« Des cris provenant des cellules voisines ont retenti toute la nuit » : les avocats de Kilmar Abrego García, expulsé par erreur des États-Unis, alertent sur les conditions de détention au Salvador
Le funeste sort de Kilmar Abrego García, un immigré salvadorien concerné par la vague d’expulsion lancée par l’administration Trump le 15 mars dernier, se précise. Victime d’une « erreur administrative » puisqu’il était en principe protégé par la justice depuis 2019, Kilmar Abrego García a été expulsé vers le Centre de détention pour terroristes du Salvador (Cecot) avant d’être rapatrié en juin dernier.
Accusé d’avoir été membre du gang Tren de Aragua, il est surtout le symbole des dégâts causés par une entreprise raciste consistant à réprimer la population racisée des États-Unis. Le contenu du dossier judiciaire constitué par les avocats de sa famille, dévoilé mercredi 2 juillet par le Washington Post, permet de mettre en lumière la violence à laquelle font face les citoyens déportés au Salvador. Présenté dans le cadre de l’affaire civile intentée par Kilmar Abrego García et ses proches contre des responsables de l’administration Trump devant le tribunal de district américain du Maryland, ce dossier dévoile ce qui s’est passé dans les heures et les jours qui ont suivi son arrestation arbitraire.
Frappé « à plusieurs reprises » avec une matraque en bois
« Le plaignant Abrego García rapporte qu’il a été soumis à de mauvais traitements dès son arrivée au Cecot, y compris, mais sans s’y limiter, des coups violents, une grave privation de sommeil, une alimentation inadéquate et des tortures psychologiques », annonce d’emblée le dossier judiciaire. « Alors qu’il sortait de l’avion en provenance du Texas, enchaîné, deux hommes en uniforme sombre l’ont attrapé et l’ont poussé dans les escaliers, est-il rapporté. Les détenus sont sortis sous des lumières vives tandis que des caméras filmaient leur arrivée. Abrego a été poussé vers un bus et installé sur un siège, puis menotté. »
Les policiers l’ont par la suite frappé « à plusieurs reprises » à coups de pied et avec une matraque en bois « alors qu’il tentait de relever la tête ». Kilmar Abrego García n’était pas encore arrivé au sein du Cecot, l’une des prisons les plus opaques au monde selon les groupes de défense des droits humains, que les accès de violence se sont multipliés. Accueillis par un responsable pénitentiaire, les prisonniers ont eu droit pour seul mot : « Bienvenue au Cecot. Quiconque entre ici n’en ressort pas. »
Kilmar Abrego García a par la suite été contraint de se déshabiller, sous les coups de bottes dans les jambes et de poings à la tête et aux bras. « On lui a rasé la tête, et on l’a conduit de force jusqu’à la cellule 15, en le frappant à coups de matraque. Le lendemain, le plaignant Abrego García présentait des ecchymoses et des bosses visibles sur tout le corps », alertent ses avocats.
Une fois arrivés, le ressortissant salvadorien et ses vingt compagnons de cellule ont été contraints de s’agenouiller pendant neuf heures d’affilée durant la nuit. « Les gardiens frappaient quiconque tombait d’épuisement, indique le dossier. Pendant ce temps, le plaignant Abrego García s’est vu refuser l’accès aux toilettes et s’est souillé. » Les détenus sont confinés dans des couchettes métalliques sans matelas, dans des cellules surpeuplées, sans fenêtres, avec une lumière vive allumée constamment et avec un accès minimal aux sanitaires.
Preuve de l’inconséquence qui caractérise les autorités salvadoriennes et états-uniennes, la suite de la semaine va démontrer que ces dernières avaient conscience du statut de Kilmar Abrego García. Selon le dossier, les responsables du Cecot l’ont séparé des autres détenus salvadoriens. De fait, douze d’entre eux portaient des tatouages liés au gang Tren de Aragua et ont été transférés dans une nouvelle cellule. Kilmar Abrego García est quant à lui resté avec huit autres personnes qui, comme lui… n’ont pas pu être reliés à une quelconque organisation criminelle. « Comme le démontre son isolement, les autorités salvadoriennes ont reconnu que le plaignant Abrego García n’était affilié à aucun gang », fustigent ses avocats.
Des membres de gangs susceptibles de le « dépecer »
Cela n’a pas empêché les gardiens de le menacer jour après jour. Les responsables de la prison ont ainsi répété à Kilmar Abrego García qu’ils le transféreraient dans des cellules où se trouvaient de véritables membres de gangs susceptibles de le « dépecer ». Le père de famille âgé de 29 ans a observé des prisonniers, réellement membres de gangs, se battre entre eux. « Des cris provenant des cellules voisines ont retenti toute la nuit, sans aucune réaction des gardiens », a-t-il raconté à ses avocats.
Interrogés par le Washington Post, les porte-paroles de la Maison Blanche et du ministère de la Justice n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Pour rappel, l’administration Trump a versé au gouvernement présidé par Nayib Bukele environ 6 millions de dollars pour la détention de citoyens expulsés. Kilmar Abrego García a été renvoyé aux États-Unis en juin dernier, pour faire face à des accusations de trafic d’êtres humains datant de 2022.
Le ministère de la Justice l’accuse d’avoir transporté des immigrants sans papiers contre de l’argent et d’être proche de cercles mafieux. La fin de son procès – au cours duquel il pourrait être innocenté, la juge fédérale Barbara D. Holmes estimant que « les preuves du gouvernement se résument à des déclarations générales, toutes fondées sur des ouï-dire » – pourrait néanmoins signifier un retour au Salvador. Les autorités fédérales ont ainsi déclaré que Kilmar Abrego García serait de nouveau transféré dans un centre de détention pour immigrants avant d’être de nouveau expulsé.
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