Médicaments, voitures, vins… Quels nouveaux droits de douane américains vont s'appliquer sur les principales marchandises européennes exportées ?

Un texte scruté par tous les secteurs économiques. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont présenté, jeudi 21 août, les détails de leur accord conclu fin juillet sur les droits de douane, qui impose 15% de taxe sur la plupart des exportations européennes. C'est bien plus que le taux en vigueur avant le retour au pouvoir de Donald Trump, autour de 4,8%. Mais moins que ce que le milliardaire républicain menaçait d'imposer au Vieux Continent, ces derniers mois.

L'accord était attendu : la relation commerciale entre les Etats-Unis et l'Union européenne représente près de 30% des échanges mondiaux, avec 1 680 milliards d'euros de biens et services échangés en 2024, selon le Conseil européen. Si le secteur viticole français accuse le coup, déçu de ne pas avoir obtenu d'exemption, la France reste toutefois moins exposée que d'autres pays de l'UE à la hausse des droits de douane américains. En valeur, c'est de loin l'Allemagne, parmi les Vingt-Sept, qui exporte le plus de marchandises outre-Atlantique, pour un montant de 161,2 milliards d'euros en 2024, suivie par l'Irlande et l'Italie. Parmi les produits européens les plus importés aux Etats-Unis, lesquels ont été le plus épargnés ? Qui, parmi les Européens, paiera un lourd tribut ? Franceinfo fait le point.

Vins et spiritueux : 15% de droits de douane, contre 10 % auparavant

"Nous n'avons pas réussi à ce que ce secteur" soit inclus dans les exemptions, a regretté depuis Bruxelles le commissaire européen Maros Sefcovic, jeudi. Les vins et les spiritueux seront donc taxés à la même hauteur que les autres produits européens, contre 10% depuis avril. La déception est de taille pour la filière : en 2024, l'UE a exporté pour 8 milliards d'euros d'alcools, dont plus de 5 milliards de vins, aux Etats-Unis, son premier marché à l'exportation.

Cette exemption était donc vivement réclamée, en particulier en France et en Italie. A elle seule, la France représente environ la moitié des exportations européennes : 2,4 milliards d'euros de vin et 1,5 milliard de spiritueux ont été écoulés aux Etats-Unis l'an passé. Le responsable européen a ajouté que les discussions se poursuivraient et que "ces portes n'étaient pas fermées pour toujours", tout en affirmant ne pas vouloir faire de "fausses promesses" pour le secteur. Le ministre français délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, s'est, lui aussi, engagé à travailler à des "exemptions additionnelles" pour le secteur. "L'histoire n'est pas finie", a-t-il assuré sur X

"C'est une très mauvaise nouvelle, une immense déception", a déploré Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du cognac, sur franceinfo vendredi. "Plus de 70 000 emplois directs et indirects dans la région sont concernés", sans compter "les 4 000 exploitations viticoles sur la région de Cognac", craint Florent Morillon.

Produits pharmaceutiques : 15% de droits de douane après en avoir été exemptés

Les produits pharmaceutiques figurent parmi les denrées européennes les plus exportées aux Etats-Unis : ils ont représenté 120 milliards d'euros en 2024, soit 22% du total des exportations de l'UE outre-Atlantique, selon Eurostat. Jusqu'alors exemptés de taxe, les médicaments européens seront désormais assujettis aux mêmes droits de douane que le reste des biens. Mais c'est un moindre mal. Donald Trump avait menacé d'appliquer une surtaxe de 200% aux médicaments pour obliger les laboratoires à s'installer outre-Atlantique.

Alors que le secteur pharmaceutique représente la moitié des exportations d'Irlande et emploie 50 000 personnes, le Premier ministre du pays, Micheal Martin, s'est ainsi réjoui de "la clarté" apportée par la déclaration commune, jeudi. Si la France est moins touchée que sa voisine irlandaise, la nouvelle taxe devrait néanmoins affecter l'industrie tricolore. Après la Belgique, les Etats-Unis sont le pays qui importe le plus de médicaments français, pour une somme de 3,8 milliards d'euros en 2024.

Automobiles : 15% de droits de douane, bien plus qu'avant la réélection de Donald Trump

Les constructeurs européens payaient depuis avril des droits de douane de 27,5% – dont une surtaxe de 25% décidée par Donald Trump. Avec l'accord dévoilé jeudi, la taxation de l'automobile européenne redescend à 15%. Ce taux reste néanmoins bien loin des 2,5% qui avaient cours avant l'administration Trump. Après l'annonce de l'accord, fin juillet, la directrice générale du lobby européen des constructeurs automobiles ACEA, Sigrid de Vries, avait ainsi pointé du doigt "l'effet négatif pour le secteur" de droits de douane à 15%, tout en saluant une "désescalade".

Les groupes automobiles français seront bien moins touchés que les constructeurs allemands. En 2024, ces derniers ont exporté 15% de leur production vers les Etats-Unis, pour un total de 24 milliards d'euros de véhicules. La Slovaquie sera aussi très touchée (6 milliards d'euros de voitures exportées), tout comme l'Italie et la Suède (4 milliards d'euros chacune). La France arrive loin derrière, avec moins de 600 millions d'euros de voitures produites dans l'Hexagone et vendues aux Etats-Unis.

Secteur aéronautique : 0% de droits de douane, une exonération finalement maintenue

Un soulagement pour la France. Alors que les industriels européens s'étaient vu imposer un taux provisoire de 10% depuis avril, l'aéronautique revient à la situation d'avant janvier 2025, avec une exemption réciproque de droits de douane pour tous les avions, équipements et pièces détachées aéronautiques. Une victoire, alors qu'un cinquième des exportations tricolores vers les Etats-Unis sont liées à l'aéronautique (9 milliards d'euros en 2024, d'après les douanes françaises).

Cette exonération a été saluée par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, qui y voit une décision "bonne pour une industrie équilibrée entre la France et les Etats-Unis", selon un communiqué. Pour cette organisation professionnelle, l'absence de droits de douane permettra notamment de "conserver des emplois qualifiés en France à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance".

D'autres secteurs, comme "certains produits chimiques, certains produits agricoles" ou encore "certaines matières premières stratégiques", bénéficient d'une exemption totale, avait expliqué fin juillet la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.