« C’est une honte pour notre démocratie » : en Corée du Sud, le peuple réclame le départ du président Yoon Suk-yeol

Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol reste certes en poste après une motion de destitution boycottée par les députés de son parti (PPP, droite). Mais celui qui déclarait la loi martiale au soir du 3 décembre – et réanimait les terribles spectres de la dictature sud-coréenne – est désormais la cible d’une enquête pour « rébellion ». Il ne peut donc pas quitter le territoire, comme le lui a notifié le ministère de la Justice.

Le pion de Washington est de plus en plus isolé, après les démissions de membres de son cabinet et du ministre de la Défense, Kim Yong-hyun. Ce dernier est même sous le coup d’un mandat d’arrêt, émis par une cellule spéciale chargée d’enquêter sur ce qui est devenu « l’incident du 3 décembre ». L’enjeu est de prouver que Kim a reçu des instructions de Yoon, au risque de voir ce dernier blanchi.

« Vous n’avez rien fait de mal »

Plusieurs commandants de l’armée ont en outre été arrêtés, alors que des vidéos montrent des soldats s’excuser auprès des manifestants, le soir du 3 décembre. « Vous n’avez rien fait de mal, les a rassurés Lee Jae-myung, le chef du Parti démocrate (centre-gauche) et principal opposant à Yoon Suk-yeol. Je ne peux pas oublier le regard des soldats déployés pendant la loi martiale. (…) La plupart des officiers ont été utilisés par les chefs de la rébellion. » Le leader de l’opposition continue d’appeler à la démission du dirigeant ultraconservateur.

Son propre camp l’a suspendu du parti, comme l’a confirmé le chef du PPP Han Dong-hoon, lui-même visé par une arrestation sous la loi martiale. Mais ce sont les députés conservateurs qui ont maintenu Yoon au pouvoir en quittant le Kuk Hoe (l’assemblée nationale) lors du vote de la motion de destitution, empêchant ainsi le quorum d’être atteint. Après les avoir rappelés plusieurs fois sans succès, le speaker de l’assemblée Woo Won-shik ne savait plus où se mettre.

« Un coup d’État législatif »

« C’est une honte pour notre démocratie », s’est-il excusé à la tribune. L’influent syndicat des métallurgistes (KMWU) dénonce même « un coup d’État législatif après le coup d’État de Yoon Suk-yeol ». « Comme le Parlement ne peut pas le faire, la rue mettra fin à son règne », prévient l’organisation, qui suivra la grève illimitée décrétée par la Confédération syndicale de Corée du Sud (KCTU).

C’est bien dans la rue que la pression est la plus forte. Depuis le mardi 3 décembre, les habitants tiennent chaque jour les rues de Séoul et d’autres grandes villes, en réclamant le départ de celui qui a tenté de réanimer la dictature militaire des années 1970 et 1980. Avec en point d’orgue une impressionnante mobilisation ce week-end, où quelque 200 000 manifestants se sont réunis dans le centre de Séoul. Toutes et tous arboraient des bougies – en cire ou en plastique – en référence aux marches pour la démocratie de leurs ascendants.

Les manifestants se servent également de la riche culture populaire sud-coréenne pour habiller leur lutte. Panneaux, références aux séries locales, danses sur des hits de K-pop : tout est bon pour protester contre un président qui pourrait du jour au lendemain déclencher une seconde loi martiale, et les exactions qu’elle implique. L’espoir subsiste : une nouvelle motion de destitution a été déposée par l’opposition, majoritaire au Kuk Hoe. Elle devrait être soumise le samedi 14 décembre, en espérant pour le peuple que ses représentants votent, cette fois.

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