Corée du Sud : le président par intérim, au centre d’une enquête et accusé de « poursuivre la rébellion » de son prédécesseur, destitué par le Parlement
La quatrième économie d’Asie voit son système démocratique poursuivre sa chute et s’enfoncer dans la crise. Le président intérimaire de la Corée du Sud, l’ex-premier ministre Han Duck-soo, a été destitué, ce vendredi 27 décembre, par les députés. « Sur les 192 députés qui ont voté, 192 ont voté pour la destitution », a annoncé le président de l’Assemblée Nationale, Woo Won-shik, alors que le vote s’est déroulé sous les protestations bruyantes des députés du parti au pouvoir, poings levés en signe de colère.
Il s’agit de la première destitution d’un président par intérim après celle du président titulaire, Yoon Suk Yeol, dans l’histoire de la Corée du Sud. C’est au ministre des Finances, Choi Sang-mok, que revient désormais la charge de chef de l’État par intérim.
Sous le coup d’une enquête pour « rébellion »
Le Parti démocrate sud-coréen avait annoncé, jeudi 26 décembre, avoir déposé une motion de destitution à l’encontre du président intérimaire, l’ex-premier ministre Han Duck-soo, « juste avant la séance plénière », a déclaré le député du Parti démocrate Park Sung-joon, lors d’une conférence de presse.
Lors de sa première réunion avec son cabinet en tant que président par intérim, Han Duck-soo avait juré de « prendre l’entière responsabilité » du poste qui lui a été déchu et de veiller à ce qu’« il n’y ait pas de vide dans les affaires de l’État », rapportait le Korea Times dimanche 15 décembre. Près de vingt-quatre heures plus tôt, le parlement sud-coréen avait adopté une motion de destitution à l’encontre de Yoon Suk Yeol, président conservateur ayant tenté d’imposer la loi martiale – notamment avec l’envoi de l’armée au Parlement pour empêcher les députés d’y pénétrer -, dans la soirée du 4 décembre.
À rebours des promesses du président intérimaire, ces derniers jours ont fait figure de désenchantement pour l’opposition. Dernier différend en date : le Parti démocrate reproche à Han Duck-soo de refuser de pourvoir trois sièges vacants à la Cour constitutionnelle sud-coréenne. L’instance doit valider ou invalider la destitution de Yoon Suk Yeol – aussi sous le coup d’une enquête pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort – d’ici les six prochains mois.
« Nous n’avons d’autre choix que d’interpréter cela comme une intention de sa part de poursuivre la rébellion au moyen de manœuvres dilatoires », a déclaré le chef de l’opposition à l’Assemblée nationale, Park Chan-dae, au cours d’une conférence de presse, mardi 24 décembre.
Pour rendre son verdict sur le sort de Yoon Suk Yeol, suspendu de ses fonctions en attendant, la Cour constitutionnelle doit statuer à la majorité des deux tiers. Or trois de ses neuf sièges sont vacants en raison du départ à la retraite de leurs titulaires l’automne dernier. Les trois nouveaux juges devaient (en principe) être nommés par le président ce jeudi 26 décembre, parmi les candidats choisis par l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition.
Han Duck-soo, un haut-fonctionnaire de carrière de 75 ans, soutient pourtant que son statut de président intérimaire ne lui donne pas le pouvoir de procéder à des nominations importantes, et exige que le choix des juges fasse d’abord l’objet d’un accord entre tous, tant le Parti du pouvoir au peuple (PPP) – dont sont issus le président déchu et son successeur en intérim – que les formations d’opposition.
« Ni la volonté ni les compétences pour respecter la Constitution »
« Le président par intérim doit s’abstenir d’exercer les pouvoirs présidentiels exclusifs les plus importants, y compris la nomination dans les institutions constitutionnelles, s’est-il ainsi justifié. Un consensus entre le parti au pouvoir et l’opposition à l’Assemblée nationale, qui représente le peuple, doit d’abord être atteint. » Problème, la Cour constitutionnelle doit tenir sa première audience sur la destitution de Yoon Suk Yeol dès ce vendredi 27 décembre.
Si les trois sièges vacants ne sont pas pourvus avant la fin de la procédure, les six juges restants devront statuer à eux seuls. Un seul vote contre la destitution signifierait son rétablissement automatique dans ses fonctions. Le refus de l’ancien premier ministre prouve « qu’il n’a ni la volonté ni les compétences pour respecter la Constitution », fustige le chef de file des députés du Parti démocrate à l’Assemblée, Park Chan-dae.
La Constitution sud-coréenne dispose que l’Assemblée nationale peut destituer le président par un vote à la majorité des deux tiers, et le premier ministre et autres membres du gouvernement à la majorité simple. L’opposition, qui dispose de 192 sièges sur 300 à l’Assemblée, a affirmé n’avoir besoin que d’une majorité simple pour déposer Han Duck-soo, puisqu’il n’est que premier ministre. Mais le PPP soutient au contraire qu’une majorité des deux tiers est nécessaire, puisque Han Duck-soo est président par intérim.
Le Bureau d’enquête sur la corruption, qui centralise les investigations, a déjà convoqué deux fois le président déchu pour l’interroger sur les événements de la nuit du 3 au 4 décembre, qui avaient sidéré le pays. Mais Yoon Suk Yeol ne s’est présenté à aucune de ces convocations. Les enquêteurs lui ont adressé jeudi une troisième convocation pour une audition le matin du 29 décembre.
Dernier facteur crispant pour l’opposition, Han Duck-soo est lui-même au centre d’une enquête en lien avec la tentative de prise du pouvoir avortée du président, avec le recours à la loi martiale. Celui qui était alors premier ministre est accusé d’avoir collaboré avec son supérieur. Le procureur spécial en charge du dossier, dirigé par l’opposition et par l’Agence nationale de police, met notamment en avant sa présence lors d’une réunion du cabinet de Yoon Suk Yeol, tenue peu avant que ne soit déclarée la loi martiale.
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