Mouvement de blocage du 10 septembre : "Notre souhait, c'est qu'à la censure parlementaire, s'ajoute une forme de censure populaire" du budget, explique Manon Aubry, eurodéputée LFI

Le gouvernement s'apprête à faire sa rentrée politique, avec un premier discours du Premier ministre François Bayrou à 16h, lundi 25 août. Une rentrée à l'ombre des menaces de grèves et de blocages, mais aussi de la censure, qui pourrait être suivie par l'opposition. Pour en parler, le journaliste Antoine Comte reçoit Manon Aubry, députée européenne La France insoumise, déterminée à déposer une motion de censure dès fin septembre, sur franceinfo ce lundi.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Antoine Comte : François Bayrou, le Premier ministre, va s'exprimer à 16h, une rentrée politique précoce pour le Premier ministre et pour le gouvernement, qui va d'ailleurs aussi réunir ses ministres, avant de prendre la parole. Qu'est-ce que vous attendez de cette conférence de presse du chef du gouvernement ? Est-ce que vous allez l'écouter ?

Manon Aubry : Je crois qu'il n'y a pas grand-chose à attendre du Premier ministre François Bayrou. Il a déjà annoncé la couleur. Si les Françaises et les Français sont très majoritairement opposés à son plan, qui est le pire plan, la pire saignée sociale que la France ait connue ces dernières décennies, c'est parce que les Françaises et les Français, finalement, n'auraient pas bien compris. Il le dit lui-même, qu'il va faire un exercice de pédagogie, confronter les Français à la réalité. Mais c'est lui qui n'est pas confronté à la réalité. Demander aux Françaises et aux Français de travailler deux jours de plus après leur avoir volé deux ans de travail avec la retraite à 64 ans. Baisser encore le remboursement des médicaments. L'année blanche, qui est en réalité une année noire, qui va faire payer à des millions de Français davantage d'impôts, qui va geler les prestations sociales, comme l'aide pour le logement. Je ne vous fais pas la liste, qui est très longue, des efforts qui sont demandés toujours aux mêmes, à l'immense majorité des Françaises et des Français, sans toucher au moindre petit centime des plus riches, des milliardaires et des millionnaires dans notre pays. Et ça, c'est insupportable. Malheureusement, il ne prend pas la direction d'un changement de cap.

"On peut, aujourd'hui, récupérer 40 milliards d'euros"

Votre groupe parlementaire LFI, à l'Assemblée nationale, compte déposer une motion de censure dès la reprise des débats parlementaires, le 23 septembre. Ce n'est pas très démocratique ça, quand même ? Vous pourriez vouloir débattre, attendre que le budget soit proposé à l'examen et échanger ?

Je vais le prendre à la rigolade, je suis encore de bonne humeur de rentrée de vacances. Qu'est-ce qui n'est pas très démocratique ? Le fait qu'on ait un président de la République qui s'assoit sur le résultat des élections, des urnes, et qui fait qu'aujourd'hui ce gouvernement est ultra-minoritaire alors que c'est le Nouveau Front populaire qui a gagné les élections. Je crois qu'on n'a pas vraiment de leçons à recevoir en matière de démocratie.

Le but de l'Assemblée, c'est de débattre, c'est d'amender...

Vous avez tout à fait raison.

C'est ce que vous ne voulez pas faire. Vous voulez faire tomber le gouvernement avant de débattre.

Mais je vous rappelle que l'ensemble des derniers budgets est passé par le 49.3, et que ce gouvernement n'a que faire des propositions qui ont été les nôtres en matière budgétaire alors qu'on a fait des amendements qui ont été adoptés à l'Assemblée nationale et qui prévoyaient justement de rétablir le déficit en dessous des 3 % en revenant sur les cadeaux fiscaux qui ont été faits par Emmanuel Macron depuis qu'il est au pouvoir. Je vous le dis très clairement, on peut, aujourd'hui, récupérer 40 milliards d'euros uniquement en s'attaquant aux entreprises multinationales qui ont fait des super bénéfices ces dernières années et aux patrimoines des millionnaires de notre pays. Et donc, il y a un choix très clair : soit on fait la poche des Françaises et des Français, soit on taxe les milliardaires, les millionnaires et les grandes entreprises. Pour nous, le choix, il est extrêmement clair. Ça a été le choix aussi de l'Assemblée nationale qui l'avait voté lors des précédents exercices budgétaires, mais le gouvernement avait fait le choix de s'asseoir dessus et de faire un 49.3. Donc vous voyez, c'est finalement ramener la démocratie avec une forme de censure populaire que l'on veut imposer à l'Assemblée nationale et qui sera, en tout cas, soumise au vote.

"Cette vision de la démocratie, ce n'est plus supportable"

Vous parlez de vouloir taxer les plus riches, les ultra-riches. Pourquoi ne le proposez-vous pas justement dans la discussion ? Pourquoi censurer tout de suite ?

Écoutez, on l'a fait l'an dernier, et ces amendements ont même été adoptés. Et qu'est-ce qu'il est advenu de ce budget tel qu'il a été amendé ? Une cocotte en papier, direction poubelle. Et le gouvernement a dit qu'en toute hypothèse, ils allaient continuer avec les cadeaux fiscaux aux plus riches. On a un gouvernement, un président de la République qui n'ont eu de cesse ces dernières années que de passer en force à coups de 49.3. Eh bien, cette vision de la démocratie, ce n'est plus supportable. Et le meilleur moyen pour faire tomber ce budget, pour faire en sorte que les Françaises et les Français n'aient pas à payer ce coût extrêmement cher, c'est que François Bayrou s'en aille. Je lui propose qu'il s'en aille tout de suite et qu'on respecte enfin le résultat des urnes.

Il faut également que le Rassemblement national et le Parti socialiste votent cette motion de censure. Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ? Déjà, qu'est-ce que vous dites aux socialistes ?

Vous avez raison de poser la question parce qu'il y a eu huit motions de censure qui ont été déposées par notre groupe depuis que le gouvernement de François Bayrou a vu le jour. Et il se trouve que le Rassemblement national n'en a voté aucune et a fait la démonstration qu'ils étaient en réalité la béquille de ce pouvoir, et que si François Bayrou pouvait se mentir, c'est parce que le Rassemblement national les a sauvés.

Vous avez besoin d'eux pour faire tomber François Bayrou ?

On a besoin d'un maximum de voix de députés pour faire tomber ce gouvernement.

"Il semble que le Parti socialiste ait appris de ses erreurs, tant mieux"

Donc les voix de l'extrême droite...

Il se trouve que le Rassemblement national, jusqu'à présent, a fait un choix qui a été tout autre. Et en ce qui concerne le Parti socialiste, il est vrai qu'au début de l'année, ils ont donné leur chance à ce gouvernement, notamment sous la fumeuse hypothèse de revenir sur la retraite à 64 ans. Bayrou n'est absolument pas revenu sur la retraite à 64 ans. Il semble que le Parti socialiste ait appris de ses erreurs, tant mieux, mais moi, je les invite à voter la censure dès le 23 septembre. Vous receviez Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste, la semaine dernière, qui a dit qu'on censurerait à l'automne. L'automne, c'est assez large, mais il se trouve que le 23 septembre, on sera en automne. Donc j'espère qu'ils seront au rendez-vous et que le gouvernement de François Bayrou fera ses cartons et partira.

Vous soutenez à La France Insoumise le mouvement qui s'appelle "Bloquons-Tout", qui appelle à paralyser le pays à partir du 10 septembre prochain. Qu'est-ce que vous en attendez ? Est-ce que vous espérez, par exemple, un mouvement de retour des Gilets jaunes ?

D'abord, nous avons dit depuis le début que nous soutenons cette mobilisation, nous nous mettons à son service. Nous ne l'avons pas initiée, nous n'en prenons pas le leadership, nous en donnons de l'écho. La preuve en est, depuis que l'on a annoncé notre soutien, on en parle davantage dans les médias, cette date est davantage connue et c'est tant mieux. Notre souhait, c'est que, à la censure parlementaire dont on parlait à l'instant, s'ajoute une forme de censure populaire, une pression venue de la rue pour dire très clairement à Emmanuel Macron, à François Bayrou, qu'on n'en peut plus de payer de notre poche. Bloquer tout pour faire tomber le plan Bayrou. C'est ça l'objectif du 10 septembre, et j'espère que la mobilisation sera la plus large possible.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.