En plein duel avec Retailleau, Laurent Wauquiez joue la surenchère et propose la déportation des « étrangers dangereux sous OQTF » à Saint-Pierre-et-Miquelon
La campagne pour la présidence du parti les Républicains (LR) a vu l’un de ses prétendants prendre la lumière ces derniers mois. Par sa politique raciste, autoritaire et gage de soutien à l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau s’est imposé au sein d’un parti qui joue sa survie politique. Il s’est aussi positionné comme le principal concurrent du chef de file des députés de droite Laurent Wauquiez.
Ce dernier, pour se faire entendre, a choisi de surenchérir. L’ex-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a proposé, mardi 8 avril, « que les étrangers dangereux sous OQTF (obligation de quitter le territoire – NDLR), soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone ». Le tout dans le cadre d’un entretien accordé… au JDNews, supplément dominical du Journal du dimanche (JDD), titre du groupe Bolloré.
« Ça va amener tout le monde à réfléchir »
Le patron des députés du groupe Droite républicaine, qui dénonce le fait que la rétention administrative des étrangers sous OQTF soit limitée à quatre-vingt-dix jours – sauf en cas d’infraction terroriste -, lance donc l’idée d’une déportation dans l’archipel situé à proximité du Canada, à près de 4 000 kilomètres de la métropole. Le tout en utilisant le climat comme justification : « Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, cent quarante-six jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement ça va amener tout le monde à réfléchir. »
Laurent Wauquiez rêve ainsi d’une « seule alternative » : « Soit partir à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit rentrer chez eux. » Ces centres de rétentions – qui ne sont pas sans rappeler les bagnes – accueilleraient « 150 personnes ». De quoi, selon Laurent Wauquiez, « aboutir au moins à 50 % de retour direct dans les pays d’origine ».
Loin de mettre sa proposition sous le tapis, le député de droite l’a appuyé sur le plateau de CNews, dans la soirée du mardi 8 avril, où il a annoncé vouloir envoyer dans le golfe du Saint-Laurent les « soixante individus ultra-dangereux » que le ministre de l’intérieur voulait renvoyer en Algérie. « Tout le monde a compris que l’Algérie ne les reprendra pas », a-t-il poursuivi.
Une sortie qui n’a rien d’un hasard. Outre l’émergence d’un concurrent dans sa course à la présidence des Républicains – mais aussi de l’Élysée en 2027 -, le député de la Haute-Loire tente de jouer sur les plates-bandes du locataire de Place Beauvau, Bruno Retailleau. Le ministre de l’Intérieur s’est concentré, ces derniers mois, sur sa bataille néocoloniale avec l’Algérie.
Guerre perdue par l’ancien sénateur, alors qu’Alger a refusé de recevoir une soixantaine de ses ressortissants sous OQTF et qu’Emmanuel Macron a coupé court à ce dossier en jouant la désescalade avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, lors d’un appel téléphonique le 31 mars dernier. « Bruno Retailleau a défendu une ligne de fermeté et il n’a pas été écouté », a tancé Laurent Wauquiez dans le JDNews.
« Le bagne de Cayenne, c’est loin, et tant mieux »
La proposition de Laurent Wauquiez a provoqué très rapidement l’indignation d’une grande partie de la droite de l’échiquier politique. Du moins en ce qui concerne le choix de Saint-Pierre-et-Miquelon, la diabolisation des ressortissants sous OQTF ayant été occultée. « C’est la France, pas une prison ou un centre de rétention, a ainsi lancé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). Aucun territoire français ne mérite d’être traité comme une zone de relégation. » L’ex-premier ministre socialiste ajoute : « L’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne, c’est loin, et tant mieux. »
De même pour la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, en quête d’un nouveau souffle après sa condamnation et l’opération trumpiste ayant suivi, qui en a profité pour réactiver sa stratégie de dédiabolisation. L’élue d’extrême droite a réagi sur X, estimant que « la place des OQTF, c’est dans leur pays…, sûrement pas dans un territoire français. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens ».
Quant à Stéphane Lenormand, député de l’archipel et membre du groupe parlementaire LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), il a déploré, sur le même réseau social, le « mépris » du député de Haute-Loire pour les habitants de l’archipel. « Les OQTF, c’est dans leur pays qu’il faut les renvoyer, pas dans le nôtre. Et c’est un descendant de bagnard qui le dit », a également réagi Nicolas Metzdorf, député non indépendantiste de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
À gauche, plusieurs voix se sont aussi élevées. Le sénateur et porte-parole du Parti communiste français (PCF), Ian Brossat, pointe l’enchaînement d’annonces autoritaires au sein du « socle commun » : « Borne qui veut que les élèves de maternelle pensent à leur orientation professionnelle, Wauquiez qui veut enfermer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon… On se demandait ce qui unissait le “socle commun”. On a la réponse : la bêtise. » Le député de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière s’est indigné sur X : « Quand le chef de la droite française réinvente le bagne, aboli en 1938 ! » Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a quant à lui questionné : « Que va-t-il rester à l’extrême droite ? Renaissance va continuer de gouverner avec un président de groupe qui n’a plus aucun surmoi ? »
« L’Australie éloigne ses OQTF sur une île, l’Italie a tenté avec l’Albanie, le Royaume-Uni avec le Rwanda. Il s’agit d’une mesure musclée mais qui a le mérite d’être dissuasive et efficace », a tenté de défendre Geoffroy Didier, membre de la direction de campagne de Laurent Wauquiez, dans le Parisien. Alors que le congrès LR est prévu à la mi-mai, le député de la Haute-Loire aura donc réussi à se retrouver au centre des débats. Il a surtout rappelé que la conquête des 83 000 adhérents revendiqués par le parti justifie, à ses yeux, les pires outrances.
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