Malgré son poids dans un bras de fer qu’elle aurait pu assumer, l’Union européenne (UE) s’est pliée aux exigences des États-Unis. L’accord douanier révélé, grands sourires, par Donald Trump et Ursula von der Leyen tourne à l’avantage de la Maison Blanche, laissant Bruxelles accuser le coup d’un conflit commercial qu’elle a voulu éviter. Comme un symbole, le président républicain – malgré sa venue en Écosse – se trouvait à domicile, la rencontre s’étant déroulée dans son complexe de golf situé à Turnberry.
La présidente de la Commission souhaitait éviter les 30 % de douanes qui menaçaient les Vingt-Sept dès le 1er août, faute d’accord. Elle repartira avec des droits de douane de 15 % sur les produits européens importés dans l’autre côté de l’Atlantique. L’acier et l’aluminium européens restent quant à eux frappés au niveau actuel de 50 %, tandis que le secteur automobile s’en sort avec une baisse de 25 à 15 %.
Le « plus grand deal jamais passé »
L’UE s’est aussi engagée à dépenser 750 milliards de dollars dans l’achat d’énergie. Un contresens écologique, alors que les États-Unis produisent pétrole, gaz liquéfié et gaz de schiste. L’Union européenne a, enfin, promis d’investir 600 milliards supplémentaires – soit trois fois le montant de l’excédent commercial bilatéral de 2024 – aux États-Unis.
Donald Trump ne s’y est pas trompé. S’il reste fidèle à sa communication grandiloquente en parlant de « plus grand deal jamais passé », l’ex-homme d’affaires ressort légitimé de son coup de force entrepris quelques mois plus tôt. Il a, comme promis lors des élections présidentielles, lancé sa guerre commerciale mondiale et fait plier ses interlocuteurs. Ursula von der Leyen, elle, se fend ainsi d’un simple « bon accord ».
« Nous préférons la stabilité à l’imprévisibilité totale », a justifié le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, dans l’avion reliant Bruxelles à Glasgow, rapporte ainsi le Monde. « Un moment de soulagement, mais pas de célébration », a appuyé le premier ministre belge, Bart De Wever. Le chancelier allemand, Friedrich Merz, et la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, ont quant à eux salué la signature d’un accord. Côté français, le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad a estimé, lundi 28 juillet, que, si l’accord pourrait apporter une « stabilité temporaire », ce dernier reste « déséquilibré ».
« C’est une déroute auto-infligée »
L’économiste Gabriel Zucman est bien plus dubitatif. Sur son compte X, l’enseignant à l’École d’économie de Paris estime que « l’UE capitule en rase campagne » face aux États-Unis. « Du point de vue de Trump c’est une victoire considérable, ajoute-t-il. Au total, les tarifs américains vont rapporter aux USA de l’ordre de 1 % du PIB par an, $3,6 trillions sur dix ans – de quoi effacer une grande partie du coût de ses baisses d’impôt. Pour l’UE, c’est une déroute auto-infligée. »
Loin d’être en position de faiblesse, l’Union européenne aurait pu, selon l’économiste, « dissuader Trump avec des contre-mesures d’ampleur ». L’universitaire pointe notamment un levier d’ampleur : « Cibler les représailles sur les oligarques américains. » D’Elon Musk (Tesla, SpaceX) à Jeff Bezos (Amazon), en passant par Mark Zuckerberg (Meta), la troupe de multimilliardaires s’étant rangés derrière le président des États-Unis aurait fait figure de cibles parfaites.
« On sait comment le faire : avec des taxes numériques, mécanisme déjà en place et qu’il aurait suffi de décupler, explique Gabriel Zucman. Mais il faut aller plus loin en frappant les milliardaires eux-mêmes au portefeuille. » Toujours en France, le chef de file de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a fustigé une Europe ayant « tout cédé à Trump ». Selon le multiple candidat à la présidence de la République française, « le libéralisme, la concurrence libre et non faussée et autres règles du Traité de Lisbonne sont une mauvaise blague ».
L’eurodéputé PS Pierre Jouvet voit en cet accord une « vassalisation » de l’UE. « Se satisfaire d’avoir écopé de “seulement” 15 % de droits de douane ? Mais ce sont nos emplois, nos productions et l’environnement qu’Ursula von der Leyen a sacrifié en promettant 600 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis et l’achat de gaz naturel liquéfié », dénonce-t-il. Un accord qui renforce Donald Trump dans sa croisade économique, alors que son véritable objectif reste la Chine.
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