Qu’est-ce que les droits de douane réciproques, cette nouvelle arme que Donald Trump va dégainer ?

Vers une nouvelle étape de la guerre commerciale que souhaite mener le président américain. Ce jeudi, Donald Trump a indiqué qu’il allait signer son décret imposant des droits de douane réciproques. «Trois semaines superbes, peut-être les meilleurs de tous les temps, mais c’est aujourd’hui la plus grande : les droits de douane réciproques !!», a ainsi écrit le républicain, promettant une fois de plus de rendre à l’Amérique sa «grandeur».

Cette menace, brandie à maintes reprises par l’occupant du bureau ovale, risque d’entraîner une avalanche de réactions lourdes de conséquences pour le commerce mondial. De quoi inquiéter les autorités, tout autour du globe, et porter un coup sévère à certaines économies qui imposent elles-mêmes des droits de douane élevés. Mais comment fonctionne exactement cet outil ?

Que signifient des «droits de douane réciproques» ?

L'idée n'est pas nouvelle chez Donald Trump, qui y avait déjà fait rapidement allusion durant sa campagne, en reprenant la loi du Talion pour la réadapter à sa manière : «Œil pour œil, droit de douane pour droit de douane, exactement le même montant». Il a réitéré l'idée ce dimanche, la résumant en quelque chose de «très simple : s'ils nous font payer, on les fait payer». De son point de vue, il n'y a aucune raison qu'un pays étranger taxe les produits américains à un niveau supérieur à celui auquel les produits de ce pays sont taxés en entrant aux États-Unis.

Interrogé sur CNBC, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Hesset, a confirmé l'idée, soulignant que «si on nous taxe à 20%, on devrait pouvoir le faire, et si les droits de douane baissent, nous les baissons». Mercredi soir, le président américain a noté qu’à ses yeux, «le monde abuse des États-Unis depuis des années, ils nous imposent des droits de douane massifs alors que nous ne le faisons pas».

Quels pays seraient concernés ?

Tout dépend de la manière dont le gouvernement américain conçoit son principe de réciprocité car les données peuvent varier d'une source à l'autre. Mais les pays émergents taxent plus que les économies développées. Selon Kevin Hesset, «le Canada et le Mexique sont au même niveau que nous, du fait de notre accord de libre-échange, de même que le Royaume-Uni. L'Union européenne est 2 à 3 points de pourcentage (pdp) plus haut, Taïwan 10 ou 11 pdp, et l'Inde en moyenne 20 pdp au-dessus». Mais selon les données de la Banque mondiale, les États-Unis appliquaient en réalité en moyenne des droits de douane supérieurs à ceux imposés par les pays européens (2,72% contre 1,95%) alors que l'Inde applique un taux moyen de 14,26%, le Brésil à 12,38% et la Chine à 6,54%.

En prenant plus particulièrement en compte les échanges commerciaux entre les États-Unis et ses principaux partenaires, le rapport annuel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pointe que, si l'UE taxe légèrement plus les produits américains que les États-Unis vis-à-vis des produits européens (4,5% contre 3,9%), une part plus importante des exportations américaines en Europe y entre sans taxes que l'inverse. Ramenés au volume échangé, les droits de douane américains sont ainsi plus élevés que ceux de l'UE (1,4% contre 0,9%).

Reste une inconnue : ce que le gouvernement américain considérerait comme un «droit de douane». Donald Trump s'est ainsi plaint régulièrement de la TVA appliquée en Europe, généralement plus élevée qu'aux États-Unis, et qu'il assimile à un droit de douane. Le président américain pourrait aussi «chercher à éliminer les barrières non tarifaires», souligne Goldman Sachs, comme des normes différentes à celles existant aux États-Unis ou des restrictions aux importations, telles que celles touchant le bœuf aux hormones américain vers l'Europe.

Quel est l'objectif ?

Le but est «de créer de l'incertitude pour en faire une tactique de négociation. Mais l'incertitude est une forme d'impôt sur les sociétés», dit à l'AFP Jeffrey Schott, chercheur au centre de réflexion Peterson Institute for International Economics. Il s'agirait dès lors d'utiliser, une fois de plus, les droits de douane pour obtenir d'autres avancées que Donald Trump estime bénéfiques pour son pays, tel qu'inciter les pays européens à ne pas se positionner sur les ressources minières présentes en Ukraine, ou les pousser à acheter plus de gaz naturel liquéfié américain.

Reste à déterminer dans quelle mesure il s'agit d'une finalité ou d'un point de départ. Durant sa campagne, Donald Trump a en effet défendu à de multiples reprises l'idée d'imposer à terme entre 10 et 20% de droits de douane sur l'ensemble des produits entrants aux États-Unis, soit un niveau bien supérieur à ce qu'entraîneraient des droits de douane réciproques.