«Un procès fantôme» : l’avocat de Boualem Sansal dénonce «un processus purement politique»
Le parquet d’un tribunal près d’Alger a requis jeudi 10 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie, dont le cas a envenimé des tensions déjà fortes entre Alger et Paris. «Ces réquisitions sont celles d’un parquet qui n’est pas indépendant, a dénoncé son avocat français, Me François Zimeray, sur BFMTV. En Algérie, les parquets ne sont pas indépendants. C’est la voix du gouvernement qui s’exprime à travers les réquisitions. C’est le procureur, en tant que porte-voix du gouvernement algérien, qui a demandé 10 ans de prison contre Boualem Sansal.»
Le tribunal correctionnel de Dar El Beida rendra le 27 mars son jugement dans le procès de ce romancier connu pour ses critiques du pouvoir algérien et des islamistes, emprisonné depuis le 16 novembre à Alger, selon les médias Echorouk et TSA. Boualem Sansal, âgé de 80 ans selon son éditeur français Gallimard, a été accusé entre autres d’«atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays».
L’Algérie est «un pays gouverné par la peur»
Selon l’accusation, l’écrivain a tenu des propos portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien en octobre dernier en reprenant la position du Maroc selon laquelle son territoire aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Le procès s’est déroulé «ce jeudi dans des conditions ordinaires, sans dispositions particulières», selon le journal arabophone Echorouk, qui a noté que Boualem Sansal avait «préféré assurer lui-même sa défense», sans recourir à un avocat. «C’est un habillage maladroit pour habiller de façon judiciaire ce qui est en réalité un processus purement politique, dément l’avocat français de l’écrivain. Si ça avait été un procès judiciaire équitable, il aurait eu accès à un avocat, j’aurais eu immédiatement mon visa, j’aurais pu consulter le dossier, nous aurions pu s’entretenir et monter une défense.»
Plus tôt dans la journée, Me François Zimeray avait dénoncé «un procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense, incompatible avec l’idée même de justice», rappelant avoir saisi «les organes compétents du Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU d’une plainte contre l’Algérie» pour détention arbitraire. Une démarche qu’il avait annoncée à la mi-mars assurant que Boualem Sansal n’avait pas un accès normal à des avocats ni à des soins médicaux. Des affirmations alors démenties par le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi, qui avait assuré que l’écrivain voulait se défendre seul et poursuivait son traitement contre le cancer. «En trois mois, j’ai pu voir à quel point ce pays est gouverné par la peur, poursuit l’avocat. La peur qui pèse sur les parquets, sur les magistrats et les avocats.» Avant de se montrer pessimiste sur l’issue de ce procès : «La décision qui s’apprête à être rendue laisse peu augurer une décision favorable.»