Yunnes Abzouz, journaliste : « Quand Cyril Hanouna impose le silence, personne ne bronche »

Vos enquêtes décrivent un univers où menaces, pressions et violences rythment les coulisses de Touche pas à mon poste ! (TPMP). Comment Cyril Hanouna impose-t-il son emprise et pourquoi ce système perdure-t-il ?

Cyril Hanouna maintient son emprise principalement par la dépendance financière de ses chroniqueurs. La plupart tirent l’essentiel de leurs revenus de l’émission, ce qui les rend vulnérables. Dans TPMP, chacun joue un rôle bien défini : le « vieux réac », la « jeune femme légère »… Ces caricatures les enferment dans une image dégradante qui, à long terme, nuit à leur crédibilité et leur employabilité ailleurs.

Prenons l’exemple de Gilles Verdez : journaliste respecté à ses débuts, il est aujourd’hui cantonné à ce rôle d’exutoire dans l’émission. Son image est tellement abîmée qu’il lui serait difficile de retrouver une place ailleurs. Cyril Hanouna joue sur cette dépendance en alternant flatteries et humiliations, ce qui crée un climat de soumission et de peur.

Vous révélez qu’un proche de l’humoriste Malik Bentalha a été tabassé en coulisses, dans une omerta totale. Que dit cette affaire sur le fonctionnement d’Hanouna ?

Hanouna règne comme un monarque : il a un pouvoir de vie et de mort sur la présence de ses chroniqueurs dans l’émission, et quand il impose le silence, personne ne bronche. Cette affaire illustre bien l’omerta qui règne autour de lui. Même lorsque des faits potentiellement pénaux se produisent, tout est étouffé.

Ce climat de peur se renforce par une traque permanente des « taupes » lorsqu’une fuite sur sa vie privée émerge. Hanouna soupçonne tout le monde, ce qui installe une atmosphère de tension et de surveillance permanente. Chacun doit prouver qu’il n’est pas responsable des fuites, sous peine de subir des réprimandes ou d’être écarté.

Malgré les sanctions de l’Arcom et les polémiques, Hanouna reste incontournable. Pourquoi bénéficie-t-il toujours du soutien des grands groupes médiatiques ?

Son principal atout, c’est l’audience. Il le sait et il l’exploite. Tant qu’il génère du chiffre, les dérives lui sont pardonnées. C’est d’ailleurs en constatant l’essoufflement de TPMP dans sa version initiale qu’il a radicalement changé de ligne éditoriale. D’une émission légère sur les médias, il en a fait un plateau où se mêlent débats polémiques, clashs et fake news. Il a progressivement adopté une ligne très conservatrice, en phase avec les médias du groupe Bolloré. Il prône une vision radicale sur l’immigration et les questions sociétales, ce qui le rend précieux pour certains acteurs médiatiques.

Ce virage idéologique est-il un choix personnel ou répond-il à une ligne imposée par Vincent Bolloré ?

C’est une dynamique qui se nourrit mutuellement. Hanouna a d’abord réalisé, au moment des Gilets Jaunes, que traiter des sujets politiques pouvait faire grimper son audience. À partir de là, il a modifié la ligne de TPMP pour en faire une émission centrée sur l’actualité. Ce virage correspondait également aux intérêts éditoriaux de Bolloré, dont l’agenda médiatique est de promouvoir une vision très conservatrice et favorable à l’extrême droite. L’un renforçant l’autre, Hanouna et la ligne Bolloré se sont rejoints naturellement.

Le groupe M6, qui est sa prochaine destination, peut-il vraiment le maîtriser ou son influence est-elle trop forte ?

Tout dépendra de son audience. Tant qu’il reste rentable, M6 tolérera ses excès comme ce fut le cas avec d’autres personnalités polémiques, à l’image de Stéphane Plaza, que la chaîne a tardé à lâcher malgré les accusations de violences conjugales dont il faisait l’objet. Hanouna a compris que les sanctions et controverses n’affectaient pas son attractivité pour les grands groupes audiovisuels. C’est une logique purement économique : les chaînes ne recherchent pas la neutralité, elles veulent de l’audience.

Au lendemain de vos enquêtes, Paris Match a publié une Une sur la relation entre Hanouna et Tiphaine Auzière, la fille de l’épouse du Président Brigitte Macron. Voyez-vous cela comme un contre-feu ?

C’est évidemment très opportun. Paris Match est un média où Mimi Marchand, figure clé de la presse people et proche d’Hanouna, a une grande influence. Notre enquête révèle justement le rôle de Mimi Marchand dans la gestion de l’image d’Hanouna. La Une qui met en avant sa relation avec la belle-fille du président sort donc à un moment stratégique : elle détourne l’attention de nos révélations sur ses méthodes et son entourage. On a clairement l’impression d’une opération de communication orchestrée pour minimiser l’impact de nos enquêtes.

Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !

C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. Et c’est ce que nous faisons chaque jour dans l’Humanité.

Face aux attaques incessantes des racistes et des porteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons entendre une autre voix dans ce débat public toujours plus nauséabond.
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