Environnement : les Zones à faibles émissions (ZFE) vont-elles vraiment disparaître ?

Jugées indispensables par les uns pour prévenir les impacts néfastes de la pollution sur la santé, critiquées par les autres comme une injustice pour les catégories populaires, les Zones à faibles émissions (ZFE), qui restreignent la circulation des véhicules les plus polluants dans certaines villes, n’ont de cesse de faire parler d’elles. Plus pour longtemps ? Lors de l’examen du projet de loi de « simplification », une majorité de députés a approuvé leur suppression mercredi 28 mai au soir. Introduite en commission à l’initiative de LR et du RN, cette abrogation a été adoptée par 98 voix contre 51, avec celles de l’alliance RN-UDR, de la droite, de LFI et quelques macronistes.

Depuis le RN tente de s’approprier ce qu’il présente, selon les termes de Marine Le Pen, comme une défaite « pour l’écologie punitive et pour tous ceux qui veulent systématiquement taper sur les Français ». Mais les députés insoumis, qui se sont prononcés en faveur de la suppression, rappellent qu’ils ont proposé « dès 2022 un moratoire sur les ZFE ». « Il est urgent de planifier nos mobilités en mettant de réels moyens dans des alternatives en transports en commun », ajoutent-ils dans un communiqué où ils se félicitent d’une « victoire » contre « un dispositif injuste ».

ZFE, passoires thermiques… « même logique, mêmes échecs »

Reste que la question divise et que le gouvernement n’est pas exempt de responsabilité. « Mettre en place des ZFE en sabrant la prime à la conversion pour l’achat de voitures moins polluantes. Interdire la location des passoires thermiques en refusant les aides à la rénovation des logements. À chaque fois, même logique, mêmes échecs », fait valoir le sénateur communiste Ian Brossat ce vendredi 30 mai. « Il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre la pollution qui provoque 40 000 décès par an. Mais s’il n’y a pas de mesures d’accompagnement de ces ZFE, c’est une véritable bombe sociale » qui concernera « 14 millions d’automobilistes », prévenait dès 2022 dans nos colonnes le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, proposant alors une « une prime de 10 000 euros pour l’achat de véhicules d’occasion de Crit’air 1 et 2 ».

« Ce sont les milieux modestes qui souffrent le plus de la pollution ! Les ZFE existantes auraient dû être améliorées plutôt que supprimées. Mais à cause d’une grande démagogie et d’un ”trumpisme” ambiant, toute forme de réglementation écologique devient de la ”démagogie” », a également ajouté, ce vendredi sur X, le député Alexis Corbière qui siège avec les écologistes depuis qu’il a quitté la France insoumise.

La maire socialiste de Paris est, de son côté, vent debout contre cette décision. « La pollution de l’air cause plus de 8 000 décès prématurés chaque année en Île-de-France », les ZFE sont « un outil indispensable pour protéger la santé publique et répondre à l’urgence climatique », a souligné la ville dans un communiqué, appelant « à rétablir cette mesure essentielle ». Même tonalité du côté du maire écologiste de Lyon Grégory Doucet qui a dénoncé « un vote contre la santé des Français » et de celui de Montpellier Michaël Delafosse (PS) qui y voit « une erreur funeste pour les générations à venir ».

Friture sur la ligne gouvernementale

La question divise jusque dans le « socle commun ». « Je ne vais pas vous dire que je pleure » sur le vote de suppression de l’Assemblée, a réagi sur CNews et Europe 1 le ministre (LR) des Transports, Philippe Tabarot. Sa collègue macroniste de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher n’est pas tout à fait sur la même longueur d’onde. Elle a tenté, en vain, de faire adopter un compromis, pour sanctuariser le fait que les ZFE ne seraient obligatoires qu’autour de Paris et Lyon, et instaurer toute une batterie d’exceptions à la main des collectivités qui veulent les mettre en place. « Ce ne sera pas possible de le faire même pour ceux qui le souhaitent », a déploré son ministère dans un communiqué à l’issue du scrutin.

L’ex ministre des Transports Clément Beaune, désormais Haut-commissaire au Plan, s’est même fait plus virulent. Il a fustigé sur X une « triste semaine de démagogie anti-écolo », citant également la loi Duplomb, qui réintroduit notamment les néonicotinoïdes, validée en début de semaine grâce à une manœuvre parlementaire permettant d’éviter tout débat.

Quant à la loi de « simplification », un article a également été adopté pour faciliter l’implantation de vastes centres de données numériques qui, après son passage en commission, comporte surtout une révision significative du « zéro artificialisation nette » (ZAN, dispositif de lutte contre la bétonisation d’espaces naturels et agricoles) avec notamment la possibilité de « dépasser jusqu’à 30 % » la limite de surfaces naturelles aménageables, « sans justification ». Les députés. Les députés ont également validé un amendement visant à sécuriser la conformité de projets comme celui de l’autoroute A69 – une limitation du « droit aux recours » selon la gauche -, ou un article ambitionnant de simplifier l’implantation d’antenne-relais.

Reste que ces articles comme l’enterrement des ZFE ne sont pas encore définitifs. Des députés estiment que cette abrogation des Zones à faibles émissions encourt un risque de censure au Conseil constitutionnel, comme cavaliers législatifs (soit une mesure trop éloignée de l’objet initial du texte). Et ce vote doit encore être confirmé par celui sur le projet de loi, alors que les débats sur ce texte, morcelés depuis début avril, doivent reprendre mi-juin, avec 623 amendements à étudier.

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