Droits de douane américains : quelles sont les armes de l'Union européenne pour se défendre ?
L'Union européenne espère encore pouvoir négocier avec Donald Trump pour éviter une guerre commerciale aux conséquences jugées désastreuses, après les annonces du président américain promettant notamment une surtaxe de 20% sur les biens exportés depuis l'UE. Mais les Européens sont aussi "prêts à agir", menace la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen, jeudi 3 avril. "Nous riposterons !", a confirmé jeudi après-midi le président français avec une riposte tarifaire identique, promet-il, mais Emmanuel Macron estime que les Européens pourraient aussi s'attaquer au secteur des services numériques américains.
Dans le bras de fer actuel, les entreprises de la tech sont sans doute l'un des talons d'Achille du président Trump, car les Etats-Unis ont exporté pour 320 milliards de dollars de services numériques vers l'Europe en 2023 soit près la moitié (49%) de leurs ventes mondiales dans ce secteur.
Si Donald Trump dénonce fréquemment le fait que l'Union européenne exporte beaucoup plus vers les États-Unis que l'inverse, que son pays se "fait avoir", il passe toujours sous silence le fait qu'il ne parle là que des marchandises. Du côté des services, les accès au cloud, les plateformes des Gafam et toute la tech, c'est l'inverse : l'Amérique est largement gagnante.
Instrument "anti-coercition"
Reste à décider des moyens choisis pour frapper au porte-monnaie les entreprises américaines de la tech. L'option "la plus rapide et la plus musclée", selon une note de l'Institut Delors, consiste à utiliser un règlement révisé en 2021 qui permet d'imposer des restrictions au commerce des services. Depuis 2023, l'UE dispose aussi d'un instrument dit "anti-coercition". Une arme qui peut limiter, par exemple, l'accès aux appels d'offres publics de ces entreprises. Alors que certaines entreprises françaises comme la SNCF stockent leurs données dans le cloud d'Amazon, cette contre-mesure commerciale, jamais utilisée, est conçue comme une arme de dissuasion.
L'Union européenne peut aussi tout simplement se montrer plus rigoureuse qu'actuellement sur l'application des nouvelles réglementations DMA DSA, qui encadrent les grandes plateformes numériques. Il y a des enquêtes en cours et des amendes colossales à la clef, qui peuvent aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise visée.
Limiter l'accès aux données
L'Europe pourrait aussi limiter l'accès des Américains à nos données car c'est justement l'utilisation des données des près de 450 millions d'Européens qui enrichissent les plateformes numériques. Leur modèle économique est basé sur l'exploitation de celles-ci à des fins commerciales. Par le biais d'exigences plus strictes en matière de localisation des données, l'UE pourrait restreindre les flux transfrontaliers de cet or noir numérique, estime l'experte en commerce international Elvire Fabry, dans sa note de l'Institut Delors.
Toutes ces options ne sont pour l'instant que des pistes, agitées par certaines capitales comme Paris et Berlin, les deux poids lourds européens, mais aussi en Autriche. "Nous devons viser les amis de Donald Trump, les entreprises de la tech", dit le ministre autrichien de l'Économie. Les ministres du Commerce des 27 en discuteront lundi lors d'une réunion à Luxembourg.