Économiser 44 milliards dans le budget 2026 : pourquoi ?
François Bayrou vient d’annoncer 44 milliards d’euros d’économies pour le budget 2026, dont plus de 5 milliards directement prélevés sur les collectivités locales. La décision est brutale, et pourtant parfaitement cohérente avec la logique à l’œuvre depuis plusieurs années : en conscience, l’État fait le choix de s’attaquer aux maillons les plus fragiles du pays — les services publics, les territoires déjà en difficulté, les plus modestes — plutôt que de remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés et aux grandes entreprises.
Dans ce contexte, cette question — « Pourquoi 40 milliards d’économies ? » — résonne plus fort encore. Et avec elle, une autre : « Où va l’argent ? »
En France, de plus en plus revient cette expression : « Ce pays s’écroule. »
Chacun d’entre nous, dans sa vie personnelle et professionnelle, est confronté à ces terribles alertes qui démontrent cet affaissement de notre pays, chaque jour un peu plus. L’accès aux soins, et plus particulièrement à la santé mentale, devient un angle mort du système. L’Aide Sociale à l’Enfance est « dans le gouffre ». Jusqu’au CAPES de mathématiques, déserté au point qu’il manque parfois 30 % des professeurs nécessaires. Sous nos yeux, des institutions jadis prestigieuses de la République — l’ONF, Météo-France ou encore l’ADEME — sont dégradées.
Partout, le reflux de l’État laisse un arrière-goût d’abandon, celui d’une République qui se délite, dans l’indifférence. Comme un symbole : il pleut dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, en direct à la télévision, sur la chemise d’un Premier ministre à bout de souffle. Oui, j’en suis convaincu : « Ce pays s’écroule. »
Mais comment en est-on arrivé là ?
Depuis 2017, les recettes fiscales de l’État explosent. En 2024, elles ont atteint 440 milliards d’euros. En 2025, elles atteindront près de 472 milliards d’euros. C’est 150 milliards de plus qu’en 2019. Soit près de 50 % de progression en quelques années. 472 milliards d’euros de recettes fiscales, alors que la seule inflation depuis l’an 2000 n’aurait dû mener qu’à 360 milliards d’euros. Jamais la France n’a été aussi riche. Et pourtant, on nous parle d’austérité, de coupes budgétaires, de services à réduire, d’agents à ne pas augmenter, d’efforts à faire et donc de 40 milliards d’économies à réaliser en 2026. Sans jamais poser les deux seules questions qui s’imposent : « Pourquoi ? » et « Où va l’argent ? »
La vérité est simple, documentée, indéniable : depuis 2019, l’État redirige une part gigantesque des recettes de TVA pour compenser les baisses d’impôts accordées aux foyers les plus aisés et aux entreprises. C’est le cas avec la suppression de la taxe d’habitation. Avant la réforme, environ 40 % des foyers, les plus modestes, en étaient déjà exonérés. Ce sont donc essentiellement les 60 % restants qui ont bénéficié de la suppression, avec un avantage particulièrement marqué pour les 20 % les plus aisés, qui en étaient jusque-là pleinement redevables.
C’est le cas à chaque baisse de cotisations patronales, ou quand on planifie la quasi-disparition de la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), quand on réduit la Contribution Foncière des Entreprises (CFE). La CVAE et la CFE sont les deux composantes de l’ancienne taxe professionnelle, remplacée par ces deux impôts portant sur le secteur économique. Autant de mesures qui profitent en premier lieu aux grandes entreprises. Car à chaque fois qu’un allègement a été accordé, l’État a dû compenser les pertes des bénéficiaires précédents – la Sécurité sociale et les collectivités territoriales – en puisant dans ses recettes de TVA. C’est le cœur du sujet.
En 2018, 93 % des recettes de TVA contribuaient au budget de l’État. En 2024, ce chiffre est tombé à 46 % : moins de la moitié. C’est ainsi que la TVA, impôt central de notre système fiscal, a été progressivement détournée de sa fonction première : financer l’action publique. 93 % en 2018, 46 % en 2024. Vous avez bien lu.
100 milliards d’euros par an sont ainsi détournés. Une somme colossale qui transite dans les caisses de l’État sans jamais servir à nos écoles, nos infrastructures, nos agences d’État ou nos services publics. 100 milliards chaque année. Un quart des recettes fiscales de l’État. Comment voulez-vous que ce pays ne s’effondre pas ?
Cette réaffectation massive à bas bruit explique l’explosion de la dette, l’effondrement de nos services publics, et l’incapacité de l’État face aux urgences sociales et écologiques.
Si le Président Macron et ses Premiers ministres n’avaient pas fait ce choix depuis 2019, on pourrait augmenter de 40 % les budgets de tous les ministères. Tous. Projets, programmes et salaires compris.
Si ces choix n’avaient pas été faits, la France serait sous les 3 % de déficit public et la dette n’aurait pas explosé comme elle l’a fait depuis 2017, car il n’aurait pas été nécessaire d’emprunter autant sur les marchés financiers.
Ce que François Bayrou vient de confirmer, c’est que les économies demandées à la Nation ne seront pas prélevées là où l’État a donné trop : elles le seront là où le tissu social est déjà fragilisé, là où les services publics sont à l’os, là où les collectivités territoriales sont déjà sous perfusion.
En ciblant les plus nombreux, les plus discrets, les moins puissants, le pouvoir choisit le cynisme politique, non la justice sociale. Le premier ministre innove en calculant l’augmentation de la dette française par seconde, pour nous faire peur : 5 000 euros par seconde. Le Sénat vient de rendre son rapport sur les aides annuelles aux entreprises. C’est 210 milliards par an. Ça fait 6 700 euros par seconde !
Ici et partout, nous ne resterons ni silencieux ni passifs.
Avant de partir, une dernière chose…
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