Guerre en Ukraine : malgré 4 000 km2 d'avancées russes en 2024, Kiev continue de résister

C'est à la fois peu à l'échelle du territoire ukrainien mais beaucoup dans le conflit actuel : les forces russes ont avancé de 3 985 km2 en Ukraine en 2024, soit près de sept fois plus qu'en 2023 (584 km2), selon des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), arrêtées au 30 décembre.

Dès le début de l'année, la Russie a intensifié ses opérations offensives offensives pour arracher la ville stratégique d'Avdiivka à la mi-février. Face à des troupes ukrainiennes moins nombreuses et moins armées, les Russes ont ensuite progressé à l'ouest en direction de Pokrovsk et Selydove tout au long du printemps, de l'été et de l'automne 2024. 

C'est lors de la période automnale que les troupes russes ont le plus avancé : 610 km2 en octobre et 725 km2 en novembre. Il faut remonter à mars 2022 et les premières semaines du conflit entre la Russie et l'Ukraine pour constater une dynamique aussi favorable. 

Désormais, près des trois quarts du territoire pris par les Russes en Ukraine sont situés dans l'oblast de Donetsk. La Russie contrôle ou opère dans 70 % de la région, contre 59 % fin 2023.

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L'Ukraine craint également dans les prochaines semaines une offensive vers la ville de Zaporijjia, chef-lieu éponyme de la région qui se trouve à environ 35 kilomètres à vol d'oiseau des positions russes et 50 kilomètres de la centrale nucléaire du même nom.

La situation sur le front ukrainien au 30 décembre 2024.
La situation sur le front ukrainien au 30 décembre 2024. © ISW / Studio graphique de France 24

Pertes russes

Si l'année 2024 a été difficile pour Kiev, "il n'y a pas eu d'effondrement du front", note l'historien militaire et enseignant à Sorbonne-Université, Guillaume Lasconjarias. "L'année écoulée a démontré la capacité de la Russie à poursuivre sans relâche son effort de grignotage du territoire de Kiev pour s'approcher des grands pôles de résistance des forces ukrainiennes. Cette dynamique, même si elle apparaît favorable, s'est aussi faite à un prix extrêmement élevé", ajoute l'expert. 

Selon le commandant en chef des forces ukrainiennes, le colonel-général Oleksandr Syrskyi, la Russie a subi 427 000 pertes en 2024, "soit environ 102 pertes par kilomètre carré de territoire ukrainien conquis", calcule l'ISW.

L'ordre de grandeur semble crédible : le 24 décembre, Dmitri Medvedev, le vice-président du Conseil de sécurité russe, a indiqué que 440 000 recrues avaient signé des contrats de service militaire avec le ministère russe de la Défense, suggérant que l'armée russe recrute probablement juste assez de personnel pour remplacer ses soldats tués ou blessés.

Pour sa part, Vladimir Poutine s'est félicité mi-décembre des avancées de ses troupes, assurant avoir "l'initiative" à l'issue d'une année "charnière". Dans son discours du Nouvel An mardi, le président russe n'a pas explicitement mentionné la guerre en Ukraine mais a salué les soldats russes pour leur "courage et leur bravoure".

L'opération à Koursk en sursis

Au-delà de ces conquêtes en territoire ukrainien, les forces russes ont nettement progresser dans l'oblast de Koursk, où les Ukrainiens ont lancé au mois d’août une offensive surprise et inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, dans l'espoir de contraindre Moscou à dégarnir ses effectifs engagés sur le front Est.

Mais face à la pression russe, le secteur contrôlé par Kiev en territoire ennemi a fondu comme peau de chagrin : après avoir atteint un pic à 1 320 km2 fin août, l'Ukraine n'opère plus que dans 482 km2 au 30 décembre.

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Appuyé par des soldats nord-coréens, le Kremlin a lancé une vaste contre-offensive rassemblant 50 000 hommes pour reprendre la région, signe que, là encore, la Russie est à l'initiative. De son côté, Kiev tente de ralentir l'avancée russe en utilisant drones, artillerie et armes américaines à longue portée. La semaine dernière, Kiev a déclaré que 3 000 soldats nord-coréens avaient été tués et blessés.

"Chaque jour de l'année à venir, nous allons devoir nous battre pour une Ukraine suffisamment forte. Parce que seule une telle Ukraine sera respectée et entendue. Tant sur le champ de bataille qu'à la table des négociations", a déclaré Volodymyr Zelensky dans son adresse de Nouvel an à la Nation.

Vers une nouvelle année de guerre 

Le président ukrainien espère que le contrôle partiel de Koursk, épine dans le pied de Vladimir Poutine, forcera Moscou à négocier la fin de la guerre. Mais ce pari est encore loin d'être gagné.

"Il est impossible pour les Russes d'accepter d'entamer des négociations avec une partie de leur territoire, même extrêmement réduite, contrôlée militairement par les Ukrainiens", estime Guillaume Lasconjarias. "La fin de cette incursion ukrainienne en terre russe est une nécessité. C'est une question de crédibilité politique pour la Russie". 

De son côté, Vladimir Poutine exige toujours la reddition de l'Ukraine, son renoncement à l'adhésion à l'Otan et les territoires ukrainiens qu'il a annexés. Une forme de capitulation inacceptable pour l'opinion publique ukrainienne alors que l'incertitude plane sur la poursuite du soutien américain après la prise de fonction de Donald Trump, le 20 janvier. Le Républicain a notamment affirmé qu'il mettrait fin au conflit en "24 heures" faisant craindre un alignement des États-Unis sur les exigences russes au détriment de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

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En attendant, le fracas des armes a repris dès les premières heures de 2025. Deux personnes ont été tuées et sept blessées le 1er janvier à Kiev lors de frappes de l'armée russe, qui a lancé une vague de 111 drones sur l'Ukraine pour le jour de l'An. La veille, l'Ukraine avait été ciblée par 21 missiles et une quarantaine de drones d'attaque. Côté russe, une attaque de drones ukrainiens a provoqué un incendie de carburant dans un dépôt pétrolier de la région de Smolensk, selon le gouverneur régional.

"Si des négociations peuvent débuter entre la Russie et l'Ukraine, le conflit ne s'éteindra probablement pas en 2025", prédit Guillaume Lasconjarias. "L'Ukraine ne s'est pas effondrée et la Russie ne l'a pas emporté. Aujourd'hui, aucun des deux protagonistes n'est pour l'instant dans une situation si critique qu'il soit dans l'obligation de jeter l'éponge".