Droits de douane : "La perte du marché européen est un enjeu considérable pour les producteurs américains", assure un spécialiste du commerce international

"Il faut que l'UE soit unie", préconise Antoine Bouët, professeur à l'université de Bordeaux et directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), depuis que Donald Trump a annoncé, samedi 1er février, augmenter les frais de douane de 25% pour le Canada et le Mexique et de 10% pour la Chine. Le président américain a dit vouloir aussi viser l'Europe qui, selon lui, traite les États-Unis de façon "très injuste". Donald Trump remet en cause notamment l'impôt européen sur les sociétés et la TVA à 20%, qui n'existe pas aux États-Unis, mais qui s'appliquent aux importations américaines en Europe.

"Il faudrait que les Européens annoncent de leur côté aussi des représailles commerciales, mais j'ai l'impression que c'est le cas", poursuit Antoine Bouët en évoquant le porte-parole de la Commission européenne qui a parlé de "fermeté" et qui a déjà établi une liste de produits américains qui pourraient être visés par des représailles. Il s'agirait néanmoins, selon le chercheur, "d'une approche différente de celle du Canada". Si le Canada a répliqué dimanche par une hausse de taxation similaire sur "155 milliards de dollars de marchandise américaine", ce pays et le Mexique sont relativement dépendants et dans un rapport de force inégal avec les États-Unis. L'Europe, elle, est un marché bien plus grand, avec "un revenu par tête qui est important", donc "la perte du marché européen est un enjeu considérable pour les producteurs américains", affirme Antoine Bouët.

L'économie américaine touchée "par plusieurs points de PIB"

Si, seuls, "7 à 8% des exportations françaises vont vers les États-Unis", rappelle le chercheur, la France pourrait souffrir dans ses filières du luxe, des vins et spiritueux, de la chimie et de la pharmacie. Le chercheur appelle donc à une négociation "ferme" "pour arriver à ce que [les Américains] ne mettent pas en place leurs droits de douane" tout en préconisant au long terme "à diversifier nos exportations et moins dépendre des États-Unis".

Alors que le Wall Street Journal a critiqué la volonté de Donald Trump de renflouer les caisses et de recréer des emplois en parlant de "guerre commerciale la plus stupide de l'histoire", Antoine Bouët estime aussi que le président américain va passer à côté de ses objectifs. "La guerre commerciale qu'il avait déjà lancée en 2018-2019 (...) n'avait pas créé d'emploi et n'avait pas contribué à réduire le déficit extérieur américain, qui avait au contraire augmenté", rappelle-t-il. Et selon lui, "l'économie américaine va être touchée, et par plusieurs points de PIB".