Guerre en Ukraine : quels sont les moyens dont dispose Donald Trump pour faire plier Vladimir Poutine ?

L'idylle entre Vladimir Poutine et Donald Trump tourne court. Le président américain est "furieux" contre son homologue russe sur le dossier ukrainien, a-t-il fait savoir dimanche 30 mars à la chaîne NBC dans un entretien téléphonique. Celui qui avait promis de mettre fin à la guerre entre Moscou et Kiev en 24 heures se heurte au Kremlin, qui multiplie ses conditions avant d'accepter un cessez-le-feu. Vendredi, Vladimir Poutine a par exemple évoqué l'idée d'une "administration transitoire" pour l'Ukraine, sous l'égide de l'ONU, ce qui impliquerait le départ du président Volodymyr Zelensky, avant toute négociation.

Après s'être livré à une joute verbale dans le Bureau ovale avec son homologue ukrainien fin février, Donald Trump pointe désormais le viseur sur le chef du Kremlin. "Si la Russie et moi ne sommes pas capables de parvenir à un accord pour mettre fin au bain de sang en Ukraine, et si je pense que c'est la faute de la Russie (…), je vais imposer des droits de douane secondaires sur tout le pétrole" russe, a averti le républicain. C'est la première fois depuis des semaines qu'il brandit des menaces envers Moscou. Quels sont les leviers à la disposition des Etats-Unis pour faire pression sur Vladimir Poutine ?

Imposer des droits de douane secondaires sur le pétrole

Outils favoris de Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, des tarifs douaniers "secondaires" pourraient viser l'or noir russe. Cela signifie que "si vous achetez du pétrole russe, vous ne pourrez plus faire d'affaires aux Etats-Unis. Il y aura des droits de douane de 25% sur tout le pétrole [venant de Russie], de 25 à 50 points [de pourcentage]", a-t-il assuré dimanche. Le président américain n'a pas donné plus de précisions sur cette mesure, mais le 24 mars, il avait brandi une menace similaire concernant le Venezuela. "Tout pays achetant du pétrole et/ou du gaz vénézuélien sera contraint de payer un tarif douanier de 25% aux Etats-Unis sur tout échange commercial avec notre pays", avait déclaré le républicain sur son réseau Truth Social.

D'après le Centre de recherche sur l'énergie et l'air pur (Crea), un centre de réflexion fondé à Helsinki (Finlande), la Chine, la Turquie et l'Inde sont les principaux pays importateurs de pétrole russe. "Si Trump utilise la même définition des droits de douane secondaires que celle utilisée pour le Venezuela, ces pays pourraient faire partie des pays touchés par ces droits", analyse NBC.

Cette mesure pourrait s'ajouter aux sanctions déjà prises par son prédécesseur, Joe Biden, qui avait annoncé un embargo sur les importations d'hydrocarbures russes en mars 2022. La quantité de pétrole russe importée aux Etats-Unis a ainsi été divisée par 25 entre 2021 et 2023, selon l'Administration américaine de l'information sur l'énergie.

Faire baisser le prix de l'or noir

Plusieurs spécialistes estiment que les Etats-Unis, premier pays producteur de pétrole, ont le pouvoir de faire baisser le prix de l'or noir et diminuer ainsi les revenus tirés par Moscou de ses exportations. "Il suffirait que Donald Trump augmente la production de pétrole américain pour faire chuter les prix mondiaux. Ce qui serait une très mauvaise nouvelle pour l'économie russe", juge Roger Housen, ancien colonel spécialisé en matière de défense, auprès du média belge L'Echo.

L'ancien ambassadeur d'Allemagne à Moscou, Rüdiger von Fritsch, a estimé en novembre que le prix du pétrole était "ni plus ni moins le talon d'Achille de Vladimir Poutine" et qu'"il pourrait alors rencontrer de grandes difficultés à financer sa guerre" en cas de baisse, rapporte le quotidien suisse Blick. D'après le Crea, "instaurer un plafond de prix inférieur à 30 dollars le baril aurait réduit les revenus d'exportation de pétrole de la Russie de 24% (79 milliards d'euros) depuis le début des sanctions en décembre 2022 jusqu'à la fin janvier 2025".

Déjà, fin 2022, les pays du G7 et de l'Union européenne ont imposé le plafonnement du prix du pétrole russe transporté par voie maritime vers des pays tiers à 60 dollars le baril, ce qui "rend plus difficile une réorientation des exportations du pétrole russe vers d'autres Etats", pointe le site Vie publique. Une mesure à l'impact néanmoins limité car la Russie a mis en place un réseau de navires clandestins pour contourner les sanctions et vendre son pétrole plus cher. Ainsi, "l'administration [Trump] devrait également intensifier ses efforts pour localiser, identifier et désigner tous les navires appartenant à la 'flotte fantôme' russe, composée de pétroliers sous-assurés", juge le centre de réflexion américain Atlantic Council.

Renforcer les sanctions économiques

Les pays occidentaux ont multiplié les sanctions économiques contre la Russie depuis le début de son invasion en Ukraine. Dernier exemple en date : les Etats-Unis n'ont pas renouvelé l'autorisation accordée aux banques russes de passer par le système de paiement américain pour certaines transactions liées à l'énergie. L'Atlantic Council juge que Washington "devrait envisager un embargo financier général, voire commercial, contre la Russie, avec des catégories spécifiques de transactions autorisées, comme les médicaments, l'énergie limitée, l'alimentation et autres".

Washington pourrait également aller plus loin sur le gel des avoirs de personnes et entreprises russes, dont seuls les intérêts dégagés sont pour l'instant utilisés. Le centre de réflexion estime que les Etats-Unis pourraient "faire financer toute nouvelle aide [à l'Ukraine] par les avoirs gelés de la Russie". Dans une lettre consultée lundi 24 mars par l'agence Reuters, des sénateurs américains républicains et démocrates ont d'ailleurs insisté auprès de l'administration Trump afin qu'elle utilise plus de 300 milliards de dollars d'actifs russes saisis pour aider Kiev.

Accroître la pression militaire sur Moscou

Le vice-président américain, J.D. Vance, a évoqué auprès du Wall Street Journal, mi-février, "des leviers militaires" pour pousser Vladimir Poutine à accepter un accord de paix. L'option d'envoyer des troupes américaines en Ukraine reste "sur la table", a-t-il ajouté, même si le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, avait dit le contraire quelques jours plus tôt.

Cette pression militaire pourrait surtout passer par une aide plus importante envoyée à l'Ukraine. "Pour attirer l'attention du dirigeant russe, de nouvelles sanctions doivent s'accompagner (...) d'une assistance militaire accrue afin de placer l'Ukraine en meilleure position sur le champ de bataille", avance l'Atlantic Council. Selon le Kiel Institute, les Etats-Unis accordent une aide militaire à Kiev équivalant à presque 0,3% de leur PIB. "Plus que tout, la réalité militaire sur le terrain en Ukraine est le facteur décisif dans les efforts visant à mettre fin à la guerre, poursuit le centre de réflexion. Heureusement, c'est dans ce domaine que Trump a le plus de pouvoir pour influencer les mentalités."