Rugby à 7 : «On est champion olympique mais ce n’est pas ma victoire», plante le nouvel entraîneur français Benoît Baby

L’ancien trois-quarts centre international Benoît Baby (41 ans, 9 sélections) a été nommé, fin septembre, entraîneur et sélectionneur de l’équipe de France masculine de rugby à 7, sacrée championne olympique aux Jeux cet été. L’ancien joueur de Toulouse (2001-2207), Clermont (2007-2011) et Biarritz (2011-2017) occupait depuis 2021 différents postes d’encadrement auprès des équipes de France jeunes, il était dernièrement en charge de l’attaque chez les moins de 20 ans masculins. L’Ariégeois succède à Jérôme Daret, élu dimanche meilleur entraîneur du monde lors des World Rugby Awards, qui avait annoncé cet été ne pas vouloir poursuivre l’aventure menée pendant huit ans. Et qui assure la transition en douceur. 

Ses premiers pas à 7

«Mon apprentissage, c’est d’apprendre l’état d’esprit des joueurs de 7 : les fameuses musiques, les danses, les connexions où ils arrivent très vite à switcher. Ce sont des choses qui pourraient aussi très bien basculer sur du rugby à XV. On n’est pas obligé de se taper la tête contre les murs pour se concentrer. Donc ce sont des choses qui me font découvrir une autre spécificité du management. C’est cet état d’esprit qui permet aux joueurs de switcher sur la concentration très vite, d’arriver à déconnecter et de prendre du plaisir quand ils sont avec nous. Et surtout, ce qui m’a vraiment le plus surpris, c’est la capacité des joueurs sur la durée d’un tournoi, sur une après-midi, à garder la bonne humeur, à garder le sourire, parce que c’est long, c’est dur. Il faut toujours se reconcentrer parce que nous, les entraîneurs, on fait des vidéos, on fait des petits retours de ce qui s’est passé sur le match précédent, on prépare le match suivant. Donc c’est plein de petites reconnections. Et là-dessus, ils ont une capacité énorme à switcher très vite entre le plaisir d’être entre eux et le plaisir d’être sur le terrain à jouer au rugby.»

L’objectif, c’est de maîtriser ce qui a fonctionné tout en continuant à l’améliorer. Ce qui a gagné en 2024 ne gagnera pas en 2028

Benoît Baby

Reprendre les champions olympiques

«Je suis très fier que la France ait gagné les Jeux olympiques, mais ce n’est pas mon projet à moi, c’est le projet de Jérôme (Daret). Moi, je repars sur un projet à long terme. Mon objectif est de construire l’équipe, de développer les joueurs, de les améliorer, de les faire se connecter entre eux, d’arriver à les faire jouer de la meilleure des façons possibles pour qu’à un certain moment, leur esprit fantasque sorte un peu sur le terrain et qu’on arrive à créer des opportunités de victoires. Je suis fier que la France ait gagné, mais ce n’est pas ma victoire. Donc l’objectif, c’est qu’on construise l’équipe maintenant pour continuer à avancer, à progresser et à gagner des matchs.» 

Perpétuer la flamme autour des Bleus du 7

«Il y a un héritage qui est mis en place. Effectivement, il y a une base de travail sur laquelle moi, je viens petit à petit faire des modifications, apporter ma patte, apporter aussi des choses qui peuvent fonctionner du XV avec le 7, des choses qui vont aussi être un apprentissage. Mais l’objectif, c’est de maîtriser ce qui a fonctionné tout en continuant à l’améliorer. Ce qui a gagné en 2024 ne gagnera pas en 2028. À nous de faire évoluer le système et le projet pour continuer à gagner. C’est un challenge qui m’a intéressé. C’est pour ça que je me suis positionné là-dessus. C’est quelque chose sur lequel on va travailler, on travaille tous ensemble. La Fédération travaille là-dessus, mais on n’est pas les seuls à bosser. C’est un ensemble de choses.»

La transmission avec Jérôme Daret

«Je vais avoir trois rôles : entraîneur, sélectionneur et manager. Pour le moment, je me focalise sur le terrain. Jérôme prend encore le rôle de sélectionneur et de manager. Petit à petit, il va me déléguer le rôle et le statut de sélectionneur où je vais pouvoir choisir les joueurs avec lesquels je vais m’entraîner, avec lesquels je vais jouer. Et petit à petit aussi, avec l’évolution de son poste et du mien, on va me déléguer le rôle de manager pour avoir à terme le rôle complet d’entraîneur national du rugby à 7. Il le fait très bien. C’est aussi une facilité pour moi d’avoir cet apprentissage avec plusieurs étapes. Il est un mentor très intéressant. Il sera avec nous à Dubaï pour observer, pour nous dire comment nous améliorer. Et pour amener aussi sa stature, parce que c’est aujourd’hui encore important qu’il soit là. Mais petit à petit, c’est lui qu’il le dit, il faut qu’il laisse la place et qu’il se montre un peu moins pour que je m’impose à 200% dans ce groupe-là. C’est bien qu’il soit là aussi dans l’accompagnement des nouveaux qui arrivent pour leur transmettre la contagion de ce qui a été mis en place pendant les huit ans où il était présent.»

J’espère aussi avoir la possibilité de choisir mes joueurs et petit à petit avoir le rôle manager. Ça peut se faire dans deux mois, comme à la fin de l’année

Benoît Baby

Quels rôles pour Daret et lui ?

«Les choses se font au quotidien. Quand Jérôme estime que je suis apte à prendre bien la responsabilité, il me délègue le plus vite possible. J’espère aussi avoir la possibilité de choisir mes joueurs et petit à petit avoir le rôle manager. Ça peut se faire dans deux mois, comme à la fin de l’année. L’objectif pour nous, c’est de maîtriser et de pérenniser le projet France 7. L’idée n’est pas de me jeter le projet et de dire on verra ce qui se passe, soit tu te casses la gueule, soit ça avance. Non, il le fait avec intelligence. L’objectif, c’est qu’on continue à performer, surtout à développer l’équipe, à continuer à produire un rugby qui va faire que les équipes de France gagnent et qu’elles soient attractives.»

L’apport de l’expérience Antoine Dupont

«Vu ce qu’a fait Antoine Dupont, c’est sûr que ça donne envie à certains de nos joueurs. Après, on est très loin des Jeux olympiques. L’objectif, c’est qu’on travaille avec les clubs, qu’on travaille avec les équipes de France, que ce soit la grande ou les moins de 20 ans. Notre objectif est de développer les joueurs. Il faut aussi qu’on soit moteur. Quand ils sortent des moins de 20 ans, certains joueurs peuvent passer un à deux ans sans trop jouer de matches avec leurs clubs, ils n’ont plus l’équipe de France pour jouer des matchs de haut niveau. Le France à 7 peut être un tremplin intéressant pour maintenir l’exigence du haut niveau tout en travaillant avec les clubs. Ça peut aussi leur permettre de travailler individuellement et collectivement des situations qu’ils ne maîtrisent peut-être pas trop à XV et de les développer à 7 pour mieux revenir après dans leur club. C’est un échange commun, cohérent, sur lequel on doit travailler pour faire performer les jeunes qui feront ensuite performer l’équipe de France.»

La place et le rôle des anciens joueurs

«Ils prennent les choses à leur façon, parce que chacun est complètement différent. Il y en a qui ont beaucoup de prestance sur le terrain. Il y en a qui font beaucoup de communication et de la psychologique, il y a une bonne approche là-dessus. Mais les jeunes aussi ont envie de prendre ces places-là. Donc c’est bien qu’ils jouent un rôle de tuteurs, de passeurs de relais. Et c’est important que les anciens des Jeux olympiques forment les jeunes pour la suite. C’est, à mon sens, un travail qui est plutôt cohérent de leur part. Parce que dans quatre ans, ils auront un certain âge et ils auront besoin d’avoir d’autres leaders pour pouvoir gagner. Et ça les emmènera peut-être, les anciens, à se focaliser uniquement sur leurs Jeux à eux, à être performants au lieu de chercher à être des leaders, à perdre de l’énergie. Et les jeunes récupéreront peut-être ce rôle parce qu’ils sont plus frais, plus vivaces. C’est intéressant cette transmission.»

Le programme des Bleus à Dubaï :
Samedi 30 novembre (en heure française)
France-Kenya à 7h50
France-Australie à 12h20
France-Afrique du Sud à 17h44