« Un déficit estimé à 4 000 milliards de dollars par an » : l’ONU se réunit à Séville pour sauver le financement du développement lâché par les puissances occidentales

Les Nations unies (ONU) comptent sur un parterre d’experts et de dirigeants internationaux d’au moins cinquante États pour sauver les meubles. Tous se retrouvent lundi 30 juin, à Séville (Espagne), pour une conférence sur le financement du développement. Mise à mal par les crises mondiales et les coupes budgétaires, l’ONU va devoir réussir, en quatre jours, à mobiliser ses membres, alors que son principal créancier, les États-Unis, n’enverra aucun représentant.

Parmi les dirigeants annoncés dans la capitale andalouse, frappée par une chaleur caniculaire, figurent le président français Emmanuel Macron, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye et le Colombien Gustavo Petro. Leur homologue sud-africain Cyril Ramaphosa a, lui, annulé sa venue pour des raisons de politique intérieure. Menée par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, en compagnie du premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, et de 4 000 représentants de la société civile, cette quatrième édition depuis 2002 doit permettre de combler « un déficit de financement estimé à 4 000 milliards de dollars par an » pour les pays du Sud global, notamment pour tenir leurs objectifs de développement durable.

La suppression de 83 % des programmes à l’étranger de l’USAID

Un objectif fragilisé par les prises de position de l’administration Trump, qui a décidé de quitter la table des négociations mi-juin, en raison d’un désaccord sur le texte soumis aux délégations, accusé d’empiéter sur leur « souveraineté » et de créer des structures « faisant doublon ». Soit la continuité de la politique du dirigeant républicain, dont les premiers instants de son second mandat ont été marqués par la suppression de 83 % des financements de programmes à l’étranger de l’agence – très critiquée – de développement états-unienne, l’USAID.

Or, avec 63 milliards de dollars d’aide publique en 2024, les États-Unis étaient le principal pays donateur pour de nombreuses agences et ONG. Surtout que ces dernières sont actuellement confrontées à d’importantes difficultés, d’autant que d’autres capitales occidentales, comme Paris, Londres et Berlin, ont aussi réduit leurs aides.

En France, le budget 2025 de l’aide au développement a connu une baisse de 37 %, soit une diminution de 2,1 milliards d’euros, alors que l’exercice 2024 avait déjà été le théâtre d’une réduction de près de 800 millions d’euros. L’Allemagne, jusqu’ici principal donateur européen, a aussi diminué sa contribution de plus de 2 milliards. L’Union Européenne (UE) a quant à elle réduit de 35 % les fonds accordés aux pays les plus pauvres du monde pour la période 2025-2027.

« Les gouvernements des pays riches sont en train d’effectuer les coupes les plus importantes dans l’aide au développement jamais enregistrées depuis 1960 », a dénoncé Oxfam, vendredi 27 juin. L’ONG est inquiète de voir les pays du Sud global – dont la dépendance financière a été maintenue par les puissances occidentales « dévier tragiquement » de leur « trajectoire » de développement. Pour les pays concernés, la situation est d’autant plus délicate que l’endettement public a bondi depuis la crise du Covid-19.

« Nous ne pouvons laisser s’envoler nos ambitions »

Selon les Nations unies, celui des moins avancés a ainsi triplé en quinze ans, et 3,3 milliards d’habitants vivent dans des pays dépensant plus pour rembourser leur dette que pour la santé ou l’éducation. « Nous devons regarder la vérité en face : de nombreux engagements restent non tenus, alors que le monde est confronté à des chocs sismiques rendant les défis financiers plus difficiles à résoudre, a souligné Antonio Guterres, en référence aux nombreux conflits mondiaux. Dans ce contexte mouvementé, nous ne pouvons laisser s’envoler nos ambitions. »

L’« engagement de Séville », qui sera formellement adopté au terme de la conférence, invite pour cela à revoir l’architecture financière internationale, en accordant notamment plus de place aux pays du Sud global dans les grandes institutions et en exigeant une meilleure coopération contre l’évasion fiscale. Ce texte de 38 pages, qui sera complété par des annonces unilatérales dans le cadre d’une « plateforme de Séville pour l’action », servira de plan directeur pour le financement du développement au cours des dix prochaines années. De nature politique, il ne sera cependant pas contraignant sur le plan juridique.

Un motif de mécontentement chez les ONG, déjà agacées par ce qu’elles considèrent comme un manque de solidarité des pays les plus riches. « Le Nord global continue de bloquer les réformes, a ainsi regretté Mariana Paoli, responsable du plaidoyer chez l’ONG britannique Christian Aid, auprès de l’Agence France-Presse (AFP). Ce n’est pas du leadership, c’est du déni. » Soit la volonté de maintenir un statu quo – à savoir la domination économique et institutionnelle de l’Occident – tout en réduisant le volet humanitaire contre une pauvreté que ce dernier ne cesse d’alimenter.

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