Droits de douane américains : aéronautique, luxe, spiritueux... Quels sont les secteurs français les plus touchés ?

Avec l'assaut commercial lancé par Donald Trump mercredi 2 avril, plusieurs secteurs économiques français pourraient être fragilisés par les 20% de droits de douane annoncés par le président américain. Les États-Unis sont le quatrième marché à l'export de la France, derrière l'Allemagne, l'Italie et la Belgique, selon les douanes françaises, avec chaque année plus de 47 milliards d'euros de biens exportés de l'autre côté de l'Atlantique. 

Le secteur automobile, lui, n'est pas concerné par les dernières annonces de Donald Trump puisqu'il sera touché par une surtaxe spécifique de 25% sur les voitures importées, déjà décidée par le président américain et qui entre en vigueur à partir du 3 avril. Des taxes de même ampleur sur les pièces détachées automobiles doivent aussi entrer en vigueur avant le 3 mai. En riposte aux décisions de Donald Trump, Emmanuel Macron réunit jeudi après-midi à l'Élysée les responsables des principales filières affectées et du patronat, en présence du Premier ministre François Bayrou et de plusieurs ministres.

Franceinfo vous détaille les secteurs les plus touchés par l'augmentation des droits de douane avec les États-Unis.

L'aéronautique, principal secteur d'exportation

Un cinquième des exportations de la France vers les États-Unis sont liées à l'aéronautique. La France a exporté pour 9 milliards d'euros de biens de la catégorie "aéronefs et engins spatiaux" aux Etats-Unis en 2024, d'après les douanes françaises. L'avionneur européen Airbus, dont le siège opérationnel est situé à Blagnac (Haute-Garonne), revendique la position de "premier client des exportations de l'industrie aérospatiale américaine".

Le géant industriel pourrait cependant être partiellement protégé par son implantation industrielle aux États-Unis : il a inauguré en 2015 une usine d'assemblage final à Mobile (Alabama), de laquelle étaient sortis, fin 2024, 500 avions A320 et A220. Airbus achète aussi chaque année pour plus de 15 milliards de dollars de pièces à ses quelque 2 000 sous-traitants américains, répartis dans 40 États, affirme qu'il soutient ainsi 275 000 emplois aux États-Unis et prévoit de poursuivre son implantation. Guillaume Faury, directeur général d'Airbus, fait partie des représentants des filières concernées qui doivent être reçues à l'Élysée jeudi.

Dassault Aviation, avionneur français qui vend entre un tiers et la moitié de ses jets privés aux États-Unis, avait de son côté indiqué début mars que ses prévisions de résultats pour 2025 dépendaient largement du niveau des droits de douane aux États-Unis.

Les vins et spiritueux, lourdes pertes pour les viticulteurs

Les États-Unis sont le premier client à l'étranger pour les viticulteurs français : un quart des bouteilles produites chaque année en France y sont exportées, pour près de 4 milliards d'euros. En 2024, quelque 2,4 milliards d'euros de "vins de raisin" ont traversé l'Atlantique pour les États-Unis et à lui tout seul, l'an dernier, le vignoble bordelais a envoyé 30 millions de bouteilles. Il faut ajouter à cela plus de 1,5 milliard d'euros de "boissons alcoolisés distillées", notamment le cognac. La production de spiritueux français est presque entièrement exportée, et beaucoup vers les États-Unis.

La Confédération nationale des producteurs de vins à appellations d'origine contrôlées (CNAOC) chiffre "la perte nette pour le vignoble français" à "un milliard d'euros". Contrairement aux premières taxes de Donald Trump en 2019, le champagne ne semble cette fois pas épargné, et il réfléchit depuis la mi-mars à ajouter 200% de surtaxe sur tous les alcools européens dans le conflit avec l'Union européenne sur l'acier et l'aluminium, soit le prix d'une bouteille multiplié par trois.

Le fromage, inquiétude des éleveurs

La France est le deuxième fournisseur de fromages derrière l'Italie avec 25 000 tonnes chaque année, surtout du brie, de l'emmental mais aussi des AOP (hors lait cru). Cela représente les deux tiers des produits laitiers exportés aux États-Unis, pour 350 millions d'euros. La Fédération nationale de l’industrie laitière (FNIL) s'attend à une perte financière sur les fromages "entrée de gamme et cœur de gamme". François-Xavier Huard, président-directeur général de la FNIL rappelle qu'en 2019, "les produits laitiers français avaient déjà subi une hausse de 25%" avec "une perte sur certains types de fromages, notamment l'emmental", de "quasiment 15 millions d'euros sur ces exportations".

"Le consommateur américain qui a les moyens de pouvoir se payer ce type de fromages continuera à le faire."

François-Xavier Huard, président-directeur général de la FNIL

franceinfo

Le luxe, très concerné mais pas si inquiet

Parfums, produits pour la toilette, produits de maroquinerie... La France a exporté pour 4,5 milliards d'euros de biens liés au luxe aux États-Unis en 2024. Pour autant, tous les biens de luxe français, particulièrement prisés aux Etats-Unis, ne sont pas nécessairement des exportations. Parmi les fleurons français, le géant LVMH possède des sites de production aux États-Unis, où il y réalise un quart de son chiffre d'affaires.

La clientèle du luxe, souvent aisée, est par ailleurs moins sensible au prix, et donc à une éventuelle hausse des droits de douane. "La maison a presque 190 ans, on en a connu des droits de douane...", relativisait mi-février le gérant du groupe de luxe Hermès, Axel Dumas qui prévient : "Si les droits de douane augmentent, on va augmenter nos prix pour compenser."

La pharmacie, exemptée d'une surtaxe

Les produits pharmaceutiques contribuent également grandement aux exportations françaises vers les États-Unis : 3,6 milliards d'euros en 2024. La Maison Blanche a cependant fait savoir dans la soirée de mercredi que certaines catégories n'étaient pas concernées par les nouveaux de droits de douane. Une longue liste a été publiée qui exclue médicaments, vitamines, hormones, et autres produits pharmaceutiques et biologiques comme les vaccins, les antisérums, et les préparations pour la médecine humaine et vétérinaire.

Pour représenter le secteur de l'industrie et de la chimie, la patronne d'Eramet, Christel Bories, ou encore Alexandre Saubot, de l'organisation professionnelle France Industrie, et Frédéric Gauchet, de France Chimie, sont tout de même conviés à la réunion autour d'Emmanuel Macron, mercredi.

D'autres éléments sont exemptés par les annonces de Donald Trump : des minéraux, divers produits chimiques, des métaux précieux comme l'or, le platine, et le palladium et des métaux de base comme le cuivre, le zinc, le nickel, et le cobalt, de même que des alliages métalliques, le pétrole brut, les produits raffinés, et dérivés pétrochimiques, des produits en bois ou en papier, ou encore des composants électroniques et semi-conducteurs.