« Ils ne s’arrêteront pas là » : l’arrestation de quatorze ouvriers immigrés par l’administration Trump ravive le spectre de la répression syndicale

Le bus qui transportait une dizaine d’ouvriers agricoles, employés par Lynn-Ette & Sons Farms, réalisait son trajet habituel vers les locaux de l’entreprise située à Kent, dans l’État de New York. Tout a changé durant la matinée du vendredi 2 mai. À proximité de la municipalité d’Albion, le véhicule est arrêté par plusieurs voitures banalisées. À leurs bords se trouvent des agents de l’United States immigration and customs enforcement (ICE), l’agence fédérale chargée de réprimer les individus issus de l’immigration. Ces derniers étaient habillés en civil, avec des gilets pare-balles siglés d’un patch « police ».

Depuis le retour de Donald Trump à la tête de la Maison Blanche, l’ICE est devenu le réceptacle de sa politique raciste, entre restrictions des droits pour les citoyens considérés comme étant à la marge (issus de l’immigration, de confession musulmane, etc.) et multiplication des condamnations et des déportations arbitraires. Les passagers de ce bus, pour la plupart des travailleurs et travailleuses originaires du Mexique et du Guatemala, en sont les nouvelles victimes.

« Ils avaient la liste des travailleurs présents dans le bus »

Quatorze d’entre eux ont ainsi été arrêtés, sans qu’un motif précis ne soit avancé – leur situation administrative est en règle. Certains ouvriers et ouvrières concernés travaillent pour Lynn-Ette & Sons Farms depuis plusieurs décennies. Surtout, cette opération – de par sa faible ampleur – ne s’inscrit pas dans une vague d’arrestations à grande échelle, dont l’administration Trump s’est faîte une spécialité.

« Au début, nous pensions qu’ils exécutaient un arrêté d’expulsion, qu’ils recherchaient une personne et que tous les autres étaient impliqués, résume l’une des personnes au courant de la descente au média indépendant The Intercept. Mais c’était étrange, car ils avaient, en fait, la liste de la plupart des travailleurs présents dans le bus. » Le point commun entre tous ces profils est à trouver du côté du syndicalisme.

Les quatorze ouvriers concernés ont participé à des campagnes de l’United Farm Workers (UFW), afin que les droits des travailleurs de Lynn-Ette & Sons Farms soient préservés. L’entreprise états-unienne tente de contourner la loi de 2019 sur le travail agricole dans l’État de New York, qui garantit le droit de syndicalisation pour les travailleurs – permanents comme saisonniers. Lynn-Ette & Sons Farms affirme cependant n’avoir eu aucun contact avec l’ICE et nie donc toute implication dans l’arrestation de ses employés. « Nous sommes profondément préoccupés par la manière dont cette mesure coercitive a été menée et par son impact sur notre équipe et leurs familles, a réagi l’entreprise dans un communiqué publié sur le site d’informations local Orleanshub. Lynn-Ette & Sons n’avait aucune connaissance préalable de cette perquisition. »

L’entreprise réfute en outre le lien des quatorze salariés arrêtés avec l’UFW. « Aucune des personnes détenues ne faisait partie de l’unité de négociation impliquée dans les activités syndicales en cours sur notre ferme. Insinuer le contraire est non seulement trompeur, mais politise de manière irresponsable une situation douloureuse et personnelle pour les travailleurs et leurs proches », critique Lynn-Ette & Sons Farms. Elizabeth Strater, directrice des campagnes stratégiques de l’UFW, affirme quant à elle le contraire. « Plusieurs des travailleurs arrêtés vendredi ont participé activement aux efforts de syndicalisation des employés permanents, dont au moins un qui s’est exprimé publiquement en faveur de l’adhésion aux United Farm Workers of America », a-t-elle annoncé à The Intercept.

L’entreprise et le syndicat sont au centre d’une bataille longue de plusieurs années. Le directeur, Darren Roberts, est par exemple accusé d’avoir chassé un membre de l’UFW d’une exploitation agricole et réprimandé un employé avec lequel il s’entretenait en 2023, selon une plainte pour pratique déloyale de travail déposée par le syndicat. Des membres de l’UFW se sont ainsi rassemblés avec plusieurs dizaines de soutiens – comme le Parti pour le socialisme et la libération -, lundi 5 mai, devant le centre de détention fédéral de Batavia, à New York.

Les manifestants ont intimé les autorités à respecter les droits des quatorze ouvriers incarcérés, dont un est enfermé à Batavia. « Nous sommes ici aujourd’hui parce que ce qui se passe dans ce pays est inacceptable. C’est tout simplement inacceptable, a fustigé Lou Laport, l’un des participants au rassemblement, auprès de la chaîne de télévision WKBW 7 news (groupe ABC). Sans procédure régulière et sans sécurité, personne ne sera en sécurité. Ils ne s’arrêteront pas là. » Si deux travailleuses sont quant à elle incarcérées à la prison du comté de Niagara, la localisation des onze autres ouvriers reste, pour l’heure, inconnue.

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