« Jusqu’à 120 heures par semaine » : en Corée du Sud, la loi sur les semi-conducteurs veut encore amoindrir le droit du travail

Même sans tête, le capital court sans s’arrêter. La suspension du président Yoon Suk-yeol après sa déclaration de loi martiale le 3 décembre 2024 n’empêche pas l’examen au Parlement sud-coréen de la loi spéciale sur les semi-conducteurs. Celle-ci a été conçue comme le volet législatif du plan de soutien de 17,5 milliards de dollars au secteur lancé l’année dernière par le gouvernement.

Séoul veut absolument garder sa place sur le podium des pays producteurs de puces, essentielles pour l’électronique, les batteries de véhicules ou encore l’intelligence artificielle. Portée par les géants Samsung et SK Hynix, la Corée du Sud demeure bien loin du leader taïwanais TSMC, qui compte pour 65 % de la production mondiale. Derrière elle, les superpuissances états-unienne (GlobalFoundries) et chinoise (Smic, Hua Hong) mettent les bouchées doubles pour rattraper leur retard.

Une question de survie pour l’industrie sud-coréenne

Les puces sont une question de survie pour l’industrie sud-coréenne. « La victoire ou la défaite ira à celui qui fabriquera le premier les semi-conducteurs de pointe dotés d’une grande capacité de traitement des données », prévenait Yoon Suk-yeol en mai 2024.

D’où cet arsenal de mesures qui comprend un « mégapôle de semi-conducteurs » énergivore en banlieue séoulite et des avantages fiscaux aux chaebols du secteur, déjà gavés de subventions publiques. Ces conglomérats politico-industriels familiaux qui sont extrêmement puissants dans le pays soutiennent évidemment le texte, comme le camp présidentiel (PPP, droite). Quitte à sacrifier les travailleurs sur l’autel de la productivité.

Car la loi spéciale sur les semi-conducteurs permettrait aux grands groupes de passer outre la limite de 52 heures de travail par semaine. « Les politiques disent que seuls les postes de recherche seront exemptés de la semaine de travail de 52 heures, mais voilà ce qui se passe : des unités de fabrication ont été requalifiées R & D (recherche et développement – NDLR) », s’insurge le syndicat des métallurgistes sud-coréens, qui a tenu un rassemblement devant le Kuk Hoe (Parlement) le 10 février.

Vers une semaine de 69 heures ?

Plusieurs militants associatifs et syndicaux étaient présents, notamment pour mettre en garde contre le surmenage et ses conséquences sur la santé des individus : plus l’amplitude horaire augmente, plus les risques de maladies cardio-vasculaires sont forts.

Pas de quoi faire trembler le PPP, qui défendait lors de la campagne 2022 de Yoon Suk-yeol la semaine de 69 heures. Celui qui a été élu président lançait même avec bonhomie que les Sud-Coréens « devraient pouvoir avoir le droit de travailler 120 heures par semaine s’ils le veulent ».

D’autant que depuis sa poussée de fièvre dictatoriale, « les citoyens renoncent à leurs soirées et week-ends pour descendre dans la rue » pour réclamer sa démission, rappelle Lee Sang-seop, vice-président du KMWU. « Ça n’aurait pas été possible sans la semaine de 52 heures, et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un seul manifestant », continue-t-il. La Confédération syndicale sud-coréenne (KCTU) réclame donc deux choses pour le bien-être des travailleurs : une « réduction supplémentaire du temps de travail pour créer des emplois sains »… Et la destitution de Yoon Suk-yeol.

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