Peter Navarro, l'économiste qui se cache derrière la politique douanière de Donald Trump

Ce n'est pas le visage le plus connu de l'administration Trump, mais c'est à l'évidence un personnage central de la période troublée qui agite l'économie, et provoque la chute de la plupart des places financières depuis la semaine dernière. Derrière l'annonce de la mise en place de droits de douane réciproques par Donald Trump, se cache un économiste de 75 ans. Diplômé d'Harvard, et longtemps professeur à l'université en Californie, Peter Navarro était déjà dans l'équipe du président américain lors de son premier mandat.

À l’époque, il soutenait déjà l'idée d'une guerre commerciale, mais son influence était moins importante, et Donald Trump n'était pas allé aussi loin qu'aujourd'hui dans sa démarche. Influence qui a peut-être grandi après ces quatre mois de prison purgés l'an dernier par Peter Navarro, pour "outrage au Congrès". Un séjour derrière les barreaux lié à l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021, car Navarro avait ensuite refusé de comparaître lors des auditions, soutenant contre vents et marées la théorie de la "fraude électorale" pour justifier la victoire de Joe Biden à la présidentielle. Libéré en juillet 2024, il a retrouvé la liberté en pleine convention républicaine, au moment précis ou Donald Trump était officiellement désigné candidat.

Une fidélité récompensée : Donald Trump le nomme de nouveau conseiller au commerce et à l'industrie après sa victoire en novembre dernier, et le propulse "Tsar des tarifs douaniers". Peter Navarro devient alors le principal architecte de la guerre commerciale en cours, convaincu de la nécessité d'une politique agressive, en particulier vis-à-vis de la concurrence chinoise. Une obsession qui remonte chez lui au début des années 2000, quand la Chine fait son entrée à l'OMC. Il considère alors que Pékin fausse les règles du libre-échange, et défend l'idée que la Chine est à l'origine de l'appauvrissement de l'Amerique et des pertes d'emplois aux États-Unis.

L'ombre d'une politique commerciale fictive

C’est ce qu'il explique notamment dans son livre Death by China (Mort à cause de la Chine), ouvrage publié en 2011, et qui est à l'origine de sa rencontre avec Trump, selon une enquête de Vanity Fair. On y découvre qu'à l'époque de sa première campagne, le milliardaire cherchait un expert en phase avec ses positions sur la Chine, et que son gendre, Jared Kuchner, les a mis en relation après avoir flashé sur le titre du livre. 

L'histoire devient surréaliste, quand il apparaît que dans ce livre, comme dans d'autres publications plus anciennes, Peter Navarro s'appuie régulièrement sur les travaux d'un certain Ron Vara pour justifier son hostilité à Pékin, et dénoncer les pratiques chinoises. Or, ce Ron Vara n'existe pas. C’est tout simplement l'anagramme de Navarro, un avatar qu'il a fini par reconnaître avoir inventé comme un "dispositif fantaisiste". En 2019, et alors en fonction comme conseiller au commerce, Peter Navarro utilise pourtant cet alter ego fictif pour signer une note circulant à Washington, en pleine négociation entre les États-Unis et la Chine, pour plaider pour une hausse des tarifs douaniers.

Aujourd'hui, sa méthode et sa stratégie font de plus en plus grincer des dents, y compris en interne. À Elon Musk qui pointe son incompétence, Peter Navarro répond sèchement que l'homme le plus riche du monde n'est qu'un "assembleur de voitures". Mais au moment où l'économie mondiale vacille, et où la méthode de calcul de la Maison Blanche pour fixer ses tarifs est entourée de flou, une question vertigineuse se pose : et si toute cette politique ne reposait que sur du vent ? Le pire aujourd’hui, et le plus révélateur sans doute, c'est que le doute est permis.