Une enquête montre comment le « JDMag » est une usine à publicités et au travail dissimulé au sein du groupe Bolloré
Le système Bolloré est connu. Avec une multiplication des titres, des canaux de diffusion et des médiums, le groupe médiatique du milliardaire conservateur, Vivendi, s’assure un panel de têtes connues de la fachosphère, exportables de chaîne de télévision en station de radio, en passant par la presse papier. Les apparitions des Pascal Praud, Laurence Ferrari, Philippe de Villiers et consorts chez CNews, Europe 1 ou le duo Journal du dimanche (JDD)/JDNews se sont ainsi multipliées ces dernières années.
Si ce fonctionnement interne est affiché par le groupe Bolloré, et ses dérives documentées par la presse, ce dernier est aussi imposé pour les petites mains… sans que ce travail supplémentaire ne soit rémunéré ni déclaré. C’est ce qu’annonce le média indépendant les Jours, dans une enquête publiée dimanche 6 avril. Le média en ligne dévoile que près du tiers du magazine féminin JDMag – dérivé dominical du JDD au même titre que le JDNews – est rédigé par une partie de la rédaction de CNews dans la plus grande discrétion.
La sous-traitance de pages
Cinq journalistes du service Culture de la chaîne d’informations (d’extrême droite) en continu seraient ainsi, selon les Jours, contraints « de pisser de la copie sous la cravache de Serge Nedjar », directeur de CNews. Les pages concernées sont celles intitulées Culture, Écran, People et Évasion.
La publication magazine se repose donc sur deux pôles. L’un légal et dévoilé : la sous-traitance de pages à l’agence Indécom, « une boîte spécialisée dans la “fourniture de contenus” à des titres tels que Nous Deux, Télé Star ou Les Veillées des chaumières », résument les Jours.
L’autre non déclaré et le fruit d’une négociation entre Serge Nedjar et Vincent Bolloré : les fameux articles rédigés gratuitement par CNews. Ces derniers ne sont pas signés et sont réalisés en complément des missions demandées aux cinq journalistes. Le tout sans rémunération.
Un point qui a été soulevé, selon les informations des Jours, lors d’un comité social et économique (CSE) du groupe Canal Plus, le 20 mars dernier. Ce à quoi le directeur général de Canal Plus, Gérald-Brice Viret, aurait simplement répondu « Ah bon ? ». Le proche du clan Bolloré, comme de l’ex-tête d’affiche du groupe, Cyril Hanouna, « dit découvrir l’affaire et a indiqué qu’il allait “regarder ça” et que, dans ce genre de cas, il y avait des “contrats de prestation” », résument les Jours.
Pour récupérer la direction du JDMag, Serge Nedjar aurait – outre le travail gratuit imposé à ses salariés – vendu à Vincent Bolloré un contrôle total de la ligne éditoriale. Le magazine évitera ainsi la moindre voix critique envers le milliardaire breton, chantre de l’extrême droite française. La consigne est donc claire : « Les pages produites par CNews ne doivent pas parler de personnalités qui ont critiqué Vincent Bolloré ou Canal +, et les recommandations de spectacles ou programmes se doivent au maximum de mettre en avant les productions maison ou amies. »
À l’inverse, les productions maisons ont le champ libre dans les colonnes du magazine. Les recensions et publicités pour les dernières sorties de l’éditeur Hachette – filiale du groupe Bolloré – sont légion dans les pages Culture. « C’est Laurence Ferrari et Serge Nedjar qui tranchent sur ce qui est autorisé ou non – les sujets féministes ou wokistes sont par exemple proscrits – mais rien ne doit figurer à l’écrit, tout est à l’oral, expliquent les Jours. Plus pratique dans ces conditions d’avoir les journalistes sous la main plutôt que d’envoyer un listing de noms interdits à un prestataire extérieur… » Peu de doutes subsistaient, mais cet épisode rappelle que les pontes du groupe Bolloré sont prêt à sacrifier leurs salariés pour mener leur bataille idéologique.
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