Corée du Sud : arrêté pour sa tentative de coup d’État, le président déchu Yoon Suk Yeol s’enferme dans le silence
S’il risque d’être le troisième à être destitué par le Parlement, après Park Geun-hye (2017) et Roh Moo-hyun (2004), Yoon Suk Yeol est le premier chef d’État sud-coréen arrêté dans l’exercice de ses fonctions. Interpellé dans la matinée de ce mercredi 15 janvier, à l’issue d’un nouvel assaut des autorités sur sa résidence, après une première tentative infructueuse, le président sud-coréen suspendu reste pour le moment silencieux en garde à vue.
Yoon Suk Yeol « exerce son droit de garder le silence », a déclaré un responsable du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), lors d’une conférence de presse organisée dans la foulée de son arrestation. « J’ai décidé de répondre au Bureau d’enquête sur la corruption », avait pourtant annoncé l’ancien magistrat, quelques heures avant que des procureurs du CIO, escortés de policiers, ne viennent le chercher dans la résidence où il s’est retranché pendant plusieurs semaines. Yoon Suk Yeol ajoutait alors avoir décidé de se soumettre à l’enquête en cours, dont il continue de réfuter la légalité, « pour éviter toute effusion de sang malheureuse ».
Les soldats autorisés à utiliser leurs armes à feu
Son arrestation met ainsi fin à un feuilleton long de plus d’un mois, débuté par sa tentative d’imposer la loi martiale le 3 décembre 2024. Prétextant vouloir lutter contre les « forces communistes nord-coréennes » et « éliminer les éléments hostiles à l’État », le chef de file du Parti du pouvoir au peuple (PPP) n’a pas hésité à ordonner le déploiement de l’armée dans Séoul et, notamment, autour du Parlement pour le museler. Selon un rapport dévoilé le 5 janvier dernier par les procureurs chargés d’enquêter sur cette soirée, le président avait alors permis aux soldats d’utiliser leurs armes à feu. Une décision qui intervient après la cuisante défaite aux législatives de son camp politique, en avril 2024.
Sa manœuvre a finalement échoué. Les députés de l’opposition ont réussi à proclamer la fin de la loi martiale, dans la nuit du 3 décembre. L’élu au projet politique libéral, conservateur et misogyne, a, par la suite, ignoré les nombreuses convocations du CIO, dans le cadre d’enquêtes pour « rébellion ». Un crime passible de la peine de mort. Yoon Suk Yeol ne s’est pas non plus présenté à la première audience de son procès en destitution, mardi 14 janvier.
En parallèle, le président déchu s’est enfermé dans sa résidence, barricadé par une foule de soutiens et le service de sécurité présidentiel. De quoi lui permettre d’échapper, le 3 janvier dernier, à une première tentative d’arrestation, menée par le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités.
La Corée du Sud n’a depuis cessé de s’enfoncer dans le chaos. Le président par intérim a lui aussi été destitué le 27 décembre dernier par les députés, pour entrave aux procédures contre son prédécesseur. C’est désormais le ministre des Finances, Choi Sang-mok, qui est chargé d’occuper le poste. Selon le rapport d’enquête, ce dernier avait en vain tenté de mettre en garde le chef de l’État contre la loi martiale.
Le dénouement de cette affaire, qui a failli provoquer le vacillement de la démocratie sud-coréenne et a réagité le spectre de la dictature, devrait ainsi se confirmer dans les prochaines semaines. Si la destitution de Yoon Suk Yeol est confirmée (son procès se tient jusqu’à début février), elle mettra un terme à un mandat terni par de nombreux scandales et positions décriées par les Sud-coréens.
À commencer par son usage abusif de son droit de veto dans des affaires personnelles, par exemple pour bloquer une enquête parlementaire sur une affaire de manipulation de cours impliquant son épouse Kim Keon-hee. Mais aussi pour sa propension à détruire la moindre avancée sociale – la suppression du ministère de l’Égalité des sexes, symbole d’un précédent gouvernement qui aurait été « trop imprégné des idées féministes » -, comme son obsession pour la Corée du Nord, amenant à un rapprochement avec le Japon, ancienne puissance coloniale.
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