Droits de douane : "Tout ce qui va créer des barrières va être extrêmement défavorable à notre industrie", affirme le président de France Chimie
Ce 7 avril a été une nouvelle journée de panique sur les places financières européennes avec les yeux rivés vers les États-Unis en se demandant si Donald Trump allait mettre sa menace de hausse des droits de douane à exécution. Le secteur de la chimie est très exposé aux hausses de droits de douane décidées par le président américain. Frédéric Gauchet, président de France Chimie est l'invité éco de franceinfo.
Franceinfo : La chimie, on la retrouve dans quel produit et quel est le poids des exportations vers les États-Unis du secteur que vous représentez ?
Frédéric Gauchet : Nous avons coutume de dire que la chimie est l'industrie des industries. Nous travaillons rarement directement pour le consommateur final, mais pour toutes les industries de transformation, le médicament, le transport, l'énergie, la construction. Donc nous sommes vraiment une industrie en amont de toutes les autres. Nous exportons énormément, je rappelle les derniers chiffres publiés pour la chimie en France : 109 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 80 milliards étaient exportés en 2023. Nous avions également des importations importantes puisque c'était à hauteur de 62 milliards d'euros.
"Nous avions un solde positif, c'est le deuxième après l'aéronautique, mais vous comprenez qu'avec ce niveau d'import et d'export, nous sommes absolument dépendants de la fluidité du commerce mondial."
Frédéric Gauchetà franceinfo
Dès mercredi 9 avril, il devrait y avoir notamment une hausse de 20% des droits de douane sur tous les produits en provenance d'Europe qui entrent sur le territoire américain. Comment vous y préparez-vous ?
Évidemment, ça nous impacte, surtout qu'aujourd'hui, les usines de la chimie en France, comme dans le reste de l'Europe, ne sont pas pleines. Nous avons absolument besoin de remplir les usines, donc nous avons besoin d'améliorer notre compétitivité et de créer surtout des conditions de compétitivité accrues. On peut parler de l'énergie, qui n'est pas assez bon marché pour être compétitive aujourd'hui en Europe, que ce soit le gaz ou l'électricité. Mais on peut aussi parler du coût de la norme, des coûts des charges et on va aussi parler de la nécessité d'avoir de la visibilité et une trajectoire très claire de ce que veulent faire la France et l'Europe en matière de politique industrielle parce qu'on investit pour des décennies.
On voit qu'il y en a deux formes de stratégie qui s'opposent : celle de la Chine qui a décidé de riposter à la même hauteur que les États-Unis avec 34% de hausse dès 10 avril, l'Europe est plutôt dans une démarche de discussion, d'ouverture, de négociation, en disant qu'il n'y aurait pas de taxe sur les produits industriels. Quelle est la bonne stratégie à votre avis ?
Aujourd'hui, la bonne stratégie, c'est d'éviter l'escalade parce qu'on exporte 80 milliards de notre chiffre d'affaires. Tout ce qui va créer des barrières va être extrêmement défavorable à notre industrie. Si nous acceptions effectivement de nous mettre d'accord, ça recréait la fluidité du commerce international, dont la chimie a absolument besoin à la fois pour les produits qui rentrent, et pour les produits qui sortent.
Le secteur de la chimie est déjà mal en point, avec des suppressions de postes à la chaîne qui sont annoncées par de nombreuses d'entreprises du secteur. La plus emblématique, c'est le site de Vencorex en Isère, qui emploie 500 personnes et qui sera fixé sur son sort le 10 avril. Craignez-vous qu'avec cette tension commerciale il y ait d'autres suppressions de postes à venir ?
Structurellement, ces pertes d'emploi et ces restructurations ont commencé parce qu'il y a un déficit de compétitivité de l'Europe en général et de la France en particulier, par rapport à la Chine qui est devenue la première usine chimique du monde. 50% de la demande mondiale y est fabriquée, donc c'est absolument considérable.
Aujourd'hui, je crains qu'il y ait des suppressions de postes encore à venir, non pas en raison des barrières douanières érigées par Donald Trump, mais tout simplement parce qu'il y a un ajustement dû à la perte de compétitivité.
"Le 4 avril, nous étions à l'Élysée et nous avons rappelé au président de la République et à son gouvernement qu'il était urgent d'agir et de prendre les mesures salutaires pour restaurer notre compétitivité."
Frédéric Gauchetà franceinfo
Demandez-vous notamment à l'exécutif un retour des aides, comme ce que vous avez connu en période de Covid ? En est-on là ?
Je pense qu'on n'est pas du tout dans la situation de la crise du Covid-19, qui était une pandémie mondiale qui s'imposait à tout le monde. Là, on est face à un déficit structurel spécifique de l'Europe et plus important en France que dans les autres pays européens. Nos charges sociales et nos impôts de production, net de toutes les aides et les réductions qui ont déjà été faites, représentent 18% de notre valeur ajoutée. Par rapport aux Allemands, aux Italiens, aux Espagnols, c'est entre 6 et 7% de plus. La première action qu'on demande au gouvernement français, c'est de réduire cet écart, voire de le supprimer.