Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir de l'échange entre Emmanuel Macron et les internautes

"On rentre dans une nouvelle ère". Au cours d'un long échange diffusé en direct sur les réseaux sociaux, jeudi 20 février, Emmanuel Macron s'est adressé aux internautes au sujet de l'Ukraine, avant de répondre à leurs questions.

Disant venir "sonner le tocsin" pour rassembler face à "la menace que représente la Russie pour l'Europe et pour la France", le président français a notamment annoncé des "efforts" à venir.

"Ça va nous imposer des choix très forts pour nous mêmes, pour notre défense et notre sécurité", a-t-il résumé, au terme d'une heure et quart de question-réponses.

Emmanuel Macron a par ailleurs promis qu'il mettrait en garde Donald Trump – qu'il doit rencontrer lundi à Washington – contre toute marque de faiblesse face à Vladimir Poutine.

France 24 revient sur les points clés abordés par Emmanuel Macron concernant la guerre en Ukraine, et les réactions qu'ils suscitent au sein de la classe politique française.

  • Soutien à la légitimité du président ukrainien Volodymyr Zelensky

Alors que Donald Trump a récemment marqué les discussions sur la guerre en Ukraine par des critiques acerbes à l'égard du président ukrainien – qu'il a qualifié de "dictateur sans élections" –, Emmanuel Macron a pour sa part affirmé que Volodymyr Zelensky était un dirigeant légitime, élu lors d'un processus électoral "libre" et équitable, à la différence de Vladimir Poutine.

"C'est un président élu d'un système libre. Ce n'est pas le cas de Vladimir Poutine qui tue ses opposants et qui manipule ses élections depuis longtemps".

Le président a plus tard indiqué sur X avoir parlé à son Volodymyr Zelensky dans la soirée pour lui faire part de ses contacts avec les partenaires européens "désireux de travailler à une paix durable et solide pour l'Ukraine, et pour "préparer" son déplacement à Washington.

Plus tard, jeudi, Elon Musk a à son tour vivement critiqué Volodymyr Zelensky, "méprisé" par son peuple, estimant que Donald Trump avait raison de ne pas l'inclure dans les pourparlers avec la Russie.

  • Appel à une position ferme envers la Russie

Désireux de se placer au centre du jeu européen à l'heure où Russes et Américains ont commencé seuls des pourparlers de paix, Emmanuel Macron a annoncé son intention d'inciter Donald Trump à maintenir une attitude ferme face à Vladimir Poutine. Le président français doit rencontrer son homologue américain, lundi à Washington.

"Je vais lui dire 'au fond, tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n'est pas toi, pas ta marque de fabrique, c'est pas ton intérêt'", a notamment expliqué le président français. "Comment ensuite être crédible face à la Chine si t'es faible face à Poutine".

"La deuxième chose à dire : si tu laisses l'Ukraine prise" par Poutine, la Russie "sera inarrêtable pour les Européens" car elle "va récupérer l'Ukraine et son armée qui est une des plus grandes d'Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains. C'est une faute stratégique énorme", a encore plaidé Emmanuel Macron, qui veut convaincre Donald Trump que "c'est son intérêt de travailler avec les Européens en ce moment".

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  • Augmenter l'effort de guerre, "revisiter nos choix budgétaires"

Emmanuel Macron a affirmé aux internautes "vouloir la paix" mais ne pas vouloir "la capitulation de l’Ukraine".

"Nous voulons la paix, mais on ne veut pas d'un cessez-le-feu qui soit une capitulation de l'Ukraine, car ça c'est dangereux, et on sait que ça conduirait une Russie qui va plus loin, on l'a déjà vécu."

"Nous, Européens, devons augmenter notre effort de guerre", a-t-il prévenu, critiquant implicitement les intentions de Donald Trump de négocier directement avec la Russie sans inclure l'Ukraine.

"On rentre dans une nouvelle ère, mais cela fait déjà une quinzaine d’années où les États-Unis nous disent qu’on n’est plus leur priorité. Nous devons l’accepter. Nous n’avons plus les dividendes de la paix de nos aînés", a ajouté Emmanuel Macron. "Cette ère nouvelle va nous imposer de faire des choix. On va devoir revisiter nos choix budgétaires."

La France, qui consacre environ 2 % de son PIB à sa défense, doit-elle aller plus loin et tendre, à l'image de la Pologne, vers les 5 % réclamés par Donald Trump ? "Je ne sais pas si 5 % c'est le bon chiffre pour la France, mais en tout cas, il va falloir monter", a répondu Emmanuel Macron.

  • Créer des produits d'épargne pour soutenir la défense

Pour "financer certains programmes de défense", Emmanuel Macron a ainsi dit ne pas exclure de "lancer des produits d'épargne" et de "faire appel à la nation".

"On rentre dans une époque où chacun d'entre nous doit se demander ce qu'il peut faire pour la nation française et la République", et en ce sens, un tel produit d'épargne serait "une très bonne idée".

  • Pas d'envoi de militaires français en Ukraine... pour le moment

Répondant à une autre inquiétude des internautes, Emmanuel Macron a martelé qu'il n'avait pas l'intention d'envoyer de soldats français "demain" en Ukraine, mais seulement une fois la paix conclue pour la "garantir" face aux Russes.

"Je n'ai pas décidé d'envoyer des troupes en Ukraine, non. Ce qu'on envisage plutôt, c'est d'envoyer des forces pour garantir la paix une fois qu'elle sera négociée".

Le même jour, les médias britanniques rapportaient que le Royaume-Uni et la France travaillaient à la création d'une force européenne destinée à assurer la sécurité de l'Ukraine dans le cadre d'un éventuel accord de cessez-le-feu, et qui serait composée de "moins de 30 000 militaires". 

Citant des "responsables occidentaux", plusieurs journaux, dont The Guardian, The Financial Times et The Times, indiquent que cette force serait principalement aérienne et maritime, avec une présence "minimale" sur le terrain, à l'écart de la ligne de front dans l'est du pays.

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Concernant la proposition d'une force de protection européenne, si une armée commune n'est, selon le président français, pas dans les compétences de l'Europe, Emmanuel Macron a en revanche dit souhaiter "que l'Europe s'entende à créer des capacités communes, une base industrielle et technologique de défense commune".

"Nous avons besoin de renforcer très fortement un pilier européen de défense et de sécurité. De garder ce que l'Otan nous apporte (interopérabilité et capacité commune à dissuader), et travailler ensemble pour avoir de grands programmes, faire de la recherche et de l'innovation de défense, avoir des industries, et passer des commandes ensemble pour nos armées."

  • Les chefs de partis divisés

Les discussions sur le soutien à l'Ukraine, notamment sur l'envoi de troupes constitue l'un des points de friction avec les chefs de parti, que le président français a reçus durant plusieurs heures à l'Elysée, jeudi.

Le communiste Fabien Roussel s'est inquiété qu'Emmanuel Macron ait laissé entendre qu'il faille "se préparer éventuellement à continuer de soutenir l'Ukraine et d'être auprès de l'Ukraine militairement si l'Ukraine voulait poursuivre la guerre".

À l'extrême droite de l'échiquier, Éric Ciotti (UDR) a déploré que la France se soit engagée dans "une vision très belliqueuse" et qu'elle soit prise désormais "à revers" par Donald Trump.

Mais plusieurs autres figures politiques ont convenu que la France devait faire entendre sa voix dans le nouveau concert des Nations imposé par Donald Trump.

"Il faut avoir un message très clair (...) L'Europe va devoir être un pilier", a déclaré Marine Tondelier pour Les Écologistes, appelant à "ne compter que sur nous-mêmes".

"La voix de la France et de l'Europe aujourd'hui est assez isolée", a répliqué sur LCI Louis Aliot, qui représentait le Rassemblement national en l'absence de Jordan Bardella, attendu à Washington pour un rassemblement des conservateurs.

Du côté des Insoumis, Manuel Bompard a jugé intéressant "d'entendre pour la première fois le président utiliser le terme de non-alignement" vis-à-vis des États-Unis mais a déploré que l'Alliance atlantique reste perçue comme "une obligation dans l'architecture de sécurité" future de l'Europe.

En plus de ces consultations, qui tentent de créer du consensus dans un paysage politique national fracturé, est prévu un débat sans vote, début mars au Parlement, sur les conséquences du contexte géopolitique en Europe pour la France.

Avec AFP