« Aucun pays ne peut affronter seul une crise sanitaire mondiale » : l’OMS concrétise un accord international sur les pandémies

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les États membres sont en voie de conclure près de trois ans de travaux. L’Assemblée mondiale de la santé doit adopter, mardi 20 mai, un programme consacré à la prévention et à la lutte contre les pandémies.

Ce dernier a été validé en commission dans la soirée du lundi précédent, mettant sur les rails une feuille de route mise à de multiples reprises en péril, tant par des négociations difficiles et que par un mouvement de défiance envers l’OMS – instigué par des régimes autoritaires tels que l’Argentine de Javier Milei que par les États-Unis de Donald Trump. Des attaques qui ont amené à des coupes drastiques dans le budget de l’organisation.

« Les virus ne connaissent pas de frontières »

Malgré ces difficultés, « le projet de résolution A 7810 addendum 1 est adopté par 124 voix contre zéro avec onze abstentions », a annoncé la présidente de la Commission, la ministre de la Santé de Namibie Esperance Luvindao, à l’issue du scrutin à main levée demandé par la Slovaquie. Une victoire acquise dès le premier jour de la 78e assemblée mondiale de la santé qui se tient jusqu’au mardi 27 mai, à Genève (Suisse).

Le texte, finalisé le 16 avril dernier par consensus, doit permettre l’instauration d’une coordination mondiale plus précoce et plus efficace, afin de prévenir, détecter et répondre au risque pandémique. « (Le) Covid-19 a été un électrochoc, rappelle Anne-Claire Amprou, l’ambassadrice française pour la santé mondiale, qui a coprésidé les négociations. Elle nous a rappelé avec brutalité que les virus ne connaissent pas de frontières, qu’aucun pays aussi puissant soit-il ne peut affronter seul une crise sanitaire mondiale. »

L’accord vise ainsi à garantir un accès équitable aux produits de santé en cas d’alerte. Une notion fondamentale, alors que le sujet a été au cœur des nombreux griefs des pays les plus démunis lors de la pandémie de Covid-19. Les États les plus riches s’appropriaient alors les doses de vaccin et autres tests, illustrant un rapport de domination – tant hérité d’un système colonial que d’une mondialisation inégalitaire – qui a privé des millions de malades de soins.

« En reconnaissant que la santé humaine, la santé animale et celle de l’environnement sont indissociables, nous agissons à la racine des pandémies », estime le ministre français de la Santé, Yannick Neuder, qui était présent à l’assemblée. Les membres de l’OMS s’accordent ainsi sur l’adoption de la « One health », un concept scientifique qui prône la prise en compte du vivant (faune, écosystèmes) dans la lutte contre les catastrophes sanitaires.

L’accord établit aussi un mécanisme « d’accès aux pathogènes et de partage des avantages » (PABS) « qui permet un partage très rapide et systématique des informations sur l’émergence de pathogènes à potentiel pandémique ». L’objectif de ce levier est de permettre le partage des contre-mesures médicales – soit les produits de diagnostic, les médicaments pour des traitements ou les vaccins – produites sur la base de cette information partagée. L’Organisation mondiale de la santé compte s’appuyer sur des entreprises qui accepteront de participer à l’accord.

Les contours définitifs de ce programme devront encore être négociés d’ici mai 2026, afin que l’accord puisse être ratifié. La prochaine année sera ainsi déterminante pour l’avenir de l’organisation, dont les finances devraient être drastiquement réduites. Le désistement des États-Unis – qui ont refusé de payer les cotisations convenues pour 2024 et 2025 – est, en grande partie, à l’origine d’un déficit compris entre 560 et 650 millions de dollars. Un manque dans la trésorerie qui va notamment affecter la masse salariale de l’exercice biennal 2026-2027.

L’OMS cherche donc à réduire de 25 % les dépenses liées aux salaires, et a déjà annoncé réduire l’équipe de direction de quatorze à sept et le nombre de départements de 76 à 34. Ces prochains jours, les pays devront se prononcer sur une augmentation des cotisations obligatoires à l’OMS, qui a dû revoir sa demande à 4,2 milliards de dollars pour son budget 2026-2027, contre 5,3 milliards initialement. Un budget « modeste », alerte Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. L’organisation doit encore trouver 1,7 milliard de dollars, soit le budget d’un grand hôpital.

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