Guerre en Ukraine : aucun compromis en vue avec une Russie en position de force
Alors que le conflit entre bientôt dans sa troisième année, aucun compromis ne se dessine. L'Ukraine est en grande difficulté, puisque la mobilisation de nouveaux soldats pour remplacer ceux qui se battent depuis longtemps est une question brûlante... Le Figaro vous explique la situation liée au conflit.
Pas de compromis en vue avec une Russie en position de force
Après deux ans de guerre totale, aucun compromis ne se dessine entre l'Ukraine, en grande difficulté, et une Russie revigorée par l'érosion du soutien occidental à Kiev et l'hypothèse d'un retour de Trump à la Maison-Blanche. Diplomates et analystes, à Moscou ou du côté de Kiev et ses soutiens, s'accordent au moins sur un point: 2024 sera encore une année de guerre. Et en l'état actuel du conflit, «il n'y a rien que les belligérants puissent négocier», sinon une «capitulation» de l'un ou l'autre, résume Fyodor Loukyanov, directeur du Conseil de politique étrangère et de défense, un centre de réflexion proche du Kremlin. Pour Kiev, il est inconcevable de négocier tant que les troupes russes ne se sont pas retirées des territoires qu'elles occupent. Vladimir Poutine de son côté, assuré d'être reconduit pour un nouveau mandat au Kremlin lors de l'élection de mars, répète qu'une défaite de la Russie est «impossible» et joue la montre en observant l'affaiblissement du soutien occidental à Kiev.
En termes de ressources, la balance pèse en faveur de la Russie, qui peut, selon des sources ukrainiennes, envoyer 30.000 nouveaux soldats sur le front chaque mois, et dont l'économie est totalement entrée en mode guerre en 2023. À l’opposé, l'Ukraine, pour laquelle la guerre a commencé en 2014 dans le Donbass et avec l'annexion de la Crimée par la Russie, s'épuise et peine à mobiliser. Après deux années d'unité nationale sans faille, les différends politico-militaires s'exacerbent à Kiev, avec le départ du très populaire chef de l'armée Valery Zaloujny.
«La Russie commence à penser qu'elle peut gagner», estime l'analyste polonais Marek Mendiszak, du Centre for Eastern studies à Varsovie. «Ce sentiment de victoire est nourri par la chute du soutien militaire occidental et le contexte politique» aux États-Unis, suspendus à un éventuel retour de Donald Trump lors de la présidentielle de novembre. Un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche angoisse les Ukrainiens et les Européens. L'ancien président américain, qui a assuré qu'il était capable de mettre fin au conflit «en 24 heures» s'il était réélu, pourrait aussi couper l'aide à l'Ukraine. Principal soutien de Kiev avec plus de 110 milliards débloqués depuis 2022, Washington échoue depuis des mois à voter de nouveaux fonds pour l'Ukraine, en raison notamment de la pression de Donald Trump sur ses troupes, majoritaires à la Chambre des représentants. Et l'Europe, qui a fourni 28 milliards d'euros d'aide militaire, peine à remplir ses promesses, et ne pourra de toute façon pas combler à court terme une défaillance américaine.
En Ukraine, l'enrôlement difficile de nouvelles recrues pour le front
La mobilisation de centaines de milliers de nouveaux soldats pour remplacer ceux qui se battent depuis longtemps est une question brûlante - et politiquement périlleuse - en Ukraine, où le conflit entre bientôt dans sa troisième année. Serguiï Ogorodnyk, 39 ans, qui commande une compagnie des forces aéroportées, explique : «les gens ont besoin de congés, pas seulement pour récupérer et continuer à se battre mais aussi pour reconstruire leur vie civile». Le militaire affirme que le sentiment d'«injustice» à l'égard de ceux qui n'ont pas encore été appelés à se battre est omniprésent au sein des troupes déployées sur le front.
Pour remédier à la situation, un projet de loi controversé facilitant l'enrôlement a été voté par le parlement en première lecture début février mais le texte a aussi déclenché un vif débat. Et la prolongation de la guerre, la stagnation du front après l'échec de la contre-offensive ukrainienne de 2023 ont sapé l'enthousiasme des futurs soldats. Selon Anton Grouchetsky, de l'Institut international de sociologie de Kiev, l'incertitude quant à la pérennité du soutien occidental à l'Ukraine a également un impact. «Les Ukrainiens étaient prêts à mourir sur le champ de bataille lorsqu'ils se sentaient fortement soutenus. S'ils savent qu'ils n'auront pas d'armes pour se battre, c'est démotivant», relève-t-il. Une série de scandales de corruption et la réputation de l'armée d'être un enfer bureaucratique ont aussi découragé les hésitants.
Certaines agences tentent de rendre l'enrôlement plus simple, telles que Lobby X, qui publie la liste des postes dans l'armée sur un site web avec moult explications. Mais la modernisation du système «est un très grand défi», reconnaît son PDG Vladyslav Greziev. Il affirme que son site a reçu plus de 67.000 candidatures. «Nous aidons les gens à sauter le pas vers les forces armées, parce qu'ils ont plus de clarté et de contrôle sur leur avenir», affirme-t-il.