« L’État de droit a été totalement violé » : comment le Rassemblement national plonge dans la rhétorique trumpiste pour sauver Marine Le Pen

L’internationale réactionnaire a bouillonné en réaction à la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des emplois fictifs du Front national au Parlement européen. Un procès dont la cheffe de file du parti d’extrême droite (aujourd’hui connu sous l‘appellation Rassemblement national, RN) est ressorti avec cinq ans d’inéligibilité à effet immédiat et quatre ans de prison – dont deux fermes. Il n’aura fallu que quelques heures pour que la Maison Blanche n’interfère en menaçant la France d’un scénario similaire à celui des États-Unis.

Dans un premier temps à travers la voix d’Elon Musk, le milliardaire néofasciste et antiwokiste qui taille à la tronçonneuse dans les effectifs des institutions fédérales. « Lorsque la gauche radicale ne peut pas gagner par le biais d’un vote démocratique, elle abuse du système judiciaire pour emprisonner ses opposants, a-t-il affirmé, sur son compte X. Il y aura un retour de bâton, comme avec les attaques judiciaires menées contre le président Trump. »

« Cela fait penser à notre pays »

Le clan Trump, justement, y est aussi allé de ses attaques. Le fils d’abord, avec la fausse interrogation de Don Jr. : « Est-ce qu’ils essaient juste de démontrer que J. D. Vance avait raison sur tout ? » Une référence au discours qu’a prononcé le vice-président à Munich, le 14 février dernier, marquant une rupture historique dans la relation entre l’Europe et les États-Unis.

Puis le père, Donald, a pointé « une affaire très importante ». Le locataire de la Maison Blanche estime ainsi que « cela fait penser à notre pays ». Soit la poursuite du narratif qu’il a développé tout au long de la campagne présidentielle de 2024, alors qu’il était sous le joug de la justice pour son rôle dans la tentative de coup d’État en 2021, comme pour les nombreuses affaires (Stormy Daniels, vol de documents classifiés, etc.) dont il était le centre.

Il n’en fallait pas tant au Rassemblement national, qui n’a pas hésité à entreprendre une défense trumpiste dans les heures qui ont suivi la condamnation de leur cheffe. Rappel au passage : le président du RN s’est rendu à une grande-messe de l’extrême droite mondiale, à Washington, les 20 et 21 février derniers. Alors qu’il devait prononcer un discours, il s’est rétracté au dernier moment, suite au salut nazi réalisé par Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump… et invité d’honneur du congrès du parti lepéniste en 2018.

Dès le verdict connu, le président du RN et nouvel espoir du parti pour les élections présidentielles de 2027, Jordan Bardella, s’est ainsi engouffré dans un récit victimaire, comme Donald Trump avec la pseudo-élection truquée en 2020. Ce dernier a notamment appelé à une « mobilisation populaire et pacifique » et promu une pétition, lundi 31 mars.

Seconde caractéristique de leur ligne de défense : s’attaquer à la justice. « Aujourd’hui, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c’est la démocratie française qui est exécutée », a ainsi lancé Jordan Bardella en réaction au jugement. La principale concernée avait quant à elle estimé que « les juges ont un droit de vie ou de mort sur notre mouvement », durant le week-end précédant l’audience, et a adopté un discours du même acabit au 20 heures de TF1 lundi soir.

« Providentiellement, les lepénistes exhumaient une interview accordée cinq ans plus tôt par la magistrate qui venait de les condamner, pointe le fondateur d’Arrêt sur images et journaliste, Daniel Schneidermann, sur son compte Instagram. Cette ancienne consultante racontait avoir ressenti un déclic pour sa carrière en écoutant à la télévision Eva Joly, juge d’instruction emblématique des scandales financiers des années 1990. Et aussi, élue écologiste. Haha, écologiste ! Son compte était bon sur les plateaux. »

« La justice n’est pas politique, cette décision n’est pas une décision politique mais judiciaire, rendue par trois juges indépendants, impartiaux », a de son côté réagi Rémy Heitz, l’un des deux plus hauts magistrats de France. Invité par RTL, mardi 1er avril, le procureur général près la Cour de Cassation rappelle que la décision « a été rendue conformément à la loi, en application de textes votés par la représentation nationale ».

Les « attaques très personnalisées contre des magistrats, et les menaces qui peuvent faire l’objet de poursuites pénales » sont donc, pour lui, « inadmissibles ». Marine Le Pen avait, le soir précédent sur le plateau du 20 heures de TF1, estimé que « l’État de droit a été totalement violé » par « une décision politique ». Prêts à tout pour conquérir l’Élysée, Marine Le Pen et ses alliés n’hésitent donc pas à s’inspirer de l’autre côté de l’Atlantique.

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