Guerre en Ukraine : après la «trahison» des États-Unis, Édouard Philippe estime qu’il faut «une initiative européenne sur le terrain»

Pour Édouard Philippe, «l’épisode qui s’est passé dans le bureau du président des États-Unis avec le président Zelensky était une embuscade», et la décision américaine de suspendre son aide à l’Ukraine «une trahison». L’ancien premier ministre, invité de France Inter, estime que l’on «n’est pas loin d’un effondrement des bases sur lesquelles l’ordre du monde est fondé depuis 1945». «Le multilatéralisme était la façon de régler les conflits, l’alliance atlantique garantissait la paix, avec des moments de tension certes…Mais aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il reste de l’alliance transatlantique.»

Le candidat à l’élection présidentielle de 2027 décrit une Europe «confrontée à elle-même», ce qui n’est, pour les Français, «pas un effondrement intellectuel» puisque les présidents insistent depuis des années sur l’importance d’une souveraineté économique et politique. En revanche, selon lui, le retrait américain qui se profile est un bouleversement pour beaucoup d’autres Européens, parmi lesquels les Polonais, les Allemands et les Danois. «Pour eux, le parapluie américain était la garantie de sécurité depuis 1989. C’est donc une rupture complète du système politique de sécurité et de défense.» 

Pour qualifier la situation qui se présente à l’Ukraine, alors que les États-Unis font pression pour que soit signé un accord de paix rapide, Philippe propose une double analogie historique : «On oscille entre Munich et Suez : la mauvaise paix qui ne préservera rien et qui est une honte (les accords conclus à Munich en 1938 entre l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie, NDLR) et l’action qui traduit l’impuissance, c’est-à-dire l’opération militaire franco-britannique de Suez en 1956.»

Le déblocage des actifs russes gelés et l’usage des crédits européens non dépensés

Interrogé par les journalistes sur les leviers financiers existants pour aider l’Ukraine, l’homme politique suggère le déblocage des actifs russes gelés, la dépense de crédits européens restants ou l’utilisation de la Bird (la banque internationale de reconstruction et de développement). «J’aimerais que quelques États européens achètent des armes européennes plutôt que des produits issus des États-Unis», ajoute-t-il. C’est notamment le cas de l’Allemagne, jusqu’à maintenant. Interrogé sur les propos d’Emmanuel Macron qui envisage d’augmenter les dépenses militaires de la France de 2,1% à 5%, Édouard Philippe admet qu’il faut «consacrer plus de moyens à notre défense». Et disserter sur le chiffre relève, selon lui, d’un «fétichisme des chiffres» peu à propos.

Alors qu’Emmanuel Macron a provoqué une bronca à l’extrême gauche et à l’extrême droite, en évoquant la possibilité d’une «dissuasion nucléaire européenne», Édouard Philippe estime que «le débat n’a pas de sens». «Depuis 1962, moment où le général de Gaulle a exprimé la doctrine, rien n’a changé. L’arme nucléaire, c’est un outil français : conception, mise en œuvre, décision française autonome. Cela nous garantit un niveau de sécurité auquel nos amis européens n’ont pas accès.» Cela n’empêche pas, néanmoins, de repenser «l’architecture européenne de défense», au moment où l’OTAN n’est plus un outil défensif sur.

Si nous continuons à dire : notre sécurité est en jeu, mais que nous n’en tirons aucune conséquence sur le terrain, Poutine verra que nous sommes de vieux chats castrés qui ronronnent au fond du bois et ne sont pas prêts à bouger

Édouard Philippe, maire du Havre et candidat à la présidentielle de 2027

L’ancien premier ministre appelle à «la création d’une initiative européenne sur le terrain» face à la menace russe, qui pèse en priorité sur la Moldavie ou les États Baltes. «Si nous continuons à dire : notre sécurité est en jeu mais que nous n’en tirons aucune conséquence sur le terrain, Poutine verra que nous sommes de vieux chats castrés qui ronronnent au fond du bois et ne sont pas prêts à bouger». Deux options existent, selon lui : «Soit, on envoie des troupes pour se battre. Personne ne le souhaite. Soit, on envoie des troupes pour installer des garanties de sécurité.» Pour Édouard Philippe, «il faut être capable de trancher car Poutine ne nous écoute pas mais il nous regarde».