous espériez que les socialistes soient au rendez-vous de la censure. Ça veut dire quoi ? Vous doutez de vos amis socialistes pour censurer le gouvernement ?

J'en doute. Parce que la dernière fois, Monsieur Bayrou a réussi à passer son budget, en février dernier, et donc à faire très mal au pays, y compris à appliquer une politique souvent discriminatoire, ultra-sécuritaire, avec Monsieur Retailleau pendant des mois parce que les socialistes n'ont pas voté la censure. Ils ont envie de négocier, et pour moi, c'est un problème à partir du moment où on explique que le budget est globalement mauvais, ce que dit Olivier Faure.

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