Budget 2025 : "On appelle les députés, en responsabilité, à voter ce budget", même s'il est "imparfait", appelle la CPME
François Bayrou a eu recours à deux 49.3 pour faire passer le budget de l'État et celui de la Sécurité sociale sans votes, s'exposant ainsi à une motion de censure. Il faut attendre quelques jours pour savoir si le gouvernement reste en place. Une actualité suivie de près par les grands patrons mais aussi par les petites entreprises.
Amir Reza-Tofighi est le nouveau président de la CPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises.
Franceinfo : Espérez-vous que le gouvernement va tenir ?
Amir Reza-Tofighi : Cela fait des mois et des mois que les entreprises attendent ce budget. Nous, on appelle les députés, en responsabilité, à voter ce budget. Il est imparfait pour les entreprises, avec des hausses de taxes, des hausses d'impôts, mais on a besoin de stabilité et de passer à autre chose. Les chiffres du chômage le montrent : on a vraiment besoin que les entreprises retrouvent de la stabilité et qu'on puisse enfin avoir une visibilité sur 2025.
Que disent vos adhérents ? Quel est leur état d'esprit ?
C'est un ras-le-bol. On a l'impression d'avoir deux mondes parallèles. On a le monde réel, celui des entreprises et des salariés qui travaillent dans les entreprises. Et on a un monde politique où certains peuvent jouer avec l'économie, peuvent jouer avec un risque de censure, peuvent jouer avec la survie de nos entreprises. On n'a jamais eu autant de défaillances qu'au quatrième trimestre, le taux de chômage explose. Ça, c'est parce que l'incertitude politique provoque une incertitude économique.
Le nombre d'inscrits à France Travail en catégorie A (les personnes qui n'ont pas du tout travaillé) augmente en effet de près de 4% au dernier trimestre 2024 par rapport au troisième. Etes-vous étonné et cela vous inquiète-t-il pour l'avenir ?
C'est l'équivalent de la ville de Besançon en nombre de chômeurs supplémentaires. Oui, ça nous inquiète pour deux raisons. La première, c'est que c'est exactement la conséquence de ce qu'on dit depuis des mois : on a besoin d'avoir un budget qui soit dans une logique de politique de l'offre et surtout d'avoir un budget pour que les entreprises puissent savoir où elles vont. La deuxième inquiétude, c'est sur le taux de chômage des jeunes qui augmente de 8%. Là, on peut bien voir l'impact de toutes les discussions qu'il y a eu sur les aides à l'apprentissage, et qui représentent un investissement pour l'avenir, sur la formation des jeunes. Tout le débat qui a eu sur le fait de baisser les aides à l'apprentissage, il a provoqué quoi ? De la part des entreprises, parce qu'on ne savait pas comment on allait pouvoir être accompagné, une réticence à embaucher des jeunes.
Faut-il continuer la politique de l'offre, qui est un des marqueurs de la politique d'Emmanuel Macron ?
C'est la seule politique qui montre aujourd'hui une baisse du taux de chômage, qui montre aujourd'hui un développement de l'activité économique. En France, le pays au monde où on a le plus de prélèvements obligatoires, où on a la dépense publique la plus importante, je pense que la solution est de baisser les dépenses publiques et de favoriser les entreprises pour qu'elles puissent investir, recruter et se développer.
Dans ce budget, que vous jugez imparfait, il y a notamment une surtaxe d'impôt sur les sociétés qui ne vise que les très grandes entreprises. Bernard Arnault ou encore du patron du Medef, Patrick Martin, ont fait part de leur colère. Partagez-vous leur avis ?
Je partage leur avis. Je n'oppose pas les petites entreprises et les grandes entreprises. Notre économie a besoin de grandes entreprises et aussi besoin des TPE et PME qui irriguent tout le territoire, qui représentent 99% des entreprises. Si les grandes entreprises ne vont pas bien, ça se répercutera également sur les petites entreprises. Je pense qu'il faut arrêter la machine à taxes. Chaque année, on essaie de sortir des nouvelles taxes. À un moment donné, elles ne concernent que les multinationales et puis finalement, on les étend à toutes les entreprises. Mon souhait, c'est qu'enfin on réfléchisse à diminuer la dépense publique et favoriser les entreprises.
Le budget prévoit aussi des réductions de dépenses, et cette surtaxe est temporaire, pour un an. Entendez-vous aussi que le gouvernement dise que tout le monde doit participer à l'effort, vu l'état des comptes publics ?
Concernant les taxes, tout ce qui est temporaire, en général, est toujours généralisé. On verra l'année prochaine si la promesse est respectée. Il y avait aussi une promesse sur la CVAE (la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), ça fait trois ans qu'à chaque fois, on nous dit que c'est reporté à l'année prochaine. Donc très concrètement, ce qu'on demande aujourd'hui, ce sont de vrais engagements pour les entreprises, qui contribuent tous les jours en recrutant et en créant de la valeur. On demande que ceux qui créent de la valeur soient écoutés et pas toujours ceux qui créent du déficit.
Il va falloir bientôt préparer le budget pour 2026. Y a-t-il des mesures qu'il faudrait prendre ? Si vous aviez une baguette magique, que feriez vous ?
Premièrement, j'aurais un discours de vérité en disant qu'on ne peut plus continuer avec un déficit tel qu'on l'a aujourd'hui. Et pour ça, la solution, ce n'est pas d'augmenter les taxes sur les entreprises, ce n'est pas d'augmenter les taxes sur les citoyens, c'est de faire une vraie réforme du coût de l'État et de l'action publique.
On a des autorités indépendantes, on a le coût de la norme qui atteint 80 milliards d'euros, avec le coût de toutes les autorités indépendantes, de toutes les organisations qui gravitent autour du monde politique. Et donc on a un vrai effort à faire pour réduire la dépense publique. On a eu tout le sujet sur les jours de carence dans le privé et dans le public. On a des propositions pour diminuer la dette et c'est la mère des batailles. Parce que si on est un pays qui n'arrive pas à répondre à la problématique du déficit, demain ça se répercutera sur les entreprises et sur nos citoyens.
Aux Etats-Unis, vous voyez les premières décisions prises par Donald Trump, notamment en matière de droits de douane. La perspective de cette guerre commerciale vous inquiète-t-elle ?
Toute guerre commerciale est négative. Et donc forcément, aujourd'hui, quand on voit cette menace de nouvelles taxes, ça nous inquiète. Mais elle nous inquiète doublement parce que, au-delà de ces menaces de nouvelles taxes, ce qu'on voit, c'est un pays - les Etats-Unis - qui est en train d'investir massivement pour ses entreprises, qui est en train d'avoir une politique de réduction de la dépense publique alors que nous, on est complètement à l'opposé. C'est un double danger pour nous. Face à ça, il faut que l'Europe et la France soit fortes et qu'on réinvestisse dans l'entreprise, qu'on ait une vraie politique de réindustrialisation et qu'on sorte de ce schéma négatif de toujours de sanctionner les entreprises.