Budget 2026 : "Le 'quoiqu’il en coûte' a duré véritablement trop longtemps", juge Stéphanie Villers, économiste

Suppression de deux jours fériés, année blanche, gel des prestations sociales, non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois... François Bayrou a enchaîné les annonces fortes, mardi 15 juillet, en présentant les grandes lignes du budget 2026, afin de réunir non plus 40 milliards, mais près de 44 milliards d'euros d'ici la fin de l'année prochaine. Pour décrypter cette cure d'austérité et ses effets, Djamel Mazi reçoit Stéphanie Villers, économiste et conseillère économique au cabinet PwC France, dans "La Matinale" du 16 juillet.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Djamel Mazi : Quand François Bayrou lance cet avertissement et cette phrase choc qu'on retient ce matin : "Nous sommes à la dernière station avant la falaise", est-ce qu'économiquement la France est au bord du précipice ?

Stéphanie Villers : En fait, la France se distingue des autres pays de l'Union européenne et c'est ça le problème. C'est-à-dire que tous les pays de l'Union européenne ont connu exactement les mêmes soubresauts avec les mêmes crises : la crise Covid, la crise énergétique... Et les autres pays ont réussi à stabiliser leurs dettes et à maîtriser leurs déficits publics, ce qui n'est pas le cas de la France. Il est très mauvais de se distinguer, car on risque la sanction des marchés financiers.

On est loin de ce qu'a pu connaître la Grèce, par exemple, il y a quelques années ?

On n'est pas dans la même situation, car en Grèce, il y avait un problème de réalité sur ses comptes publics. Il y avait quand même énormément d'évasion fiscale, ce qui n'est pas le cas de la France. Il n'empêche qu'aujourd'hui, on reste la deuxième puissance de la zone euro. Et le risque, c'est que les marchés financiers considèrent que financer notre train de vie n'est plus acceptable et que l'on soit sanctionné. Ça a déjà été le cas dans d'autres pays. Le Premier ministre l'a rappelé, et ça, c'est une réalité qu'on doit prendre en compte.

François Beaudonnet : Si vous n'aviez qu'une explication pour éclairer la situation de la France par rapport aux autres pays européens, par rapport à l'Espagne, par exemple, qui économiquement s'en sort très bien, qu'est-ce qui fait qu'en France, on se débrouille moins bien qu'ailleurs ?

Stéphanie Villers : Je pense que le "quoiqu'il en coûte" a duré véritablement trop longtemps. Il y a eu le Covid où tous les autres pays ont été financés, tout comme nous, par la BCE. On paye aussi des politiques relativement généreuses sur les 20 dernières années, mais on en a rajouté une couche avec cette crise énergétique. Alors que tous les pays européens se disaient que la BCE ne veille plus au grain et ne finance plus notre dette, nous, on a cru véritablement qu'on pouvait continuer sur ce train de vie, pensant que plus l'État dépensait, plus les Français allaient consommer davantage. Et en réalité, on s'aperçoit que ce n'est pas du tout le cas. En fait, les Français ont mis de côté, parce qu'ils ont perdu leurs repères. Et ça a bloqué notre croissance. Et ce qui fait qu'aujourd'hui, on est dans cette situation-là.

Djamel Mazi : Alors, vivre au-dessus de ses moyens, les allègements, c'est terminé. Mais il y a deux annonces chocs à retenir. La première, la suppression de deux jours fériés. Ça vous semble cohérent, ces chiffres, avec ce que pourrait donner la suppression de ces deux jours fériés ?

Stéphanie Villers : On demande aux salariés non pas de cotiser ou de payer plus d'impôts, mais de travailler davantage pour permettre à l'État de récolter plus de recettes. Par exemple, les retraités, on ne peut pas leur demander de travailler davantage. Donc là, on va plutôt vers un gel de leur pension et la suppression de l'augmentation de 10 %. Aux salariés, on leur dit qu'il va falloir travailler davantage. Pour autant, effectivement, je pense que le gouvernement fait le bon diagnostic, il faut travailler plus. Mais en fait, ceux qui travaillent, travaillent déjà assez. Et ce qui manque, en fait, dans ce plan, c'est ce qui pourrait aider les jeunes à aller plus rapidement sur le marché de l'emploi, parce que c'est quand même ça notre problème en France. Aussi, il faudrait aider les seniors à rester en emploi, et aussi, le taux d'emploi des femmes qui reste quand même contraint par leur vie privée, qui fait qu'il y a plus de temps partiel, par exemple, chez les femmes que chez les hommes.

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