Guerre en Ukraine : comment Donald Trump fait écho au discours de Vladimir Poutine sur le conflit
"Aucun dirigeant occidental ne l'avait jamais dit." Après les récentes déclarations tonitruantes de Donald Trump sur le conflit en Ukraine, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, n'a pas caché sa satisfaction. Mardi 18 février, le président américain a d'abord accusé Kiev d'avoir "commencé" la guerre contre la Russie, puis a taxé de "dictateur" son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le lendemain. Le ministre des Affaires étrangères russe a salué ce changement de ton américain. "C'est un signal qu'il comprend notre position", s'est-il félicité. De son côté, le dirigeant russe Vladimir Poutine a qualifié ce discours de "naturel", car basé sur "des informations objectives", selon lui. Les dernières sorties retentissantes du locataire de la Maison Blanche révèlent surtout un alignement sur le discours du Kremlin.
Trump, comme Poutine, tient l'Ukraine pour responsable de la guerre
Dans une série de critiques faites à l'Ukraine mardi, Donald Trump a attribué la faute de la guerre à Volodymyr Zelensky. "Vous n'auriez jamais dû la commencer", a-t-il lancé face à des journalistes réunis dans sa résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach, en Floride, avant de blâmer l'Ukraine pour l'absence de cessez-le-feu. "Vous auriez dû y mettre un terme il y a trois ans", a-t-il ajouté, toujours à propos du conflit. "Vous auriez pu conclure un accord. J'aurais pu conclure un accord pour l'Ukraine qui leur aurait laissé presque tout le territoire. Et personne n'aurait été tué."
Sur ce point, Donald Trump épouse la même ligne que Vladimir Poutine, qui accuse depuis des années l'Ukraine d'avoir lancé les hostilités. "Ce sont eux qui ont déclenché la guerre en 2014", déclarait-il il y a un an face à l'animateur américain Tucker Carlson, soutien de Donald Trump. En 2014, la Russie avait pourtant annexé la péninsule de Crimée, territoire ukrainien, dans une opération militaire dénoncée par la communauté internationale. "Notre objectif est de mettre fin à cette guerre. Et nous n'avons pas déclenché cette guerre en 2022", s'était aussi défendu le président russe lors de cette interview.
Pour Moscou, ce conflit est dû à une hypothétique menace que l'Ukraine ferait peser sur la Russie, en voulant rejoindre l'Alliance atlantique et son parapluie militaire. "Il est le premier et jusqu'à présent le seul dirigeant occidental à dire haut et fort qu'une cause profonde de la situation ukrainienne était (...) la position du gouvernement précédent [de Joe Biden] qui voulait entraîner l'Ukraine dans l'Otan", a affirmé Sergueï Lavrov mercredi devant le Parlement russe – ce que Donald Trump n'a pas démenti.
Il accuse Zelensky de dérive autocratique et de corruption
Si Donald Trump s'affichait encore récemment aux côtés de Volodymyr Zelensky, en décembre 2024 à Paris, leur relation semble avoir pris un virage à 180°. Dans un message lapidaire publié sur son réseau Truth Social mercredi, le président américain a qualifié son homologue de "comédien au succès modeste", en référence à sa carrière d'acteur dans la série télévisée humoristique Serviteur du peuple qui l'a rendu célèbre. Un dirigeant seulement bon "à se servir de Joe Biden", son prédécesseur à la Maison Blanche, a-t-il poursuivi. Il l'a surtout traité de "dictateur sans élections", en référence à la vie politique mise en pause en Ukraine à cause de la loi martiale.
Ces déclarations font écho à celles de Vladimir Poutine, qui a accusé Volodymyr Zelensky d'être un autocrate et le leader d'un régime "néonazi". C'est d'ailleurs la principale raison invoquée au lancement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui assure vouloir "dénazifier" le pays depuis trois ans.
Dans son message, Donald Trump a également attaqué le président ukrainien sur la gestion des milliards de dollars d'aide fournie par Washington à Kiev. "En plus de ça, Zelensky admet que la moitié de l'argent qu'on lui a envoyé a 'DISPARU'", a-t-il écrit, sans que ces propos puissent être vérifiés.
Le Greco, l'organe anticorruption du Conseil de l'Europe, a salué jeudi "le profond attachement de l'Ukraine à la lutte contre la corruption", reconnaissant des progrès malgré le contexte de guerre avec la Russie. Dans son rapport, il estime que Kiev a appliqué "de manière satisfaisante" 18 des 31 recommandations qui lui avaient été adressées sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. Parmi les autres recommandations, 11 ont été "partiellement mises en œuvre" et deux ne l'ont pas été.
Ces accusations de corruption, sans fondement, ont été propagées par des réseaux de désinformation russe à de nombreuses reprises depuis le début du conflit. Ils ont ainsi notamment accusé Volodymyr Zelensky ou sa femme d'avoir dépensé sans compter l'argent des alliés occidentaux pour leur plaisir durant la guerre, en achetant des bijoux ou une voiture de luxe Bugatti par exemple, ce que de nombreux médias, dont France 24, ont pu démentir.
Il s'accorde avec Moscou sur la menace territoriale
Toujours dans sa diatribe publiée mercredi soir sur les réseaux sociaux, Donald Trump a sérieusement menacé l'Ukraine et son président. "Sans les Etats-Unis et 'TRUMP', [Volodymyr Zelensky] ne pourra jamais arrêter la guerre, a écrit le locataire de la Maison Blanche. Il a intérêt à agir vite sinon il n'aura plus de pays du tout." La veille, Donald Trump avait assuré que la Russie pouvait détruire la ville de Kiev "si elle le voulait", des propos dans la droite ligne de ceux de Vladimir Poutine, qui agite la menace nucléaire depuis trois ans contre l'Ukraine et ses alliés.
Après avoir échoué à envahir la capitale ukrainienne début 2022, la Russie avait battu en retraite, expliquant à l'époque vouloir réorganiser ses troupes. Mais Moscou continue de faire planer la menace de frappes massives sur Kiev, et Donald Trump semble trouver ces intimidations hautement crédibles. "Des villes sont détruites [en Ukraine]… La Russie ne l'a pas fait à Kiev parce que je pense qu'ils ne veulent pas lancer trop de missiles. Ils l'ont fait à 20%, mais pas à 100%. S'ils voulaient le faire à 100%, cela se produirait probablement très rapidement", a déclaré le président américain, mardi.
Une semaine après leur échange téléphonique, dont peu de détails ont filtré, Donald Trump et Vladimir Poutine semblent désormais partager une vision très proche de ce conflit qui entre dans sa quatrième année, quitte à évincer les Européens et l'Ukraine elle-même des négociations. Jeudi, Moscou a acté le rapprochement avec Washington en se disant "complètement d'accord avec l'administration américaine".