Election présidentielle en Pologne : qui est Karol Nawrocki, le nationaliste et conservateur qui a remporté la victoire ?
Un revers pour la coalition centriste au pouvoir en Pologne et une revanche pour le parti conservateur Droit et justice (PiS). Le candidat qu'il a soutenu, Karol Nawrocki, a été élu de justesse président de la Pologne. Il a recueilli 50,89% des voix, dimanche 1er juin, contre 49,11% pour le candidat proeuropéen Rafal Trzaskowski, d'après les résultats officiels. En fin de matinée lundi, le maire de Varsovie, soutenu par la coalition du Premier ministre Donald Tusk, qui était arrivé légèrement en tête au premier tour, a reconnu sa défaite au second tour.
"Félicitations au vainqueur", a clamé le président conservateur sortant, Andrzej Duda, après dix ans passés à la tête de l'Etat. Sur le réseau social X, il a également remercié les Polonais pour leur mobilisation à l'occasion de cette élection présidentielle : la participation s'est en effet élevée à 71,63%.
Ancien historien, fervent soutien de Donald Trump... Franceinfo revient sur le parcours du nouveau président de la Pologne, un relatif novice en politique arrivé à la fonction suprême à l'âge de 42 ans.
Il est diplômé en histoire et a dirigé des musées
Karol Nawrocki est né à Gdansk, une ville portuaire du nord du pays. Il grandit dans un milieu modeste, pratique le football et la boxe en parallèle de petits boulots, relate Le Monde. "Je vis humblement et avec dignité, mais toujours avec la Pologne dans le cœur", avait-il assuré après avoir été désigné par Droit et justice pour briguer la présidence.
Diplômé d'un doctorat en histoire, puis d'un MBA, il travaille ensuite sur le syndicat Solidarnosc, note le quotidien. L'historien poursuit ses recherches sur l'opposition anticommuniste en Pologne, le crime organisé à l'époque communiste, mais également l'histoire du sport. De 2017 à 2021, il dirige le Musée de la Seconde Guerre mondiale de Gdansk, avant de prendre la tête de l'Institut de la mémoire nationale (IPN), chargé d'enquêter sur les crimes nazis et communistes.
L'établissement, note Le Monde, est un lieu important de la volonté de réécriture mémorielle du mouvement nationaliste Droit et justice. Karol Nawrocki mène également des démarches pour déboulonner des monuments de l'ère soviétique en Pologne – des efforts qui poussent Moscou à l'inscrire sur sa liste de personnes recherchées.
Sa campagne a été entachée de scandales
Au fil de sa campagne présidentielle, plusieurs scandales sont venus ternir l'image de ce père de deux enfants. Des médias ont révélé que le candidat, qui avait assuré n'avoir qu'"un seul appartement" comme "les Polonais ordinaires", était en fait le propriétaire d'un deuxième bien acquis dans des conditions opaques auprès d'un homme âgé, rapporte Politico. Autre révélation : son implication dans l'arrivée de travailleuses du sexe dans un hôtel proche de Gdansk, à un moment où il y travaillait. Le candidat nationaliste a nié en bloc, fustigeant un "tas de mensonges". Le site Onet, à l'origine de cette enquête, a maintenu la véracité de ces allégations, précise Le Monde.
Selon plusieurs médias, Karol Nawrocki a également menti sur un livre écrit sous pseudonyme, et consacré à un gangster de l'ère communiste, Nikodem Skotarczak. En 2018, un certain Tadeusz Batyr se présente à la télévision comme l'auteur de l'ouvrage. Le visage flouté et la voix modifiée, il dit alors que l'historien l'a inspiré pour cette œuvre. Karol Nawrocki confirme sur les réseaux sociaux, affirmant que l'écrivain l'a sollicité pour des conseils. En réalité, Batyr et Nawrocki ne sont qu'une seule et même personne.
A cela s'ajoutent des révélations pour le moins compromettantes sur des connaissances de Karol Nawrocki. Le Polonais est repéré aux côtés du combattant de MMA Patryk Matysiak, qui selon Le Monde a été condamné pour enlèvement et est accusé de proxénétisme. "Une connaissance des salles de musculation", répond le conservateur. D'autres informations circulent, comme des liens avec des mafieux de sa région natale ou avec un néonazi condamné. Karol Nawrocki a également participé à une rixe entre hooligans en 2009, rapporte le quotidien. Un "combat noble et viril", selon le nouveau président.
Il admire Donald Trump et critique l'UE
Conservateur, Karol Nawrocki s'inscrit dans la lignée d'Andrzej Duda et promet de faire barrage à toute tentative de libéralisation du droit à l'avortement en Pologne. Il disposera en effet d'un veto présidentiel lui permettant de bloquer toute proposition de loi allant dans ce sens, dans un pays où la loi est l'une des plus restrictives d'Europe en matière d'IVG.
Karol Nawrocki tient aussi une ligne dure en matière d'immigration, prônant des contrôles à la frontière avec l'Allemagne et moins de droits pour les réfugiés ukrainiens en Pologne. Comme son rival centriste Rafal Trzaskowski, il a proposé de limiter l'accès aux allocations familiales aux réfugiés travaillant et payant des impôts en Pologne. Autre proposition de l'élu nationaliste : donner la priorité aux Polonais en cas d'attente dans les centres de soins, une illustration de son slogan "La Pologne d'abord, les Polonais d'abord".
Critique de l'Union européenne, Karol Nawrocki l'est également de plus en plus à l'égard de l'Ukraine. Le futur chef des armées promet de soutenir Kiev face aux forces russes, mais il dénonce "l'ingratitude" de l'Ukraine après trois années de soutien sans faille de Varsovie. Il s'est d'ailleurs prononcé contre l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et à l'UE, rapporte Euractiv. Plus récemment, il a signé plusieurs engagements proposés par Slawomir Mentzen, candidat d'extrême droite arrivé troisième au premier tour.
Karol Nawrocki est aussi un fervent soutien du président américain Donald Trump. Les deux hommes ont d'ailleurs échangé début mai à la Maison Blanche. "Le président Trump m'a dit : 'Vous allez gagner'", a affirmé le Polonais en interview. A l'approche du second tour, la ministre américaine de la Sécurité intérieure, Kristi Noem, avait officiellement apporté son soutien au candidat conservateur lors d'un rassemblement en Pologne. "Il faut qu'il soit le prochain président", avait-elle déclaré.