Toxicomane repenti, antivax, défenseur de l'environnement... Qui est Robert F. Kennedy Jr., ministre de la Santé de Donald Trump ?

"Make America Healthy Again" ("Rendre sa bonne santé à l'Amérique"). Pour trouver son slogan de campagne présidentielle, Robert Francis Kennedy Jr. n'était pas allé chercher bien loin : il l'avait calqué sur le célèbre "Make America Great Again" de Donald Trump. Adversaires pendant quelques mois, les deux hommes se sont finalement alliés. Le neveu de John Fitzgerald Kennedy a rallié, quelques mois avant le scrutin, le républicain. En retour, le nouveau locataire de la Maison Blanche a choisi "RFK" Jr pour être son ministre de la Santé.

Le Sénat américain a entériné le jeudi 13 février cette nomination à la tête d'une administration qui compte plus de 80 000 agents. Un choix controversé vu le manque d'expérience, le scepticisme envers les vaccins, et l'attrait pour de nombreuses théories conspirationnistes de Robert F. Kennedy Jr. De telles prises de position, tout comme ses changements d'avis sur l'avortement, lui ont valu d'être vivement critiqué lors de son audition devant les sénateurs. Franceinfo retrace le parcours mouvementé du nouveau ministre américain de la Santé.

1 Il a été renié par une large partie de sa famille 

Robert Kennedy Jr., 71 ans, est issu de la plus célèbre dynastie politique américaine, marquée par la tragédie : son père a été assassiné en 1968, cinq ans après John F. Kennedy. Pour autant, ses relations avec sa famille sont glaciales. "Le clan Kennedy, dans son ensemble, a répudié Robert F. Kennedy Jr bien avant qu'il ne pactise avec Donald Trump", rappelle auprès de franceinfo Ludivine Gilli, docteure en histoire et directrice de l'observatoire Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès.

"Bobby [son surnom] partage peut-être le même nom que notre père [l'ancien ministre de la Justice Robert Kennedy], mais il ne partage pas les mêmes valeurs, la même vision ou le même jugement", déclarait ainsi en novembre 2023 sur X Kerry Kennedy, lorsque son frère a décidé de se présenter en tant que candidat indépendant à Maison Blanche. "Nous dénonçons sa candidature et pensons qu'il est un danger pour notre pays", a-t-elle déclaré, avec trois autres membres de la fratrie. L'illustre famille s'était rangée derrière les démocrates.

A plusieurs reprises, "RFK" Jr. a profité de l'aura de son patronyme. Pendant la campagne présidentielle, il n'a pas hésité à reproduire un spot d'un célèbre clip de campagne de son oncle datant de 1960, afin de faire sa propre promotion lors du Super Bowl, finale du championnat de football américain. En 2023, il a par ailleurs accusé la CIA d'être impliquée dans la mort de "JFK", et remettait en cause la responsabilité de l'assassin de son père, l'immigré palestinien Sirhan Sirhan

Caroline Kennedy, fille du président assassiné et ambassadrice américaine en Australie, est sortie de sa réserve fin janvier dans une vidéo, dressant un portrait à charge de son cousin. "Il est incompréhensible que quelqu'un prêt à exploiter ses propres tragédies familiales douloureuses pour la publicité soit chargé des situations de vie et de mort de l'Amérique", a-t-elle affirmé.

2 Il a fondé une organisation antivax

Fin janvier, face au Sénat, Robert F. Kennedy Jr s'est défendu d'être antivax. "Je suis pour la sécurité", a-t-il assuré. "Il est probablement le vaccinosceptique le plus en vue de l'Amérique", réagit auprès de franceinfo Matt Motta, politologue et spécialiste en droit de la santé à l'université de Boston. "Lorsqu'on lui a demandé, sous serment, comment il gouvernerait, il a déclaré : 'Montrez-moi les données selon lesquelles les vaccins sont sûrs et je gouvernerai en conséquence'". 

Ses positions antivax ont commencé à émerger à la fin des années 1990, avec son engagement contre les lobbys pharmaceutiques. En 2007, il a cofondé l'organisation Children Health Defense (CHD), connue pour ses campagnes de désinformation contre la vaccination. Elle établit par exemple le lien entre vaccin et autisme, reposant sur une étude truquée

"Robert F. Kennedy Jr. se livre à de la désinformation, dans une tentative délibérée de tromper des gens."

Matt Motta, politologue et spécialiste en droit de la santé à l'université de Boston

à franceinfo

"Il est prêt à embrasser la méthode scientifique quand cela l'arrange ou quand cela lui permet de faire du profit", poursuit le chercheur américain. Caroline Kennedy dénonce aussi le double discours de son cousin, qui a vacciné ses propres enfants, alors qu'il décourage d'autres parents de le faire.

Dans une séquence devenue virale, le sénateur démocrate Bernie Sanders l'a mis en difficulté en évoquant des vêtements pour bébés arborant des slogans antivax, commercialisés par CHD. De son côté, le sénateur démocrate de l'Oregon Ron Wyden l'a accusé d'avoir gagné 4,8 millions d'euros avec ses livres, "principalement en promouvant de la science 'bidon'". Il est présenté comme un "risque pour la santé publique", selon l'appel de 77 prix Nobel qui se sont opposés à sa nomination au ministère de la Santé début décembre. 

Robert F. Kennedy Jr. est également accusé d'avoir décrédibilisé la vaccination lors d'un voyage aux îles Samoa. Après sa venue, la couverture vaccinale a chuté sur ce territoire, où une épidémie massive de rougeole a fait 83 morts en novembre 2019, selon un rapport (PDF) de l'Organisation mondiale de la santé. Interrogé à ce sujet devant le Sénat, Robert F. Kennedy Jr. a laissé entendre que la cause de ces décès n'était pas claire, ce que le chef de la santé aux Samoa a réfuté, dans une interview à l'Associated Press

3 Il a défendu d'autres théories conspirationnistes

 "De nombreux sénateurs [l'ayant auditionné] des deux bords ont soulevé qu'il semble très disposé à reprendre n'importe quel discours que Trump lui insuffle", relève Matt Motta. Malgré leur parcours idéologique différent, une chose lie le président à son ministre de la Santé, selon le politologue américain : "une rhétorique anti-intellectuelle partagée, qui repose sur cette idée que les scientifiques sont des personnes motivées politiquement et qu'on ne peut pas leur faire confiance".

Alors que Donald Trump a qualifié Anthony Fauci, son ancien conseiller médical en chef, d'"idiot" pendant la pandémie, le nouveau ministre de la Santé a taxé le CDC (centre pour le contrôle et la prévention des maladies) de "marionnette" des lobbys pharmaceutiques en 2015. En plus d'avoir publié en 2021 un best-seller, Anthony Fauci, Bill Gates et Big Pharma : leur guerre mondiale contre la démocratie et la santé publique, préfacé dans sa version française par le médecin controversé Christian Perrone, il a répandu diverses de théories conspirationnistes farfelues : le conflit ukrainien aurait été provoqué par les Etats-Unis, le milliardaire américain Bill Gates aurait financé un vaccin en Inde paralysant 490 000 enfants, etc.

4 Il est un toxicomane repenti

En 1983, "RFK" Jr. a été arrêté pour possession d'héroïne, avant de suivre un programme de sevrage, rappelle le New York Times. Sa cousine Caroline lui reproche d'avoir entraîné plusieurs de ses proches dans sa descente aux enfers : "J'ai vu ses jeunes frères et cousins le suivre sur la voie de la toxicomanie.", dénonce-t-elle dans sa vidéo.

"Son sous-sol, son garage, sa chambre d'étudiant étaient toujours le centre de l'action où l'on pouvait se procurer de la drogue et où il aimait montrer comment il passait les poussins et les souris au mixeur pour les donner à ses faucons."

Caroline Kennedy, cousine de Robert F. Kennedy Jr.

dans une vidéo datant de janvier 2025

David Anthony, frère de "Bobby", a notamment succombé à une overdose de cocaïne en 1984, comme l'expliquait alors le New York Times. Le quotidien a également révélé, en mai 2024, que l'ex-candidat à la présidentielle a connu d'autres graves problèmes de santé : une intoxication au mercure et un ver ayant rongé une partie de son cerveau. Son ancienne porte-parole pendant la campagne a assuré qu'il était "en bonne santé physique et mentale"

5 Il a été un fervent défenseur de l'environnement

"Il a une personnalité très paradoxale et très clivante", estime auprès de franceinfo Dominique Simonnet, journaliste et coauteur de l'essai Les grands jours qui ont changé l'Amérique (2021). Avant de rallier le camp républicain, Robert F. Kennedy Jr a été démocrate pendant près de trente ans. Il était même "constant" et "cohérent" dans son combat contre "les vaccins, les pesticides, l'agrobusiness" et sa prise de position "en faveur du droit à l'avortement...", assure Ludivine Gilli. 

"Quand il  était jeune, c'était un 'bad boy', qui s'est racheté une conduite avec son engagement en faveur de l'environnement", ajoute l'historienne. Diplômé de Harvard et avocat très engagé, il a travaillé dans les années 1980 pour le Riverkeeper et le Natural Resources Defense Council (NRDC), deux ONG à but non lucratif axées sur la protection de la nature. Au sein de la première, il a ainsi dénoncé la pollution du fleuve Hudson au mercure, au charbon et aux pesticides par des grands groupes industriels. C'est "le Kennedy qui compte", écrivait même le New York Magazine en 1995.

Mais la controverse n'est jamais bien loin. "Il s'est présenté comme fondateur de Riverkeeper et en a évincé les créateurs initiaux. Ses actions ont mené à un questionnement sur ses intentions", selon Ludivine Gilli. 

Jusqu'en 2010, l'ancien professeur en droit de l'environnement a intenté des procès à des multinationales responsables de pollution, plaidant par exemple contre les pétroliers ConocoPhillips et Exxon. Il s'est opposé à la construction d'une station de transfert d'ordures dans un quartier pauvre de l'Etat de New York, a aidé les tribus indigènes à protéger leurs terres. Il s'est aussi opposé à l'extraction de sables bitumineux. En 2018, il a été membre de l'équipe qui a fait condamner Monsanto, lors d'un procès historique, pour l'utilisation du Roundup.