REPORTAGE. Droits de douane américains : "En ce moment, je passe mal pas de temps à conseiller des sociétés françaises", témoigne un avocat d'affaires aux Etats-Unis
Donald Trump a promis de répliquer aux mesures de rétorsion prises par l'UE, la Chine et le Canada mercredi 12 mars. Ces pays ont en effet annoncé des dispositifs pour contrer la décision de la Maison Blanche de taxer à 25% l'acier et l'aluminium importés aux Etats-Unis. Donald Trump explique vouloir ainsi protéger les entreprises américaines, mais ce protectionnisme agressif du président américain déstabilise surtout les échanges commerciaux avec son pays.
En attendant, les entreprises françaises ne savent plus à quel saint se vouer pour continuer à travailler sur le marché américain. Franceinfo a rencontré un avocat d'affaires à Atlanta, débordé désormais par ces annonces.
Clauses et amendements aux contrats
Il vit aux Etats-Unis depuis 37 ans et conseille des entreprises françaises sur le marché américain, pourtant Dominique Lemoine ne se souvient pas avoir connu une telle incertitude économique. "En ce moment, je passe pas mal de temps à conseiller des sociétés françaises sur des clauses et des amendements à porter aux contrats, à proposer à leurs contractants, pour qu'ils puissent répercuter le nouveau prix si un droit de douane leur est imposé par rapport au prix contractuel qu'ils avaient déjà accepté".
Car si les taxes à la frontière augmentent, qui doit les payer ? Les pays étrangers, clame Donald Trump, sauf qu'en réalité, c'est bien plus compliqué. Bien souvent, les entreprises importatrices américaines vont répercuter la hausse des taxes sur le prix de vente."Il n'y a pas de question, c'est le consommateur qui va payer, tranche l'avocat. Et puis, parmi les électeurs de Donald Trump, il va y avoir beaucoup de déçus du trumpisme parce qu'ils ont cru, comme on le leur disait, que ce seraient les Chinois qui paieraient, et finalement ils se retrouvent à payer et souvent ce sont des gens assez défavorisés."
Faire le dos rond
Ce qui est sûr, pour cet avocat d'affaires, c'est que si Donald Trump souffle le chaud et le froid et multiplie les annonces toujours plus menaçantes sur les droits de douane, c'est pour négocier quelque chose avec les autres pays. "On a par contre du mal parfois à déterminer ce qu'il essaie de négocier", explique-t-il.
"C'est assez difficile d'analyser ce qui se passe quand la personne que vous essayez d'analyser n'est pas logique. Je ne suis même pas sûr qu'il sache lui-même ce qu'il veut."
Dominique Lemoineà franceinfo
Dominique Lemoine l'affirme, dans ce climat incertain et inamical, des entreprises françaises risquent de renoncer à faire des affaires sur le marché américain, comme des industriels ou des constructeurs automobiles.
Mais il conseille surtout à ses clients de faire le dos rond. "Il est évident que ça va craquer. Il est évident qu'à un moment donné il va y avoir une récession, il va y avoir du chômage et il a une fenêtre assez courte parce que les midterms sont dans 18 mois et en 2026, s'il continue comme ça, les Républicains vont avoir une très mauvaise surprise le jour des élections".
Le plus probable, c'est donc que Donald Trump annonce d'ici peu qu'il n'a plus besoin d'augmenter les droits de douane parce qu'il aura obtenu des concessions des autres pays, soit exactement ce qu'il avait fait lors de son premier mandat.