VIDEO. "Un éclair a fendu le ciel, qui s'est transformé en une lampe fluorescente géante" : une rescapée d'Hiroshima raconte cette journée d'horreur

Teruko Yahata est une "hibakusha". Au Japon, ce sont les personnes qui ont été affectées par la bombe atomique. Cette Japonaise, qui vit toujours à Hiroshima, avait 8 ans lorsque la première bombe atomique a touché la ville, le 6 août 1945. Elle fait partie des derniers survivants.

Quatre-vingts-ans après, franceinfo l'a rencontrée à Paris, au mois de juin, dans le cadre de ses activités pour la Hiroshima Peace Culture Foundation. Elle revient sur le déroulement de cette journée, elle raconte les blessures, visibles ou invisibles, et l'engagement qu’elle porte pour un avenir sans armes nucléaires.

Près de 80 000 morts en quelques secondes

Le 6 août 1945, Teruko Yahata est dans sa maison avec sa famille. Les vacances d'été ont débuté, mais depuis le début de la matinée, des messages alertent de la présence d’avions ennemis dans le ciel. Teruko Yahata, elle, n'y prête pas attention et s'aventure dans le jardin. Il est 8h15. "C'est précisément à cet instant qu'un éclair fend le ciel", se souvient-elle. La bombe atomique, larguée par un avion américain, vient d'exploser. "C'était une lumière bleuâtre, c'était comme si, le temps d'un instant, le ciel entier s'est transformé en une lampe fluorescente géante."

Sa maison, située à 2,5 km de l’hypocentre, le lieu d'impact de l'ogive, vole en éclats. Tout ce qui se situe à moins de 2 km de l’hypocentre est intégralement brûlé. Selon une enquête américaine, datant de février 1946, sur les 245 000 habitants de la ville, plus de 78 000 meurent sur le coup, rappelle le site du Musée de l'Armée. Teruko Yahata et sa famille fuient les lieux, avant de faire demi-tour après avoir été aspergés par une pluie noire, composée de cendres radioactives. À ce moment-là, Teruko Yahata croise la route de survivants, qui "fuient avec l'énergie du désespoir".

"J'ai senti mes jambes se dérober sous moi. Leurs cheveux étaient hérissés, les vêtements arrachés, le corps couvert de graves brûlures, la peau des bras s’était détachée et tombait comme un chiffon usé au bout de leurs doigts."

Teruko Yahata, rescapée d'Hiroshima

à franceinfo

Du 6 août 1945 à la fin de cette même année, environ 140 000 personnes périssent à Hiroshima. Trois jours plus tard, le 9 août, une deuxième bombe est larguée sur Nagasaki, à 300 km du premier impact. Les deux bombes tuent plus de 200 000 personnes. Selon l'organisation américano-japonaise Radiation Effects Research Foundation, de nombreuses autres meurent de leucémie ou de cancer les années suivantes, à cause des symptômes liés à l’irradiation. 

Transmettre les leçons du passé

Huit décennies après, Teruko Yahata n'a rien oublié du "traumatisme". "Quand je vois des bâtiments brûlés en Ukraine, quand je vois des cadavres jonchant le sol à la télévision, décrit-elle, il est tel que je sens l’odeur de chair brûlée en décomposition. Les cris des gens, par exemple, se superposent à ceux des survivants après la bombe atomique, et c’est atroce."

Elle s'inquiète aussi des dérives militaires actuelles. La guerre en Ukraine et la menace nucléaire brandie par Vladimir Poutine, les propos de Kim Jong-un et les tests menés par la Corée du Nord illustrent, selon elle, que "les gens n'ont pas du tout retenu la leçon". "Quand je vois la situation dans le monde, je constate que la violence s’intensifie, ça me fait très peur", regrette la rescapée. "La jeune génération vit en paix, mais notre mission est de transmettre aux jeunes les leçons du passé et de leur en faire prendre conscience, conclut-elle, pour que les armes nucléaires ne soient plus jamais utilisées à l’avenir."