L’administration Trump et le Salvador accusés d’orchestrer la « disparition forcée » de 200 migrants dans « l’une des prisons les plus dangereuses » au monde
L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a accusé, vendredi 11 avril, les États-Unis et le Salvador d’orchestrer la « disparition forcée » d’exilés vénézuéliens et salvadoriens. Donald Trump avait eu recours, le 15 mars dernier, à une loi d’exception datant de 1798 – utilisée contre « les ennemis étrangers », jusqu’alors uniquement en temps de guerre – pour expulser vers San Salvador 238 ressortissants accusés d’être des membres du Tren de Aragua, un gang vénézuélien considéré comme une organisation « terroriste » par Washington.
Ils sont depuis incarcérés dans le Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT), une prison salvadorienne de haute sécurité connue pour la dureté de ses conditions de détention. La liste des personnes concernées n’a été publiée ni par les États-Unis ni par le Salvador et aucune communication avec l’extérieur n’est autorisée.
« Ils ont eu la tête rasée et ont été transférés dans des cellules »
« Ces disparitions forcées sont une grave violation du droit international », a fustigé la directrice de Human Rights Watch pour les Amériques, Juanita Goebertus, citée dans un communiqué de l’organisation. CBS News, qui a révélé une liste de noms – non confirmée ou infirmée par les deux États concernés – le 20 mars, a fait état d’un traitement répressif et discriminatoire de grande ampleur.
« À leur arrivée, les hommes expulsés ont été débarqués de force par les autorités salvadoriennes lourdement armées, rapporte le média états-unien. Ils ont été conduits dans des véhicules blindés, ont eu la tête rasée et ont été transférés dans des cellules de la tristement célèbre prison de haute sécurité du Salvador. » De plus, selon CBS News, « les familles et les avocats ont déclaré n’avoir appris l’expulsion de leurs proches ou clients vers ce petit pays d’Amérique centrale que par le biais de vidéos et de photos publiées par le gouvernement salvadorien et les médias ».
Human Rights Watch exhorte donc les États-Unis à publier la liste des Vénézuéliens concernés et les autorités salvadoriennes à « confirmer leur localisation actuelle, révéler s’il existe une base juridique pour les détenir et leur permettre les contacts avec le monde extérieur ». La ministre états-unienne de la Sécurité intérieure, Kristi Noem, qui s’est rendue dans cette prison fin mars, s’est déclarée, mercredi 9 avril, « convaincue que les personnes qui y sont doivent y être et devraient y rester jusqu’à la fin de leurs jours », rapporte le site d’informations Axios.
Une « erreur administrative »
Le sort de Kilmar Abrego Garcia démontre pourtant que les déportations mises en place par l’administration Trump – portée par sa guerre contre l’immigration – détruisent des vies, sans que les autorités ne se soient assurées de la culpabilité des accusés. Arrêté le 12 mars dernier dans l’État du Maryland, où il vit légalement avec sa femme née aux États-Unis, le citoyen d’origine salvadorienne a été arrêté puis expulsé trois jours plus tard.
Comme les centaines d’autres accusés, il était soupçonné d’être un membre du gang Tren de Aragua. Or, l’administration Trump a par la suite reconnu en justice que son expulsion résultait d’une « erreur administrative », puisqu’un arrêté d’expulsion à son encontre avait été définitivement annulé par un tribunal fédéral en 2019. La Maison Blanche a alors prétexté que Kilmar Abrego Garcia était membre du MS-13, une autre organisation mafieuse du Salvador… sans apporter la moindre preuve.
Une juge fédérale, Paula Xinis, a rapidement balayé les arguments du gouvernement. Elle a exigé de l’exécutif qu’il « facilite et effectue » son retour sur le sol américain avant lundi 7 avril, à 23 h 59. Les avocats de l’administration Trump « reconnaissent qu’ils n’avaient aucune autorité légale pour l’interpeller, aucune justification pour l’arrêter, aucun motif pour l’envoyer au Salvador, et encore moins pour l’envoyer dans l’une des prisons les plus dangereuses de l’hémisphère occidental », avait-elle justifié dans une note de 22 pages.
Loin de se remettre en question, la Maison Blanche a saisi en urgence la Cour suprême, qui a suspendu la décision de justice, le lundi même. L’instance a justifié sa décision par le manque d’une demande manuscrite des avocats de Kilmar Abrego Garcia. Demande comblée par ces derniers, qui ont fait valoir que leur client ne faisait l’objet d’aucune inculpation dans quelque pays que ce soit : « Il croupit dans une prison uniquement à la demande des États-Unis, résultant d’une erreur kafkaïenne. » À l’unanimité, les neuf juges de la Cour suprême ont finalement approuvé la décision de première instance, jeudi 10 avril. Encore faut-il que l’administration Trump respecte les décisions de la justice.
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