Syrie : en visite, les chefs de la diplomatie française et allemande affichent la position de l’Union européenne
Le rôle que va investir une Syrie débarrassée du régime autoritaire de Bachar al-Assad, depuis la nuit du 7 au 8 décembre 2024, à l’international sera déterminant. Représentants des pays arabes ou occidentaux se précipitent ainsi dans la capitale, Damas, depuis plusieurs semaines, alors que l’isolement imposé à la Syrie depuis la violente répression du soulèvement populaire en 2011 s’estompe.
Le nouveau pouvoir, dirigé par Ahmad al-Chareh, a de son côté effectué un clair basculement de la politique de la Syrie, tant en ouvrant la porte à un maintien des relations avec les principaux alliés du régime Assad (la Russie et l’Iran), qu’en se rapprochant de la Turquie, du Qatar et en esquissant des ouvertures envers l’Occident. La Syrie doit, plus largement, reconstruire son rapport à l’international, alors que l’État mené d’une main de fer par Bachar al-Assad a été rongé, année après année, par des ingérences étrangères et des sanctions économiques ou diplomatiques.
Une visite « sous mandat de l’Union européenne »
L’Union européenne (UE) ne s’y est pas trompée : les chefs de la diplomatie française et allemande sont arrivés, dans la matinée de ce vendredi 3 janvier, à Damas. Est notamment inscrite au programme une rencontre avec le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh, soit une première à ce niveau de responsabilité pour l’UE comme pour les nouvelles autorités syriennes, dont les premiers pas sont scrutés avec attention en Europe.
Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, et son homologue allemande, Annalena Baerbock, ont ainsi souligné une visite qui intervient « sous mandat de l’Union européenne ». Une position confirmée avant même leur arrivée à Damas par le membre du gouvernement Bayrou (et affilié comme ce dernier au MoDem), qui s’est fendu d’un message sur son compte X, où il affirme que, « ensemble, la France et l’Allemagne se tiennent aux côtés du peuple syrien, dans toute sa diversité ».
Annalena Baerbock a, de son côté, estimé que ce voyage « est un signal clair adressé aux Syriens ». Soit « un nouveau départ politique entre l’Europe et la Syrie, entre l’Allemagne et la Syrie est possible » pour l’élue politique allemande, qui ajoute : « C’est avec cette main tendue, mais aussi avec des attentes claires à l’égard des nouveaux dirigeants, que nous nous rendons aujourd’hui à Damas. »
S’ils devraient aborder frontalement les attentes de l’Union européenne lors de leur entretien conjoint avec Ahmad al-Chareh, à la tête d’une coalition dirigée par le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) – qui a chassé du pouvoir le président Bachar al-Assad, le 8 décembre -, les premiers déplacements des deux ministres donnent de clairs indices sur leur position.
Le rétablissement de la présence française à Damas en vue
Jean-Noël Barrot a ainsi rencontré, peu de temps après son arrivée, des représentants de la communauté chrétienne en Syrie. « La France est attachée à une Syrie plurielle dans laquelle les droits de chacun sont préservés dans le cadre d’une citoyenneté commune », a souligné une source diplomatique, pour expliquer ce choix du locataire du Quai d’Orsay.
Le ministre des Affaires étrangères s’est aussi rendu à l’ambassade de France, où le drapeau tricolore flotte depuis le 17 décembre dernier, date à laquelle des émissaires français se sont rendus auprès des nouvelles autorités à Damas. « Dans les semaines qui viennent, en fonction de l’évolution des conditions de sécurité, nous allons préparer progressivement les modalités de rétablissement de la présence française ici à Damas », a-t-il annoncé. L’Allemagne, dont l’ambassade est également fermée depuis 2012, avait elle aussi envoyé des émissaires le 17 décembre.
Annalena Baerbock et Jean-Noël Barrot se sont ensuite rendus à la prison de Saidnaya, symbole sanglant de la politique répressive de Bachar al-Assad. L’établissement pénitentiaire a été le théâtre de nombreuses exactions, comme le pointait un rapport d’Amnesty international publié en 2017 et intitulé « Abattoir humain : pendaisons de masse et extermination à la prison de Saidnaya ». Depuis le début du soulèvement en 2011, plus de 100 000 personnes ont péri dans l’immense complexe pénitentiaire syrien, notamment sous la torture, estimait en 2022 l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Cette rencontre sera aussi l’occasion pour Ahmad al-Chareh de réclamer une levée des sanctions internationales imposées au pouvoir de Bachar al-Assad – coupable de plus d’un demi-million de morts et ayant provoqué la fuite de millions d’habitants depuis plus d’une décennie. Son groupe, HTC, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, qui répète avoir rompu avec le jihadisme, souhaite aussi que sa qualification de « terroriste » par plusieurs États occidentaux, notamment les États-Unis, soit retirée.
Face au défi d’unifier le pays, Ahmad al-Chareh s’est ainsi engagé à dissoudre les factions armées, notamment le groupe HTC et a annoncé son intention de convoquer un dialogue national, sans en préciser la date ni qui y serait convié. De quoi s’engager dans un processus qui doit permettre l’organisation d’élections en Syrie, d’ici les quatre prochaines années. La France doit enfin accueillir une réunion internationale sur la Syrie en janvier, plusieurs semaines après qu’une réunion similaire a eu lieu en décembre, avec la présence de ministres et responsables états-uniens, européens, arabes et turcs.
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