Coup de téléphone, visite prochaine de Darmanin à Alger… Après des mois de tension, Macron et Tebboune tentent de calmer le jeu entre la France et l’Algérie
Les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ont subi fissures sur fissures en l’espace de quelques mois. Du Sahara occidental à la détention de l’écrivain Boualem Sansal, en passant par les attaques incessantes de la droite et de l’extrême droite française, Paris et Alger se sont retrouvés au centre d’une tempête politique qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis juillet 2024.
Les présidents français et algérien, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont cependant décidé de renouer le dialogue et de calmer les ardeurs. Les deux dirigeants se sont ainsi entretenus par téléphone après des mois de silence, lundi 31 mars. « Les deux présidents ont eu un long échange franc et amical sur l’état de la relation bilatérale et sur les tensions qui se sont accumulées ces derniers mois », résume un communiqué de l’Élysée, transmis à l’issue de l’échange.
Une crise entretenue par Bruno Retailleau
Le dénouement d’un conflit ravivé par la décision française de reconnaître officiellement – au travers d’une lettre envoyée par Emmanuel Macron au roi Mohammed VI – la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, ancien territoire espagnol qui se trouve au centre d’une lutte décoloniale depuis près de cinquante ans. En réaction, Alger avait rappelé son ambassadeur à Paris, Saïd Moussi, et avait annulé une visite d’Abdelmadjid Tebboune prévue en septembre. S’en est suivie une détérioration des relations diplomatiques entre Alger et Paris, avant que cette dernière prenne une nouvelle dimension avec l’arrestation, le 16 novembre 2024, de l’auteur Boualem Sansal, à la sortie de son avion en direction de la capitale algérienne.
En cause, selon les explications d’Alger : un entretien (datant d’octobre) avec le magazine d’extrême droite Frontières – dont il est un membre du comité éditorial -, au cours duquel l’écrivain affirme que l’ouest de l’Algérie appartiendrait au Maroc. L’arrestation est légitimement contestée mais aussi instrumentalisée par la droite, puis par l’extrême droite, tandis que les tensions s’avivent lorsque le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau enchaîne les attaques – islamophobes et néocoloniales – envers l’Algérie, sous prétexte de lutter contre l’immigration.
Le locataire de Place Beauvau n’hésite alors pas à communiquer sur l’arrestation d’influenceurs algériens, comme sur sa politique répressive envers les personnes visées par une obligation de quitter le territoire (OQTF). La crise atteint son paroxysme avec l’attentat de Mulhouse, à l’origine un mort le 22 février, commis par un civil de nationalité algérienne, qui avait fait l’objet de plusieurs demandes de réadmission, toutes refusées par l’Algérie. De quoi justifier, selon Bruno Retailleau et l’extrême droite, une politique toujours plus ferme, comme l’abrogation de l’accord franco-algérien de 1968.
« Le président de la République a réitéré sa confiance »
Avec leur appel, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron veulent donc reprendre en main le récit. Paris et Alger ont multiplié les annonces afin d’afficher une supposée bonne entente entre les deux dirigeants. « Ils se sont accordés sur le fait qu’une coopération migratoire confiante, fluide et efficace », annonce par exemple le texte. De même, « le président de la République a réitéré sa confiance dans la clairvoyance du président Tebboune et appelé à un geste de clémence et d’humanité à l’égard de M. Boualem Sansal, à raison de l’âge et de l’état de santé de l’écrivain », annonce l’Élysée. Aucune précision n’a été depuis ajoutée sur le sort de l’auteur condamné à cinq ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende (près de 3 500 euros).
« Afin de donner rapidement à la relation entre la France et l’Algérie l’ambition que les deux chefs d’État souhaitent lui conférer, le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Noël Barrot, se rendra à Alger le 6 avril à l’invitation de son homologue algérien M. Ahmed Attaf », poursuit le texte. Ce dernier annonce aussi que le garde des Sceaux français, Gérald Darmanin, doit se rendre prochainement à Alger au nom de la « coopération judiciaire ».
Les deux présidents ont ensuite marqué leur volonté de « poursuivre et finaliser le travail de mémoire » sur la colonisation de l’Algérie par la France (1830-1962) et la lutte d’indépendance (1954-1962) qui en a découlé. Le théâtre de nombreuses exactions et crimes de guerre commis par l’armée française, et dont le spectre continue de peser, comme l’illustrent les attaques qui ont visé le journaliste Jean-Michel Apathie… qui a simplement rappelé sur RTL, le 25 février dernier, des faits historiques, à savoir que la France avait « fait des centaines » d’Oradour-sur-Glane en Algérie.
La commission mixte d’historiens mise en place par les deux capitales, qui était à l’arrêt depuis plusieurs mois, va reprendre « sans délai » ses travaux afin de remettre des « propositions concrètes » aux deux chefs d’État « avant l’été 2025 ». Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont enfin arrêté de leur côté « le principe d’une rencontre prochaine », sans plus de précisions. Le tout afin de « développer la coopération économique » entre les deux pays.
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