"Enorme" pour Donald Trump, "un jour sombre" selon la France : ce que l'on sait de l'accord sur les droits de douane entre les Etats-Unis et l'UE
Un deal qui fait beaucoup réagir. Après de longues semaines d'incertitudes et de négociations, les Etats-Unis et l'Union européenne se sont mis d'accord, dimanche 27 juillet, sur de nouvelles règles concernant leurs échanges commerciaux.
Depuis son retour au pouvoir, début janvier, Donald Trump dénonçait une situation "injuste" pour les Américains, et promettait de rebattre les cartes à sa manière. Après avoir fait planer la menace d'une hausse massive des droits de douane pour les produits européens, pour les fixer à 30, voire 50%, le président des Etats-Unis avait mis en pause ce régime strict le temps de négocier. C'est finalement une surtaxe de 15% qui sera appliquée par Washington à la plupart des marchandises venues d'outre-Atlantique, moyennant l'engagement d'acheter de l'énergie made in USA. Voici ce que l'on sait de cet accord.
Des droits de douane "généraux" fixés à 15% par les Etats-Unis
C'est la principale information à retenir de la rencontre entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et Donald Trump, dimanche à Turnberry, en Ecosse (Royaume-Uni). Les négociateurs des deux blocs sont parvenus à éviter une guerre commerciale, avec des surtaxes bien plus élevées et d'éventuelles interdictions de marché. Cependant, les Américains n'ont pas lâché l'idée d'une hausse de leurs droits de douane sur les produits venus d'Europe. Ces droits "généraux", comme l'a expliqué Ursula von der Leyen, ont donc été fixés à 15% pour un très grand nombre de marchandises.
Ce taux avoisine celui déjà appliqué aux Vingt-Sept depuis plusieurs mois, à savoir l'addition des 4,8% en vigueur avant le retour de Donald Trump au pouvoir, et des 10% supplémentaires pour tous les produits entrant sur le sol américain décrétés début avril. Pour certaines industries qui profitaient d'exemptions de taxes, comme celle des produits cosmétiques, c'est en revanche la douche froide, car l'accord confirme le passage de 0% à 15% de droits de douane. De quoi faire perdre "au moins 300 millions d'euros d'export" par an, a estimé lundi sur France Inter Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération française des entreprises de la beauté (Febea).
En comparaison, le Royaume-Uni fait mieux en signant, début mai, un accord commercial fixant les droits de douane généraux à 10%, et même l'absence de toute taxe sur l'industrie sidérurgique britannique. Le Japon, dont l'industrie automobile est très dépendante des Etats-Unis, a annoncé le 22 juillet un accord similaire à celui de l'UE, avec des droits de douane généraux de 15%. Mais les surtaxes de 50 % sur ses exportations d'acier et d’aluminium restent en vigueur.
Certains produits échappent aux surtaxes américaines
C'était l'un des points centraux des négociations entre Européens et Américains. Les marchandises dites "stratégiques" ne sont finalement pas concernées par la hausse des droits de douane. "Certains produits chimiques, des équipements pour semi-conducteurs, certains produits agricoles et des matières premières critiques" sont notamment concernés, a précisé Ursula von der Leyen. Les équipements nécessaires à l'industrie aéronautique échappent également à ce régime plus sévère.
Le flou demeure toutefois sur les produits pharmaceutiques, car la partie américaine a émis des déclarations contraires à ce sujet. La surtaxe de 50% sur l'acier et l'aluminium européens n'a pas été évoquée, même si la Commission européenne cherche à la renégocier. L'incertitude plane aussi sur les vins et spiritueux. La Fédération française des exportateurs de ces alcools dit ainsi attendre plus de détails avant de commenter la situation.
Les Européens s'engagent à gonfler leurs commandes d'énergie aux Etats-Unis
Très attaché aux contreparties, Donald Trump a déclaré dimanche que le taux plancher de 15% avait été fixé moyennant de juteux contrats d'énergie à venir pour les Américains. Selon le locataire de la Maison Blanche, l'UE s'est engagée à acheter 750 milliards de dollars de pétrole, de gaz (compris du gaz naturel liquéfié), de combustible nucléaire et de semi-conducteurs produits aux Etats-Unis, le tout sur trois ans. Toujours selon Donald Trump, Bruxelles a par ailleurs accepté "d'investir 600 milliards de dollars" outre-Atlantique, à travers des achats d'équipements militaires notamment.
Du côté européen, Ursula von der Leyen a confirmé que l'Union européenne achètera des volumes "significatifs" d’hydrocarbures aux producteurs américains, afin de remplacer les importations venues de Russie, sur fond de guerre en Ukraine. La présidente de la Commission a salué "un bon accord qui apportera de la stabilité et de la prévisibilité ", alors que l'Europe reste le premier partenaire commercial des Etats-Unis.
Malgré la satisfaction de Bruxelles, la prudence reste de mise concernant cette nouvelle entente commerciale avec les Etats-Unis. Depuis le début de sa croisade sur les droits de douane, Donald Trump a surpris plus d'une fois les dirigeants du monde entier et les marchés financiers, en annonçant des taux record, puis en décrétant des pauses aux allures d'ultimatums. S'il s'est félicité, sur son réseau TruthSocial, d'un coup "énorme" et du "plus grand" pacte commercial jamais conclu, le président américain reste imprévisible et pourrait en demander davantage dans les détails de cet accord.
Un vent de discorde en Europe, notamment en France
L'annonce de cet accord ne satisfait pas tout le monde au sein de l'Union européenne. D'un côté, il a été salué par le chancelier allemand, Friedrich Merz, ou encore la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, qui y voient un moindre mal face au risque de guerre commerciale. En Espagne, Pedro Sanchez dit soutenir l'accord, mais "sans enthousiasme".
Mais la pilule ne passe pas dans d'autres capitales européennes. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a déclaré que Donald Trump avait "mangé" Ursula von der Leyen pour son "petit déjeuner".
En France, le Premier ministre français, François Bayrou, estime ainsi que Bruxelles "se résout à la soumission" et parle d'"un jour sombre" pour l'économie européenne. Du côté des oppositions, le Rassemblement national appelle les dirigeants à s'opposer au texte.
D'autres voix réclament la poursuite des négociations. L'UE dispose de plusieurs outils pour peser dans la balance, comme l'a rappelé lundi sur RTL le ministre de l'Industrie et de l'Energie, Marc Ferracci, et pourrait notamment menacer de taxer davantage l'important volume de services numériques fournis par des entreprises américaines.
Les ambassadeurs européens, qui étaient en visite au Groenland lorsqu'ils ont été informés de l'accord, doivent assister lundi à un débriefing de la Commission sur le sujet. Les Etats membres doivent ensuite approuver officiellement ce texte. "Je suis sûr à 100% que cet accord est meilleur qu'une guerre commerciale avec les Etats-Unis", a souligné le commissaire européen chargé du Commerce, Maros Sefcovic, devant la presse à Bruxelles. "C'est clairement le meilleur accord que nous pouvions obtenir dans des circonstances très difficiles", a-t-il insisté.