Impôts des retraités : ce que changerait le passage d'un abattement fiscal de 10% à un plafond de 2 000 euros par an

Déterminé à économiser près de 44 milliards d'euros dans son budget 2026, le Premier ministre François Bayrou a fait, mardi 15 juillet, plusieurs annonces visant à résorber le déficit de la France. Entre une "année blanche" et la possible suppression de deux jours fériés, le chef du gouvernement a aussi annoncé son souhait de remplacer l'abattement fiscal de 10% sur les revenus dont bénéficient les retraités par un plafond de 2 000 euros par an. Ce qui "permettra d'avantager les petites retraites, de garantir un pouvoir d'achat inchangé aux retraites moyennes et de remettre dans le droit commun les retraites les plus importantes" selon François Bayrou, qui souhaite revoir ou limiter les niches fiscales dans leur ensemble.

Cet abattement fiscal de 10% a été mis en place en 1978 sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Il visait à mettre les retraités à égalité avec les actifs, qui bénéficient d'une déduction fiscale automatique de 10% de leurs revenus pour frais professionnels. Mais cet abattement, qui s'applique aussi aux pensions alimentaires et aux pensions d'invalidité et est plafonné à 4 399 euros par foyer, était dans le viseur du gouvernement depuis des mois, alors même que la mesure profite à 14,96 millions de ménages de retraités imposables, selon l'annexe du projet de loi de finances 2025 (document PDF).

Un plafond encore loin d'être adopté

Le gouvernement souhaite remplacer le dispositif par un forfait de 2 000 euros par an et par foyer, si les orientations présentées par François Bayrou sont adoptées en l'état par le Parlement, ce qui est loin d'être acquis, au vu de la gronde des oppositions. Au moment de la déclaration d'impôts, un retraité déduira désormais 2 000 euros de ses revenus, au lieu de 10% avec un plafond de 4 399 euros, soit 2 399 euros de moins. Le montant en euros de l'abattement serait donc le même pour tout le monde et s'appliquerait sur le barème de l'impôt sur le revenu, qui se décompose en cinq tranches. La première, en dessous de 11 497 euros nets de revenus annuels, n'est pas imposable, la seconde débute à 11 498 euros et applique un taux d'imposition de 11% et ainsi de suite (30%, 41%, 45%).

"Il y aura des gagnants avec les retraités les plus modestes, mais qui sont imposables : ceux dont l'abattement de 10% se situe sous les 2 000 euros y gagneront, puisque le plafond est désormais fixé à 2 000 euros", explique Pierre Madec, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques. Les retraités aux revenus intermédiaires, dont l'abattement se situe entre 2 000 et 4 399 euros seront en revanche "les grands perdants", prévient Pierre Madec.

Une mesure qui profiterait aux foyers touchant moins de 20 000 euros par an

La différence entre les foyers qui gagneront de l'argent et ceux qui en perdront se situe autour de "20 000 euros" annuels, selon les calculs d'Eric Lombard, mardi soir sur France 2. Mais ni le ministre de l'Economie ni les économistes ne sont pour l'instant en mesure de préciser le nombre de retraités qui seront concernés par une hausse (ou une baisse) de la fiscalité, ou de calculer ces changements. "Cela dépend de plusieurs choses, notamment si le retraité vit seul ou alors s'il est en couple avec un autre retraité ou un actif", détaille Pierre Madec.

Actuellement, un retraité qui perçoit 17 000 euros à l'année et applique l'abattement de 10% déclare 15 300 euros. Il paie donc 11% d'impôts à partir de 11 498 euros (si on se concentre seulement sur l'impôt sur le revenu et que l'on n'applique pas les autres avantages dont les retraités peuvent parfois bénéficier). Il payait cette année 418 euros d'impôts. Il paierait 385 euros avec le nouveau plafond fixé à 2 000 euros, soit une petite économie de 33 euros.

Ceux dont l'abattement actuel atteint un montant situé entre 2 000 et 4 399 euros vont en revanche payer plus d'impôts. Et comme les barèmes sont évolutifs, ils pourraient aussi changer de tranche sur une partie de leurs revenus imposables, ce qui corserait l'addition. Enfin, les retraités les plus aisés vont aussi payer plus d'impôts.

Alors que les retraités vont par ailleurs voir leur pension gelée en raison de l'année blanche, cette modification de l'abattement fiscal apparaît comme une mesure moins pénalisante pour l'ensemble des retraités que sa suppression totale, initialement envisagée par le gouvernement. Elle rapportera aussi moins d'argent à l'Etat, qui aurait pu récupérer près de 5 milliards d'euros avec cette suppression.