« Il a choqué le peuple et semé le chaos » : le président de la Corée du Sud, Yoon Suk Yeol, destitué pour sa tentative ratée de coup d’État

La tentative de coup d’État entreprise par le président de la Corée du Sud, Yoon Suk Yeol, aura finalement précipité sa chute. Le dirigeant réactionnaire et conservateur, qui avait capitalisé sur son antiféminisme, sa haine viscérale de leurs voisins du Nord et sur son libéralisme débridé pour conquérir le pouvoir, a été officiellement destitué, vendredi 4 avril. La Cour constitutionnelle a confirmé à l’unanimité la motion de destitution qui le visait, le chassant ainsi définitivement du pouvoir quatre mois après sa tentative manquée d’instaurer la loi martiale dans la nuit du 3 au 4 décembre.

Le tribunal a estimé que Yoon Suk Yeol avait sapé l’autorité des institutions démocratiques sud-coréennes, notamment l’Assemblée nationale, et avait « gravement violé » ses devoirs de président. « Il a choqué le peuple et semé le chaos dans tous les domaines, notamment la société, l’économie, la politique, la diplomatie, a résumé Moon Hyung-bae, président par intérim de la Cour constitutionnelle, lisant la décision au nom des huit juges. Il a manqué à son devoir d’unifier la société en tant que président de tous les citoyens, au-delà de ses propres partisans. »

Accusé d’avoir « menacé le peuple et la démocratie »

Le clan de l’ancien président sud-coréen, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), a annoncé qu’il acceptait le verdict de la Cour constitutionnelle. « C’est regrettable, mais le Parti du pouvoir au peuple accepte solennellement et respecte humblement la décision de la Cour constitutionnelle, a déclaré le député et haut-responsable du parti Kwon Young-se. Nous présentons nos sincères excuses au peuple. » Le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, a quant à lui salué cette annonce, alors que son camp accuse l’ancien procureur superstar d’avoir « menacé le peuple et la démocratie ».

Plusieurs rassemblements ont été organisés à travers la capitale, Séoul, pour suivre en direct l’annonce de la Cour constitutionnelle. Les partisans du président déchu se sont rassemblés devant sa résidence et le bureau présidentiel, tandis que ses opposants se sont rejoints devant le tribunal. L’annonce de la destitution a créé un engouement chez ces derniers, heureux de voir le spectre de l’autoritarisme s’éloigner.

Lorsqu’il déclare la loi martiale, le 3 décembre dernier à 22 h 23, Yoon Suk Yeol affirme vouloir « protéger la République de Corée des menaces des forces communistes nord-coréennes, pour éradiquer immédiatement les forces antiétatiques pro-Pyongyang sans scrupule qui pillent la liberté et le bonheur de notre peuple et pour protéger l’ordre constitutionnel libre ». Il s’attaque, en réalité, à la colonne vertébrale démocratique même de la Corée du Sud.

Sauvegarder les institutions

Bloqué dans ses réformes – et notamment dans l’adoption d’un budget conforme à ses attentes – par une Assemblée nationale où l’opposition est majoritaire, le chef d’État décide alors de mettre au pas les institutions. La loi martiale apparaît ainsi comme un moyen rapide et efficace – cette dernière avait déjà été actionnée seize fois depuis 1948 – pour parvenir à son objectif : s’accaparer la totalité de l’appareil d’État.

Il aura, finalement, fallu à peine six heures aux députés pour mettre un terme à son plan et sauvegarder les institutions, en votant la clôture de la loi martiale. Près de 190 députés sont parvenus à entrer dans l’Assemblée le soir même, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats. Ils adoptent à l’unanimité une motion bloquant la loi martiale et exigeant sa levée. Yoon Suk Yeol doit se résigner. Seulement quelques heures après l’avoir proclamée, le président réapparaît à la télévision et annonce l’abrogation de la loi martiale.

La Corée du Sud doit désormais organiser des élections présidentielles anticipées dans les soixante prochains jours, soit d’ici le 3 juin prochain. Lee Jae-myung est, à ce jour, désigné favori de cette course à la présidence, grâce à une opposition galvanisée par cette victoire contre Yoon Suk Yeol.

Le PPP ne peut, pour le moment, compter sur un candidat naturel pour succéder à Yoon Suk Yeol, le président par intérim, Han Duck-soo, ne s’étant engagé qu’à organiser les nouvelles élections « conformément à la volonté du peuple souverain ». Il en a profité pour assurer sa volonté de « garantir qu’il n’y ait aucune lacune dans la sécurité nationale et la diplomatie ». Fragile politiquement, visé comme le reste du monde par la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, en passe de se rapprocher de l’ancien oppresseur japonais – malgré un ressentiment toujours prégnant au sien de la population – et de la Chine, la Corée du Sud entre donc dans une nouvelle période de troubles. Sans Yoon Suk Yeol aux manettes.

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