L’affaire qui touche de plein fouet les salariés de l’usine Solvay de Salindres (Gard) est la conséquence d’un scandale sanitaire dont les ressorts s’inscrivent à l’échelle mondiale. L’usine, qui a cessé son activité en septembre 2024 et dont la fermeture totale est prévue pour octobre 2025 – laissant 68 employés sur le carreau – a été le théâtre d’une exposition fréquente aux « polluants éternels ». C’est le constat que pointe un rapport d’expertise, publié à la suite d’une enquête de Mediapart, du 10 mars.
En septembre 2024, évoquant un manque de « compétitivité » du site, le géant belge de la chimie Solvay avait annoncé sa décision de mettre fin à son activité de production d’acide trifluoroacétique (TFA) et des dérivés fluorés en France. Or, selon plusieurs études, la substance en question – qui n’est, à ce stade, pas réglementée par l’Europe – pourrait être nocive pour le foie et la reproduction (risques de malformations).
Des « mesures collectives qui ne sont pas toujours suffisantes »
Le groupe Solvay avait conscience du problème, mais n’a décidé d’agir que récemment : lors de l’annonce de la fermeture du site, l’entreprise avait aussi évoqué le « durcissement des réglementations française et européenne » sur les PFAS, aussi appelés « polluants éternels ». « Malgré la présence d’un ensemble de mesures de protection collectives et individuelles », l’expertise de septembre 2024 faite par le cabinet Cidecos, à la demande du CSE de l’usine, montre « un contact trop fréquent avec les substances en parallèle de mesures collectives qui ne sont pas toujours suffisantes et efficaces, voire dans certains cas, sont absentes ».
« L’information et la formation du personnel sur le sujet des risques chimiques et de leurs dangers, du port et de l’utilisation des équipements de protection collectifs et individuels, sont à date lacunaires sur le site », indiquent les auteurs du rapport, confirmant les informations dévoilées par Mediapart.
Dans la cabine d’enfûtage TFA – le plus petit des polluants éternels connus –, où des salariés procédaient au chargement de la substance dans des fûts vides pour la vente, le contact avec les produits était « toujours présent ». Et ce, en dépit d’un dispositif qui était censé limiter les expositions et émissions des produits. Les salariés ont ainsi inhalé, pour certains durant de nombreuses années, des PFAS et autres polluants éternels au quotidien.
« On remplissait des bennes entières avec des produits chimiques hautement toxiques exposés à l’air libre, a par exemple confié un ouvrier à Mediapart. Je n’exagère pas quand je dis que j’en ai respiré des kilos. Le produit, on le voit et on le sent quotidiennement. » Contactée par l’Agence France Presse (AFP), la direction du groupe a assuré mettre « la sécurité et la santé de ses collaborateurs au cœur de ses priorités ».
« Nous respectons nos obligations et le service de santé au travail procède au suivi médical des salariés, qui permet de surveiller la santé, de prévenir les risques professionnels et de contribuer à des conditions de travail adaptées, dans une démarche de prévention continue », a affirmé le groupe. Une enquête menée par l’ONG Générations futures (février 2024) rappelle pourtant que le TFA est fabriqué sur le site depuis 1982, mais a aussi révélé que des traces du polluant ont été retrouvées dans les rejets de l’usine. Des fuites qui ont contaminé les rivières avoisinantes et l’eau potable de douze communes.
Dans leurs préconisations, les auteurs de l’expertise estiment que « les représentations du risque chimique présentes sur le site minorent et banalisent les risques chimiques et leurs dangers, et freinent ainsi la mise en place d’une politique de prévention protectrice de ces risques ». Le cas de l’usine Solvay située à Salindres est donc un rappel que les polluants éternels restent omniprésents, et ce, malgré les alertes.
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