En Corée du Sud, le Parlement réussira-t-il à destituer le président après la loi martiale ?
Il est déconnecté, son peuple veut le débrancher. Après avoir ranimé les spectres de la dictature en déclarant la loi martiale mardi soir, Yoon Suk-yeol a cru que des excuses télévisées de deux minutes lui suffiraient. « J’ai causé de l’anxiété et des désagréments au public. Je ne fuirai pas mes responsabilités légales et politiques », a-t-il déclaré ce samedi, sans pour autant démissionner, quelques heures avant que le Parlement ne se prononce sur une motion de destitution.
Deux tiers des votes (200 sur 300) étaient nécessaires pour faire tomber le président conservateur et ultralibéral. Mais seuls les 192 députés de l’opposition, menés par le Parti démocrate (centre-gauche), étaient présents. Quant au camp présidentiel, le Parti du pouvoir au peuple (PPP, droite), 106 des 108 députés ont tout simplement quitté le Kuk Hoe (le Parlement monocaméral sud-coréen), pour bloquer le vote. Sous les cris des manifestants, massés aux grilles du bâtiment. Le chef du parti Han Dong-hoon, lui-même visé par une arrestation sous la loi martiale, avait appelé le président à démissionner, mais avait prévenu que le PPP ne voterait pas la motion de destitution.
« C’est une décision honteuse qui restera dans l’histoire de notre pays », s’est attristé à la tribune Woo Won-shik, speaker du Kuk Hoe, d’habitude discret, appelant plusieurs fois les députés du PPP au vote. C’est l’impuissance du camp présidentiel qui avait motivé la folle décision de Yoon Suk-yeol. La situation est si dramatique que les députés de l’opposition, craignant une seconde loi martiale, sont restés ces derniers jours dans les bâtiments du Parlement. Lee Jae-myung, chef du Parti démocrate et principale cible de Yoon Suk-yeol, a estimé que « le plus gros risque actuellement en Corée du Sud est l’existence même du président ».
Les spectres du passé toujours vivaces
En parallèle, plus de 200 000 Sud-Coréens occupent les rues de Séoul samedi, beaucoup plus que ces derniers jours, pour réclamer le départ de Yoon. « Le monde entier nous regarde », commentait en direct un journaliste politique, inquiet pour son pays, régulièrement présenté comme un modèle de démocratie en Asie.
La Confédération sud-coréenne des syndicats (KCTU), qui appelle évidemment à la fin de règne du dirigeant anti-syndicats, se félicite quant à elle d’engranger les soutiens à l’international. « IndustriALL soutient la lutte pour la grève générale de la KCTU », a écrit le syndicat international. « Nous sommes à vos côtés dans la lutte contre les mesures antidémocratiques », a promis la Nouvelle union syndicale indienne (NTUI). La CGT rappelle quant à elle que « le président a voulu camoufler qu’il est accusé de plusieurs exactions dans le cadre de ses fonctions », notamment de « trafics d’influence l’impliquant lui et sa femme ».
À Gwanghwamun, près de la Maison bleue présidentielle, ce sont des groupes de soutiens à Yoon Suk-yeol qui se sont rassemblés pour réclamer « une deuxième loi martiale » ou une « unification » des deux Corées « en éradiquant l’idéologie Juche ». La Corée du Sud se dirige dans une impasse, et le peuple craint de revivre son douloureux passé, mais il continuera la lutte dans la rue.
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