REPORTAGE. "Transmettre la valeur précieuse de la paix" : 80 ans après la bombe atomique, Hiroshima se souvient et appelle à un "monde sans armes nucléaires"
Le 6 août 1945 à 8h15, la ville japonaise d'Hiroshima était détruite par Little Boy, bombe nucléaire larguée par les Etats-Unis. Quatre-vingts ans après, ses survivants et avec eux tout le Japon commémorent ce drame, avec la crainte que de telles tragédies se répètent dans un monde où la menace nucléaire n'a peut-être jamais été aussi vive. Au son des cigales et sous un soleil de plomb, la cérémonie de commémoration de la bombe atomique d'Hiroshima s'est tenue mercredi 6 août, au parc de la paix. Une minute de silence a eu lieu à l'heure exacte du largage de la bombe atomique sur la ville japonaise. Mais la cérémonie résonne cette année comme un urgent appel à ne pas trahir le combat pour la paix et contre les armes nucléaires mené par les "hibakusha", ces survivants irradiés depuis 80 ans.
"Il est plus crucial que jamais de se fonder sur l'expérience des hibakusha pour transmettre la valeur précieuse de la paix", estime Kazumi Matsui, maire d'Hiroshima. Mais le même de souligner : "Le réarmement s'accélère dans le monde, et parmi les dirigeants se renforce l'idée que la possession des armes nucléaires devient un moyen inévitable pour protéger son pays. Cela renie non seulement les leçons du passé, mais menace les fondements de la paix que l'on s'était efforcé de construire."
Les survivants moins invités à s'exprimer
Même le gouvernement du Japon, placé sous le parapluie nucléaire américain, voit de facto dans l'arme atomique un moyen de dissuasion. Ce qui n'empêche pas le Premier ministre Shigeru Ishiba de déclarer que "la mission de notre pays, le seul à avoir subi l'arme atomique pendant la guerre, est d'être le meneur du mouvement international pour un monde sans armes nucléaires".
Prix Nobel de la paix en 2024, les irradiés survivants de Hiroshima, eux, regrettent de ne plus être invités à s'exprimer directement à la tribune au cours de cette cérémonie annuelle. À leur place, s'expriment des représentants des enfants de la ville. "Les survivants irradiés nous font l'honneur de nous raconter des récits dont ils voudraient ne pas avoir à se souvenir, tant c'est douloureux, déclare l'un d'entre eux. Mais les occasions de les entendre se font de plus en plus rares. Nous avons la mission de prendre la relève de ces victimes en écoutant directement leurs témoignages."
Sous le cénotaphe du parc de la paix d'Hiroshima figurent les registres de toutes les victimes décédées de la suite de la bombe du 6 août 1945, depuis 80 ans. Cette liste comporte désormais 349 246 noms.