"HelloQuitteX", le collectif qui veut favoriser un exode massif du réseau X d'Elon Musk
Faut-il s’attendre à un départ massif d’utilisateurs français de X le 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump ? C’est la date symbolique qui a été choisie par le collectif HelloQuitteX pour appeler les utilisateurs français, et en particulier les institutions, les politiques et les médias, à quitter le réseau social autrefois connu sous le nom de Twitter et devenu propriété d’Elon Musk en 2022.
Les annonces de départ du réseau social créé en 2006 se multiplient depuis plusieurs semaines. La Mairie de Paris, l’Institut Pasteur, la Ligue des droits de l'Homme, Emmaüs France ou encore La Voix du Nord ont ainsi communiqué sur leur départ de X cette semaine. Ils ont suivi l’exemple de Greenpeace France, de la CFDT, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris – qui regroupe 38 hôpitaux parisiens –, du Mémorial de Caen, de plusieurs universités et grandes écoles comme Polytechnique, des médias Ouest France et Mediapart ou encore de personnalités politiques comme Yannick Jadot.
En Europe, plus de soixante universités allemandes et autrichiennes ont annoncé le 10 janvier leur retrait, s'inquiétant des dérives antidémocratiques de X. Le gouvernement allemand a déclaré évaluer s'il doit supprimer sa présence de la plateforme. Et des grands médias internationaux, comme The Guardian au Royaume-Uni, ont annoncé leur départ.
"Nous sommes de plus en plus nombreux à faire le constat que X est devenu dangereux pour les démocraties en raison de son algorithme qui fait remonter les contenus haineux et de son absence de modération. En rachetant Twitter, Elon Musk avait un objectif politique. Il a pu influencer le cours de l’élection présidentielle américaine et on voit qu’il s’attaque désormais à l’Europe", souligne David Chavalarias, l’un des fondateurs de HelloQuitteX et mathématicien au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), auteur du livre "Toxic Data. Comment les réseaux manipulent des opinions" (éd. Flammarion, 2022).
Le milliardaire américain, par ailleurs propriétaire de Tesla et SpaceX, a ainsi attaqué le chancelier allemand Olaf Scholz et appelé les Allemands à voter pour le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) aux prochaines élections après s’être entretenu en direct sur sa plateforme, le 9 janvier, avec la cheffe de cette formation, Alice Weidel. Il s’en est également pris de façon diffamatoire au Premier ministre britannique Keir Starmer, l’accusant fin décembre d’avoir été le "complice" de réseaux pédocriminels.
Des utilisateurs "prisonniers de leur audience"
"Beaucoup de gens aimeraient quitter X mais ne le font pas car ils sont prisonniers de leur audience, estime David Chavalarias. Ils n'arrivent pas à se décider à partir, de peur de perdre leurs sources ou leur public. On est sur un réseau social parce que les autres y sont, par convention. C’est pourquoi nous disons qu’il faut changer de convention et réussir à créer une masse critique sur d’autres réseaux sociaux, comme Bluesky ou Mastodon."
L’application HelloQuitteX créée par le collectif et hébergée par le CNRS sert justement de passerelle entre X et ces autres réseaux sociaux en permettant aux utilisateurs de retrouver leurs contacts et de retisser leurs liens sociaux. Pour cela, ils doivent récupérer leurs archives personnelles sur X et les télécharger sur le site de HelloQuitteX. Le CNRS s'engage à supprimer toutes ces données par la suite.
Plus de 10 millions de relations ont été importées dans le système depuis son lancement fin novembre, selon le mathématicien, qui note une accélération ces derniers jours. Les messages automatiques publiés sur X – "Je viens de faire mon #eXit" – se font ainsi de plus en plus visibles.
Du côté des politiques français, le débat agite la gauche. La députée écologiste Sandrine Rousseau a appelé le 12 janvier ses collègues du Nouveau Front populaire à quitter X "de manière collective". "X est devenue une véritable machine de désinformation" et "la caisse de résonance des courants d'extrême droite", fustige-t-elle dans un courrier adressé aux 191 autres députés NFP et publié sur X.
"Rester sur X, c'est en partie cautionner ce que la plateforme est devenue sous Elon Musk", argumente-t-elle encore, en mettant en avant, à l’image du collectif HelloQuitteX, la nécessité d'agir "de manière coordonnée" pour avoir un "impact".
Certains de ses collègues avaient déjà pris leur décision, comme le sénateur écologiste Yannick Jadot ou la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain. D’autres y réfléchissent, mais n’ont pas encore franchi le pas.
"On doit tous quitter X"
La patronne du parti Les Écologistes, Marine Tondelier, a ainsi reconnu qu'un départ groupé du NFP aurait "de l'impact", sans pour autant prendre pour l’heure la décision de quitter X. "C’est notre outil de travail. Ce n’est pas moi toute seule. On doit tous quitter Twitter", a-t-elle justifié sur RTL, tout en soulignant que le réseau social X devrait être "interdit en Europe" selon elle.
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a reconnu pour sa part qu'il se posait la question. Et du côté de La France insoumise, l'idée d'un retrait n'est pas évoquée, Jean-Luc Mélenchon se félicitant de la caisse de résonance que représente X, où il compte près de 3 millions d'abonnés.
À droite et à l'extrême droite, le débat n'existe pas. Pour rendre hommage à son père, Jean-Marie Le Pen, mort le 7 janvier, c’est sur X que Marine Le Pen a publié un message très personnel.
Enfin, bien qu’Emmanuel Macron ait critiqué le 6 janvier devant les ambassadeurs et ambassadrices de France la création par Elon Musk d’une "nouvelle internationale réactionnaire", ni l’Élysée, ni le gouvernement n’ont pris de position en la matière.
"On voit que le débat s’internationalise et même les responsables de droite doivent se poser la question de quitter X. Il faut choisir d’être présent sur tel ou tel réseau social en fonction des valeurs portées par chaque réseau. Si vous acceptez d’aller sur un réseau qui défend le harcèlement, c’est que vous défendez ces valeurs. Aux États-Unis, le Parti républicain a été totalement trumpisé pour finir à l’extrême droite. Est-ce que les partis de droite en Europe veulent connaître le même destin ?", interroge David Chavalarias.
Un coup de pouce pourrait arriver dans les mois prochains de Bruxelles. La Commission européenne a annoncé, vendredi 17 janvier, de nouvelles mesures techniques dans son enquête sur le réseau social, soupçonné de répandre de fausses informations et de manipuler le débat public en Europe. Une suspension temporaire de X dans l'Union européenne, comme évoquée par l'ancien commissaire européen Thierry Breton, ennemi déclaré d'Elon Musk, serait possible au regard de la règlementation européenne, selon des experts interrogés par l'AFP.